Le Sénat a largement adopté jeudi le projet de loi de "lutte contre le terrorisme" à l'issue d'un vif débat sur le respect des libertés publiques.
Le texte du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a été voté par le PS, le RDSE (à majorité PRG) et l'ensemble de la droite UMP et UDI-UC. En revanche, les communistes et les écologistes ont voté contre.
"Ce texte repose sur un équilibre entre les préoccupations de protéger les Français et de respecter les libertés publiques", a plaidé M. Cazeneuve.
"Je comprends parfaitement les interrogations qui se sont posées, mais je n?aurais jamais présenté ce texte si je pensais que, même à la marge, il puisse remettre en question les libertés publiques", a-t-il poursuivi.
"Au contraire, à travers ce texte, nous nous armons pour que ceux qui veulent s?attaquer à nos démocraties et à leurs valeurs ne puissent le faire", a-t-il dit.
La mesure-phare est la création d'une interdiction de sortie du territoire pour freiner les départs croissants de jeunes Français candidats au jihad en Syrie.
"L'interdiction de sortie de territoire imposée à des ressortissants français majeurs doit rester le monopole de l'autorité judiciaire, indépendante de l'exécutif", a souligné Leila Aïchi (Ecologiste). "Alors force est d'admettre que l?atteinte à la liberté d?aller et venir comme au droit à un procès équitable est clairement disproportionnée et incompatible avec le principe d'un Etat démocratique", a-t-elle ajouté.
Estimant que la lutte contre le terrorisme "doit être une mobilisation citoyenne", elle a proposé au ministre de l'accompagner "à la rencontre des Français, dans les beaux quartiers et les quartiers difficiles, pour parler du terrorisme et de la lutte contre le terrorisme".
- 'Cheval de Troie' du 'tout sécuritaire' -
"Ce texte risque d'affaiblir les libertés individuelles si on n'y prend garde", a estimé sa collègue écologiste Esther Benbassa. "La lutte contre le terrorisme est un devoir national, mais la protection des libertés publiques aussi. Mon groupe s'engage à vos côtés pour lutter contre le terrorisme mais étant donné que nous n'avons pas reçu les garanties que nous attendions sur les libertés publiques, nous votons contre", a-t-elle dit.
"Nous votons contre ce projet qui n'est que le cheval de Troie d'une extension du tout sécuritaire", a souligné de son côté Eliane Assassi (CRC, Communiste, républicain et citoyen). Elle a reproché à ce texte, "construit dans l'urgence", de ne s'attaquer ni aux réseaux de financement du terrorisme, ni aux Etats identifiés comme sources de financement de ces réseaux.
En revanche, pour Christophe-André Frassa (UMP), "ce texte saura répondre avec efficacité à ses objectifs" tandis que pour Michel Mercier (UDI-UC), "il faut utiliser les armes de la démocratie et je crois qu'avec ce texte nous avons su le faire".
Inscrit par le gouvernement en urgence, c'est-à-dire une lecture par chambre, le projet de loi instaure également un nouveau délit "d'entreprise terroriste individuelle" et la possibilité de blocage administratif de sites glorifiant le terrorisme.
Les sénateurs ont également voté un article additionnel présenté par l'UMP qui permet au ministre de l?Intérieur de prononcer une interdiction administrative d'entrée sur le territoire français à l?encontre de tout ressortissant étranger ne résidant pas habituellement en France, lorsque sa présence en France constituerait une menace grave pour l?ordre public.
A l'initiative de leur commission des Lois, les sénateurs ont adopté un article prévoyant que seuls les délits d'apologie du terrorisme et de provocation au terrorisme commis sur internet devaient être assimilés à des délits terroristes et figurer dans le code pénal.
Adopté le 18 septembre par l?Assemblée, le texte doit à présent faire l'objet d'une commission mixte paritaire (7 députés, 7 sénateurs) chargée de trouver une version commune aux deux chambres.
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