Manuel Valls a recadré mardi la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal, jugeant inenvisageable sa proposition d'une gratuité des autoroutes le week-end et défendant un accord "profitable à tous" sur les péages "dans les prochaines semaines".
"Je crois que (la gratuité le week-end) est une éventualité qu'il ne faut pas envisager", a dit le Premier ministre en sortant d'une réunion au Sénat à la mi-journée, alors que Matignon avait déjà jugé auparavant l'idée "difficilement envisageable".
Mme Royal, qui souhaite déjà mettre les sociétés d'autoroutes à contribution pour financer le manque à gagner de l'abandon de l'écotaxe poids lourds, avait proposé mardi matin sur RTL, "une gratuité, par exemple le week-end", ainsi qu'une baisse de 10% des tarifs des péages.
"Il y a 20% de tarif en trop, puisque quand une autoroute fait payer 100 euros, il y a 20 euros de trop qui sont empochés", a avancé la ministre, en allusion à un rapport de l'Autorité de la concurrence publié le mois dernier qui qualifiait de "rente" les marges nettes élevées (20 à 24%) des concessions autoroutières, privatisées il y a huit ans.
Les représentants des sociétés d'autoroutes (Vinci-Cofiroute, Eiffage-APRR, Sanef ainsi que l'Association des sociétés françaises d'autoroute, Asfa) étaient justement reçus peu après ces propos à Matignon autour du Premier ministre, dont le discours a été bien moins incendiaire à la sortie de l'entrevue d'une heure et demie.
Sur le perron de Matignon, Manuel Valls a souhaité "un partenariat gagnant-gagnant entre l'Etat (et) les sociétés concessionnaires des autoroutes", en soulignant que "la parole de la France évidemment sera honorée, ne sera jamais remise en cause", en allusion aux contrats difficilement renégociables régissant les concessions.
"Moi je souhaite que ce débat se déroule dans la sérénité et dans l'intérêt de tous, et ça a été le sens de cette réunion. Il y aura donc maintenant dans les semaines qui viennent des réunions de travail entre ces sociétés (d'autoroute) et le ministère des Transports et Bercy pour trouver un accord qui soit profitable à tous, à l'Etat, aux usagers et à l'économie française", a-t-il dit.
Le Premier ministre a dit vouloir arriver à un accord "dans les prochaines semaines". "Je pense que ça peut aller vite, à condition encore une fois qu'on privilégie l'intérêt général", a-t-il plaidé.
Les représentants des sociétés d'autoroutes, dont le numéro 2 de Vinci et président de l'Asfa Pierre Coppey, mais aussi le président de la Sanef Alain Minc, sont partis de Matignon sans faire de commentaire, alors que le climat de leur relation avec le gouvernement était déjà qualifié dans la presse de "glacial".
- 'Pâtisseries gratuites le dimanche' -
Mme Royal, qui était présente de même que les secrétaires d'Etat Christian Eckert (Budget) et Alain Vidalies (Transports), a évoqué des représentants "ouverts à la discussion" et défendu des "systèmes justes pour tout le monde, et surtout qui permettent de relancer les travaux publics".
Manuel Valls a en effet confirmé mardi avoir reçu l'aval de Bruxelles pour le plan de relance autoroutier, en discussion entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes depuis plus de deux ans.
Celui-ci prévoit notamment plus de 3 milliards d'euros d'investissements (travaux de sécurisation, parkings relais pour les routiers, parkings d'autopartage, mises en connexion des autoroutes avec le réseau secondaire), en contrepartie de prolongements des concessions (entre quatre mois à six ans, selon les sociétés).
Une ponction des profits des sociétés d'autoroutes est la piste principale de Mme Royal pour compenser l'abandon de l'écotaxe poids lourds, qui devait rapporter initialement 1,15 milliard d'euros par an puis 600 millions dans sa version réduite du "péage transit poids lourds", repoussé sine die la semaine dernière.
Si le secrétaire d'État au Budget Christian Eckert a été dans son sens dimanche en appelant à une "remise en cause" des bénéfices "inacceptables" des sociétés d'autoroutes, plusieurs commentateurs, dont le ministre des Finances Michel Sapin, ont pointé la difficulté technique et juridique de modifier les contrats de concessions, toute augmentation de la fiscalité appliquée aux sociétés d'autoroutes devant être compensée.
Ces fonds étaient principalement destinés à l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF), qui devait à son tour les mettre à disposition de collectivités pour de nombreux projets de transports en commun.
L'opposition, par la voix de l'UMP Christian Jacob, s'est empressée de moquer "la machine à couacs" du gouvernement Valls, qui sort déjà de déclarations contradictoires sur l'assurance-chômage. "C'est n'importe quoi, pourquoi ne pas mettre les pâtisseries gratuites le dimanche également?" s'est amusé le président du groupe UMP à l'Assemblée.
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