"C'est très angoissant, cela me rappelle ma première mise en scène au théâtre et mon premier film": Zabou Breitman, 54 ans, fait ses premières armes à l'opéra avec "L'enlèvement au sérail", jeudi au Palais Garnier.
L'oeuvre de Mozart, un "Singspiel" alternant passages chantés et parlés, n'a pas été jouée à l'Opéra de Paris depuis 30 ans: la dernière mise en scène remonte à 1984, une coproduction avec la Scala de Milan mise en scène par Giorgio Strehler.
Cheveux bruns dansant autour du visage, mains voletantes, Zabou Breitman décrit une "musique joyeuse, dingue, une turquerie rock'n roll". "Mozart se permet à peu près tout! Un peu comme Shakespeare qui passe du rire au grand drame, il passe de l'un à l'autre avec un mélange de joie et d'amertume".
La trame est celle d'une "turquerie", genre très à la mode à l'époque (1782). Mais Mozart fait éclater les conventions en donnant une consistance dramatique et un caractère très humain à ses personnages, annonçant ses opéras de la maturité.
L'action se passe en Turquie vers 1700. Le Pacha Selim a acheté trois Européens capturés par des pirates: Constanze, une jeune dame espagnole dont il cherche à obtenir les grâces, Blonde, sa soubrette anglaise, et Pedrillo, le valet du fiancé de Constance, Belmonte. Ce dernier tente de déjouer la vigilance du gardien du sérail, Osmin, pour rejoindre sa belle
"J'avais pas envie de faire un truc en costard", lance Zabou Breitman pour expliquer son choix de mise en scène orientalisante. Sans remonter au XVIIIe siècle de Mozart, elle a souhaité conserver une atmosphère exotique à cette "turquerie", à l'opposé de transpositions radicales, "où Osmin se retrouve en vendeur de kebab", sourit-elle.
"Pour mon premier opéra, j'avais tout simplement envie de rentrer dans l'histoire", dit-elle. La transposition dans les années 1920 autorise à la fois l'orientalisme et les éveils du féminisme : c'est l'époque des suffragettes britanniques, et la soubrette, Blonde, est anglaise.
- Entre Tim Burton et Alice -
"J'avais envie que ce soit sexy, avec du vrai mélo comme dans les films muets des années 20 quand les personnages s'embrassent", dit l'actrice et réalisatrice de cinéma.
Le décor, le dernier du scénographe Jean-Marc Stehlé, décédé l'an dernier, est tout en arabesques et jardins. Le pacha arrive en bateau, des jardins aux plantes improbables apparaissent et disparaissent "On est entre Tim Burton et Alice au Pays des merveilles", décrit Zabou Breitman.
Pour sa première incursion à l'opéra, elle a pu compter sur le chef de l'Opéra de Paris Philippe Jordan et sur une "troupe exceptionnelle" de jeunes solistes, dont deux (Erin Morley et Bernard Richter) débutent dans leur rôle. Rompue à la mise en scène de théâtre (elle a monté l'an dernier un truculent "Système Ribadier" de Feydeau à la Comédie Française), Zabou Breitman a dû composer avec les contraintes du lyrique. "Il faut être sur le devant de la scène, toujours de face, c'est un chameau, enfin vous voyez, un compromis: un chameau c'est un cheval dessiné par un comité", dit-elle en riant.
Maintenant qu'elle a sauté le pas, elle a "150.000 idées" pour d'autres opéras. Et elle rêve de faire "un film sur les couacs à l'opéra, ce serait très drôle, le rideau qui tombe au mauvais moment, le chanteur qui s'assied à côté de sa chaise j'adorerais faire ça avec Natalie Dessay", lance-t-elle dans un éclat de rire.
Zabou Breitman mettra sa casquette de comédienne au Théâtre du Rond-Point en novembre, dans une pièce de Yasmina Reza ("Comment vous racontez la partie"). Au cinéma, elle a tourné dans des premiers films - "ça aide pour le financement des productions"- comme "Discount", une comédie sociale autour de la grande distribution et d'une épicerie solidaire, qui sort en janvier.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.