Six mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité ont été requis lundi à Marseille à l'encontre du président du conseil général des Bouches-du-Rhône Jean-Noël Guérini, ex-patron du PS local, jugé pour détournement de fonds publics, une affaire secondaire au regard de ses autres dossiers judiciaires.
Devant le tribunal correctionnel, le procureur Jean-Luc Blachon a requis une peine identique à l'encontre de l'ex-collaborateur de M. Guérini, Jean-David Ciot, député PS depuis 2012, poursuivi pour recel de fonds publics. Une amende de 15.000 euros contre chacun des deux responsables a également été réclamée.
La justice soupçonne M. Ciot d'avoir bénéficié le 26 mai 2011 d'un licenciement de complaisance de son poste de conseiller technique à la présidence du département, moyennant 65.000 euros d'indemnités, pour lui permettre de se présenter aux législatives de 2012, ce qu'il n'aurait pu faire s'il avait posé un préavis. Depuis avril 2011, les collaborateurs de cabinet des collectivités territoriales ne peuvent en effet se présenter aux législatives.
M. Blachon a évoqué un "licenciement aberrant, une espèce de grand vide juridique", s'interrogeant notamment sur l'absence de préavis qui prouve selon lui "l'intentionnalité" des deux prévenus.
M. Ciot a été "licencié pour convenance personnelle, sa volonté de se présenter aux législatives", a dénoncé le procureur.
L'affaire avait été déclenchée par un courrier anonyme au parquet, dénonçant le "caractère fictif" de l'emploi de M. Ciot.
S'il a en effet reconnu à l'audience avoir décidé de licencier son collaborateur, M. Guérini, costume gris, chemise blanche et cravate sombre, a expliqué ne pas s'être occupé des détails, accablant son ex-directeur de cabinet Rémy Bargès -- "j'ai signé ce qu'il m'a présenté" -- et l'accusant d'avoir "joué un double jeu, comme sous-marin d'un élu du conseil général".
-'Je ne suis pas M. Dupont'-
"A aucun moment, je n'ai pensé violer la loi et causer le moindre préjudice à quiconque", a affirmé M. Guérini, dont la femme, avocate, avait pris place derrière lui.
Cette affaire aurait dû concerner "le tribunal administratif ou les prud'hommes", selon lui, "mais comme je ne suis pas M. Dupont, je me retrouve devant vous". "Le contexte politique était exécrable, il fallait faire disparaître Jean-Noël Guérini", a-t-il soutenu.
M. Ciot, lui, a répété à l'audience qu'il n'avait pas voulu démissionner, n'ayant pas eu l'intention de se présenter aux législatives.
"C'est malgré lui, par accident, on a choisi pour lui !", a ironisé M. Blachon, voyant en M. Ciot "un élu des prophéties politiques".
M. Guérini est par ailleurs mis en examen, notamment pour trafic d'influence et association de malfaiteurs, dans plusieurs dossiers de marchés publics présumés frauduleux, tout comme son frère Alexandre, soupçonné d'accointances avec le milieu. Ces autres dossiers sont toujours en cours d'instruction.
"Je m'interroge pour savoir pour quelle raison, alors qu'on a enquêté sur des centaines de dossiers relatifs au conseil général, on a exhumé juste ce dossier-là pour le faire passer à l'audience rapidement. On pourrait monter 150 dossiers du conseil général et inviter M. Guérini à venir 150 fois", avait indiqué avant l'audience Me Dominique Mattéi, l'un de ses avocats, avec Hervé Temime.
En délicatesse avec le PS depuis ses ennuis judiciaires, M. Guérini qui avait dirigé la puissante fédération des Bouches-du-Rhône, avant que M. Ciot ne lui succède en 2011, a devancé en avril son exclusion en démissionnant du parti pour fonder dans la foulée son mouvement politique, "La Force du 13".
Réélu sénateur fin septembre après avoir oeuvré à la victoire de l'UMP Jean-Claude Gaudin à la mairie de Marseille contre ses anciens amis socialistes qui l'accusent de "clientélisme", M. Guérini a réussi à faire entrer deux de ses proches à la Haute Assemblée alors que son ancien parti n'a sauvé qu'un seul de ses cinq sièges.
Cette victoire aux sénatoriales le positionne déjà comme un adversaire redoutable aux élections départementales de mars 2015. Même condamné, M. Guérini pourra s'y présenter s'il fait appel.
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