A première vue, on croit apercevoir des felouques égyptiennes. Et pourtant, ce n'est pas sur le Nil qu'elles déploient leurs ailes mais sur la Vistule, où des passionnés polonais remettent sur l'eau d'anciens voiliers pieusement reconstitués.
"C'est vrai, nos bateaux ressemblent un peu aux felouques. Elles ont ce qu'on appelle en Egypte des +pinces de crabe+, soit deux mâts, dont un incliné, et une voile", explique le photographe Jacek Marczewski.
"Mais nos bateaux sont à nul autre pareils, comme la Vistule est un fleuve unique", dit-il à l'AFP. "Elle est toute sauvage, chaque jour elle peut être différente, son niveau change constamment, là où le fleuve était profond, il ne l'est plus le lendemain matin. Les îles et les bancs de sable changent de place d'une saison à l'autre".
Ce passionné de la navigation traditionnelle s'est offert pour ses 55 ans une réplique d'un ancien bateau de la Vistule appelé "pychowka", "barque-qu'on-pousse" en polonais.
Comme les scutes ou les fûtereaux de la Loire, ces bateaux sont propulsés à l'aide d'une voile rectangulaire et d'une longue rame. De nos jours, les moteurs sont là aussi, pour dépanner en cas de besoin.
La mise à l'eau de "Slawka" s'est faite un dimanche, face au grand stade de football, en présence d'amis et de la famille qui sont arrivés en cortège, escortés par la police à travers les rues de Varsovie.
"+Slawka+ est le prénom de ma mère décédée", précise l'heureux armateur, entré dans les eaux fraîches jusqu'à la ceinture pour lancer le bateau.
L'embarcation qui mesure 8,5 mètres de long a été construite en bois de mélèze, la membrure en acacia, la poupe et la proue en chêne massif. Son mât de cinq mètres de haut portera une voile de 12 mètres carrés.
"Elle a été construite sur le modèle des anciens bateaux de la Vistule qui durant des siècles servaient au transport ou à la pêche. Des bateaux plus grands servaient à extraire du sable du fond du fleuve, ou à porter des marchandises entre Gdansk, sur la Baltique, et Cracovie (sud), dans les deux sens", dit le grand costaud aux cheveux coupés court.
Son rêve est de descendre les grands fleuves de la Pologne, la Vistule et son affluant Bug, ainsi que l'Oder-Neisse et d'aller avec son ami et constructeur Lukasz Perkowski au Festival d'Orléans, le plus grand rassemblement européen de la marine fluviale.
- 'Ni quille, ni dérive' -
"Sa spécificité, c'est son fond plat, pour bien naviguer sur des eaux peu profondes", explique ce dernier.
"Elle n'a ni quille, ni dérive, pour pouvoir facilement aborder une grève ou une plage", précise-il. "C'est pour cela que le bateau peut naviguer seulement au vent arrière ou de travers".
"La Vistule a la réputation d'être un fleuve très dangereux, les gens ont peur d'y naviguer", reconnaît-il. Le fleuve de plus de 1000 km, qui traverse la Pologne du sud au nord, n'est pas aménagé et le trafic fluvial, qui avait fait jadis la richesse de plusieurs villes, est aujourd'hui réduit.
"Mais, justement, parce que ces bateaux ont un fond plat, ils sont très stables et rien de dangereux ne peut leur arriver", souligne Lukasz Perkowski.
Il dirige un atelier de poterie artistique à Varsovie voisinant avec une menuiserie où il s'adonne à sa passion: la construction de bateaux.
C'est en remettant en état un bateau confisqué par la police à des braconniers qu'il avait appris des techniques traditionnelles.
Ce qui est grisant pour ces passionnés, c'est de pouvoir en quelques instants à peine prendre leurs distances avec la civilisation.
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