Le sénateur et président du conseil général des Bouches-du-Rhône Jean-Noël Guérini, ex-patron du PS très présent sur la scène politique locale, comparaît lundi pour la première fois en justice, pour détournement de fonds publics, une affaire secondaire en regard de ses autres dossiers judiciaires mais qui peut lui valoir inéligibilité et prison.
Le tribunal correctionnel de Marseille doit déterminer si, oui ou non, les 65.000 euros d'indemnités versés à Jean-David Ciot lors de son licenciement au printemps 2011, après neuf années passées dans le cabinet de président du conseil général, constituent un détournement de fonds publics.
L'affaire a été déclenchée par un courrier anonyme au procureur de la République de Marseille, dénonçant le "caractère fictif" de l'emploi de M. Ciot.
Devenu depuis député et patron du PS marseillais, Jean-David Ciot comparaît également, pour "recel de détournement de fonds publics".
S'ils sont reconnus coupables, les deux parlementaires risquent la prison - 10 ans pour M. Guérini - et l'inéligibilité.
La justice soupçonne un licenciement de complaisance, une démission arrangée pour permettre à M. Ciot de se présenter aux législatives en 2012, ce que nient fermement les deux hommes. M. Ciot soutient que ce licenciement, décidé par ailleurs sans délai de préavis, lui a été imposé.
La date du licenciement, le 26 mai 2011, moins de deux mois après le renouvellement de son contrat de cabinet, intervenu le 5 avril, intriguent en tous les cas les enquêteurs.
En juillet de la même année, M. Ciot avait succédé à M. Guérini à la tête de la fédération PS puis avait remporté en 2012 les législatives contre la députée UMP sortante, Maryse Joissains.
Pour Me Dominique Mattéi, avocat de M. Guérini, ce dossier "n'est pas un dossier pénal. C'est un dossier où l'on peut examiner les modalités d'un licenciement", a-t-il indiqué à l'AFP. L'avocat "ose espérer que le tribunal correctionnel prononcera purement et simplement la relaxe" de son client.
Pour une source proche du dossier, il s'agit cependant bel et bien d?escroquerie faite au détriment du conseil général pour permettre à M. Ciot de payer sa campagne électorale et de quitter ses fonctions au moins six mois avant les législatives comme l'exige la loi.
- "Clientélisme"-
M. Guérini est par ailleurs mis en examen, notamment pour trafic d'influence et association de malfaiteurs, dans plusieurs dossiers de marchés publics présumés frauduleux, tout comme son frère Alexandre, soupçonné d'accointances avec le milieu. Ces autres dossiers sont toujours en cours d'instruction.
"Je m'interroge pour savoir pour quelle raison, alors qu'on a enquêté sur des centaines de dossiers relatifs au conseil général, on a exhumé juste ce dossier-là pour le faire passer à l'audience rapidement. On pourrait monter 150 dossiers du conseil général et inviter M. Guérini à venir 150 fois", remarque Me Mattéi.
Et selon lui, "dans un grand nombre de dossiers, c'est la suspicion qui a dirigé l'enquête" menée par le juge d'instruction Charles Duchaine qui a instruit l'ensemble des dossiers avant de changer de fonctions à l'été 2014.
En délicatesse avec le PS depuis ses ennuis judiciaires, M. Guérini qui avait dirigé la puissante fédération des Bouches-du-Rhône, a devancé en avril son exclusion en démissionnant du parti pour fonder dans la foulée son mouvement politique, "La Force du 13".
Réélu sénateur fin septembre après avoir oeuvré à la victoire de l'UMP Jean-Claude Gaudin à la mairie de Marseille contre ses anciens amis socialistes qui l'accusent de "clientélisme", M. Guérini a réussi à faire entrer deux de ses proches à la Haute Assemblée alors que son ancien parti n'a sauvé qu'un seul de ses cinq sièges.
Cette victoire aux sénatoriales le positionne déjà comme un adversaire redoutable aux élections départementales de mars 2015. Même condamné, M. Guérini pourra s'y présenter s'il fait appel.
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