D'un coup net de sécateur, Fatima coupe amusée le Pinot noir: l'étudiante s'initie aux vendanges pour la première fois, dans des vignes qui font revivre l'histoire viticole francilienne à deux pas de chez elle, en Seine-Saint-Denis.
Au petit matin, sous un timide soleil d'automne, ils sont douze étudiants en cuisine et en restauration réunis dans le parc du Sausset, à Villepinte au nord de Paris. Encore un peu endormis, ils découvrent étonnés les quelque 2.200 pieds de Pinot noir et de Chardonnay, cépages roi de la Bourgogne, qui s'étalent devant eux.
"J'aurais jamais imaginé qu'il y avait des vignes à côté de chez moi", lance Jordan, 22 ans, originaire de Villepinte. "Je connais plutôt les cités avoisinantes".
En 2004, ce parc de 200 hectares situé à quelques kilomètres de l'aéroport de Roissy s'est lancé dans la plantation d'une petite vigne "à vocation patrimoniale et culturelle", relate Maryline Barré, chef de service adjointe au parc.
"En partant du terroir d'avant, des zones maraîchères très fertiles, le département a voulu tenter l'expérience et lui donner un volet pédagogique", explique-t-elle à l'AFP.
Depuis 2008, plusieurs centaines de bouteilles de rouge et de blanc, destinées à la promotion du lieu et interdites à la vente, sont ainsi produites sous l'étiquette "Parc du Sausset". Et les vendanges d'octobre sont devenues une tradition.
"C'est physique! J'ai mal aux doigts, j'ai mal au dos, j'ai mal partout", souffle Alice, 22 ans, sécateur dans une main, panier dans l'autre. "Mais c'est impressionnant".
- Un petit vin 'très sympa' -
Chapeau blanc sur la tête, longue barbe poivre et sel, leur formateur Patrice Bersac accueille depuis deux ans des classes pour les initier à la viticulture. "On met bien la main sous la grappe et on coupe ici, voyez."
"On a des vignes très saines ici. Le vin est garanti sans mazout", prévient ce passionné, président de l'association des Vignerons franciliens réunis, tandis que passe un avion au-dessus de leur tête.
Fatima, accroupie depuis plus d'heure, met du c?ur à l'ouvrage. "Pour nos futurs métiers, c'est important d'avoir une culture du vin et de comprendre comment il est fait", dit cette jeune femme d'origine marocaine, qui veut devenir gérante de restaurant.
Deux heures plus tard, les apprentis ont coupé près de 730 kilos de raisin. Ils s'acheminent ensuite vers le chai du parc où un fouloir-égrappoir détache les grains de leur tige, lesquels fermenteront quelques jours dans une cuve.
"Là on récupère tout le jus du raisin, ça sent super bon. Je n'avais jamais vu ça en vrai", s'étonne Alice, qui a "hâte de le goûter".
Ces deux dernières années, le chai s'est professionnalisé en se dotant de machines permettant une fermentation avec des niveaux de température constante. "Le vin est de plus en plus agréable à boire. C'est pas un grand cru mais un petit vin de table très correct, très sympa", décrit Laurent Prieur, le maître de chai, encore étonné de "faire du vin en Seine-Saint-Denis".
"C'est la mémoire, en miniature, de ce qui se faisait autrefois", se réjouit Patrice Bersac, rappelant que l'Île-de-France a été le premier bassin viticole de France pendant plusieurs siècles. "Quand le chemin de fer s'est développé au 18e siècle, la concurrence des vins du midi est arrivée à toute allure. Puis l'urbanisation a fini d'achever la vigne francilienne".
Aujourd'hui l'Ile-de-France compte 20 hectares de vignes et seule la vigne de Suresnes (Hauts-de-Seine) est autorisée à commercialiser son produit.
Pour goûter leur vin, les étudiants devront patienter. Ils vont d'abord poursuivre leur apprentissage avec la vinification, pour une mise en bouteille prévue en mars.
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