Le compte pénibilité, mesure phare de la réforme des retraites, va commencer à se mettre en place dès 2015, après la parution vendredi de plusieurs décrets, malgré l'hostilité du patronat qui le juge "inapplicable".
Dans un communiqué commun, les ministres de la Santé et du Travail, Marisol Touraine et François Rebsamen ont salué un "progrès social majeur" qui "profitera à près d'un million de salariés dès 2015 et 3 millions dès 2016".
Dès le 1er janvier 2015, les salariés exposés à quatre facteurs de pénibilité pourront obtenir des points qui leur permettront de se former, de travailler à temps partiel ou de partir plus tôt à la retraite. Ces facteurs sont le travail de nuit, le travail répétitif, en horaires alternants ou en milieu hyperbare (comme les travaux sous-marins).
Les six autres facteurs (postures pénibles, manutentions manuelles de charges, agents chimiques, vibrations mécaniques, températures extrêmes, bruit) n'entreront en vigueur que le 1er janvier 2016.
Ce décalage est dû aux pressions du patronat (Medef, CGPME, UPA), qui depuis le départ voit le compte comme une "usine à gaz" et avait menacé de boycotter début juillet la conférence sociale, s'il n'obtenait pas cette concession.
Ce sont les employeurs qui à la fin de chaque année doivent recenser leurs salariés exposés et les déclarer. Ils doivent aussi financer le compte, leurs cotisations étant majorées lorsqu'au moins un salarié est exposé.
- 'Complexité kafkaïenne' -
Sitôt les décrets publiés, un membre de la direction du Medef, Thibault Lanxade, est monté au créneau pour fustiger une mesure "inapplicable" et "aussi grave que les 35 heures dans les entreprises".
Depuis la concession du gouvernement sur la date d'entrée en vigueur du compte, le patronat faisait aussi pression pour que les décrets ne mentionnent que les quatre critères applicables en 2015.
Vendredi, le responsable du Medef a regretté de ne pas avoir été entendu sur ce point, déplorant une mise en "place des décrets par anticipation qui (vont) totalement à l'encontre du bon développement d'une entreprise".
En signe d'apaisement, Mme Touraine et M. Rebsamen ont confié une nouvelle mission à Michel de Virville, conseiller-maître à la Cour des comptes qui avait établi le mode d'emploi du compte cet été.
Celle-ci vise à "accompagner la mise en oeuvre des quatre premiers facteurs et préparer celle des six autres" pour "rendre le dispositif le moins coûteux et le plus simple possible" en particulier pour les petites entreprises.
M. de Virville livrera un point d'étape à l'été 2015 qui permettra d'apporter "les adaptations éventuellement nécessaires concernant les seuils, leur mesure et leur mise en oeuvre", précisent les ministres, une phrase clairement destinée à rassurer le patronat.
Dans un communiqué, le Medef a dit espérer que cela permettra "de supprimer les aspects impraticables du dispositif et de corriger les seuils inscrits dans les décrets", soulignant toutefois qu'"en tout état de cause, cela ne peut cacher l'absurdité du dispositif imaginé" et sa "complexité kafkaïenne".
Dans un communiqué, la CFDT, qui a ardemment défendu cette mesure lors de la réforme des retraites, s'est félicitée pour sa part d'avoir obtenu de "nouveaux droits pour plusieurs millions de salariés", évoquant "une avancée sociale fondamentale".
Pour le syndicat, qui comme la FNATH, association des accidentés de la vie, regrette que la prise en compte de six facteurs ait été reportée, le compte permet de réparer "l'injustice de la différence d'espérance de vie liée à la pénibilité au travail".
Concrètement, les salariés exposés à un facteur obtiendront quatre points par an et ceux exposés à plusieurs facteurs, huit points, le nombre maximal sur l'ensemble d'une carrière étant fixé à 100 points.
Ces points pourront être utilisés pour financer une formation professionnelle, chaque point donnant droit à 25 heures de formation. Ils pourront aussi servir à travailler à temps partiel, 10 points permettant de travailler à mi-temps pendant un trimestre, ou encore à partir plus tôt à la retraite, 10 points donnant droit à un trimestre d'assurance vieillesse.
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