Le calme est de mise dans les locaux en dur du Yacht club de Caen, au bord du bassin de plaisance où se réunissent parfois les amateurs de bateaux de loisir. C’est que dans les esprits de beaucoup d’entre eux flottent des envies d’évasion, et c’est ici que chacun organise le prochain voyage de ses rêves. “Pour moi, l’année dernière, c’était l’Ecosse.” La voix est celle d’Hervé Lefebvre, membre du club et l’un des plaisanciers en quête d’horizons. Tous les ans, il s’évade depuis le port de Caen et pendant plusieurs mois. “Cet été, ce sera le Danemark. Enfin, si le bâteau est prêt...” Car entre chacune de ces excursions de centaines de kilomètres en mer, encore faut-il maintenir son voilier en bon état... et rien n’est laissé au hasard : “J’avais un problème de moteur que j’ai résolu, a priori. Je dois encore changer la pompe des WC, par exemple...”, témoigne le navigateur.
“Le pire transport !”
“On pourrait qualifier le voilier de pire moyen de locomotion au monde”, s’amuse Henri Rummel, du même Yacht club. “Il peut faire froid, humide, et ça bouge tout le temps ! Selon le pays où vous voulez vous rendre, il faut se protéger contre ces dérangements potentiels. Alors la préparation d’un bateau, ça prend quelques mois, parfois quelques années ! Il faut penser à la motorisation, à l’aménagement intérieur, au gréement (le matériel qui permet au bateau d’avancer grâce au vent) comme à l’accastillage (équipements de navigation). Cela prend du temps, et de l’argent : ça peut être infini !” Pas de quoi décourager Henri, qui est en train de remettre en état ses appareils électroniques avant de prendre la route vers l’archipel des Açores, cet été.
De tels voyageurs estivaux, il n’en manque pas à Caen. Moins nombreux sont ceux qui partent pour plusieurs années. “Michel est en ce moment au Brésil, Rémy au Portugal...”, énumèrent les plaisanciers. “Mais les échecs existent”, préviennent-ils : “on a vu des gens préparer leurs bateaux pendant des années ici. Deux d’entre eux avaient le rêve de partir en Espagne. Mais ils n’ont jamais dépassé le golfe de Gascogne...” Un exemple parmi d’autres, compte tenu du nombre de voiliers ayant quitté Caen, depuis 40 ans, pour des voyages au long cours.
Caen, terre de départ
“La mode s’est développée dans les années 70 avec Tabarly notamment. Cela a vite créé un véritable engouement dans les années 80”, se souvient Marc Charavel, ancien président et “mémoire” du club. “On comptait deux à trois grands départs par an. Les navigateurs travaillaient quelques années, gagnaient de l’argent pour aménager leur bateau, et partaient.” L’essor de ce mode de transport ne s’est, depuis, pas démenti, faisant du port de plaisance de Caen un lieu privilégié pour les navigateurs au long cours. “A une époque, beaucoup de Parisiens venaient en train depuis la capitale, pour rejoindre leur voilier et prendre la mer...” Et s’affiche l’image d’Epinal de Christophe Colomb quittant l’Espagne ou de Samuel de Champlain au départ d’Honfleur.
“Ça reste marqué à vie”
A moindre titre, certes, Caen a développé cette spécialité, basée sur sa position géographique avantageuse en plein centre de ville et proche de la gare, comme de la forte présence de commerces et de chantiers liés au monde maritime. “Pour quitter le port de Caen, il faut observer les horaires des marées, qui conditionnent l’ouverture des écluses. Et compter une heure et demie pour sortir du canal de Caen... Cela exclut les plaisanciers de court séjour.” Régulièrement réunis dans cette salle du yacht club de Caen, les navigateurs, ces “vagabons des mers”, peaufinent leur prochaine expédition. Et échangent des conseils, des idées, des expériences loin d’être anodines. “Quelqu’un qui part comme ça accomplit un rêve: ça reste marqué à vie...”
LS Jacquel-Blanc
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.