Son nom est à jamais indissociable du Café des images. Geneviève Troussier avait 33 ans quand elle a pris en 1981 la direction du cinéma, qui débutait tout juste ses missions de diversité culturelle et d’éducation à l’image. 32 ans après, ils étaient nombreux, les 5 et 6 avril, à répondre à son invitation pour célébrer ces années “de passion cinéma, d’échanges intenses, de partage de savoirs et de découvertes…”, et à saluer le départ, le 30 avril prochain, de celle qui a fait de ce site l’une des salles d’art et essai les plus reconnues du territoire cinéphile français.
“Il nous a fallu 10 ans”
Se croyant d’abord l’objet d’une “erreur de casting” lorsque le maire de l’époque lui propose le poste, Geneviève Troussier s’investit rapidement dans sa mission, et met très vite en place ce qui va faire plus tard la renommée du cinéma : la présence régulière de professionnels, venus partager avec les spectateurs leurs rapports au film. “J’ai tout de suite aimé mon travail”, se souvient-elle. “Mais les préjugés de “cinéma de banlieue” ont été longs à supprimer. Il nous a fallu dix ans pour faire du Café des images un lieu repéré, avec une identité propre.” En 1987 sort “Les aventures de Reinette et Mirabelle”, d’Eric Rohmer : le premier film projeté au cinéma d’Hérouville, en exclusivité dans l’agglomération de Caen. Un premier jalon pour Geneviève Troussier, qui loue aujourd’hui “ceux qui ont eu l’audace” de croire au projet. D’autres suivent. Deux ans après est créée la grande devanture du cinéma, encore visible aujourd’hui, et son étoile caractéristique, déclinée aujourd’hui comme symbole de l’institution. Une seconde salle de 65 places voit le jour, puis une troisième en forme de coupole, en 1996, à la faveur d’une grande refonte du cinéma.
Godard en visite
C’est alors que naît la célèbre et controversée salle aux fleurs, dont les murs et le plafond sont dès lors recouverts de tapisserie rose fuschia. C’est aussi cette année qu’elle accueille “une page majeure du cinéma”, Jean-Luc Godard, réputé pour se déplacer très rarement. “J’ai compris peu à peu, en entendant les remarques que l’on me faisait, que le bouche à oreille fonctionnait.” Et les murs de son bureau, couverts des portraits des grandes figures de cinéma de passage, de se remplir progressivement.
Le Café des images œuvre en même temps pour les jeunes, en impulsant plusieurs dispositifs précurseurs de découverte pour les les écoliers, les 8-12 ans et les lycéens. Elle y voit “la garantie d’un futur pour notre cinéma !” Ces missions, qui ont fait du Café des images et de sa directrice déterminée des acteurs incontournables de la cinéphilie française, ne seront jamais remises en cause malgré des baisses régulières de budget. Et devraient se poursuivre : “nous partageons avec Yannick Reix les mêmes convictions. Il saura faire durer la dynamique de ce cinéma. Je deviendrai quant à moi une spectatrice assidue, je ne serai pas loin. Mais je ne veux pas être un fantôme qui hante ces murs.”
Yannick Reix, jeune et réfléchi
Avant de rejoindre le café des images en février 2014, Yannick Reix, homme posé et réfléchi, dirigeait un établissement de deux salles de cinéma à la Roche-sur-Yon, en Vendée, où il menait aussi un festival international du film, dont la 4e édition s’est déroulée en octobre dernier. De 2000 à 2003, il avait aussi construit dans les Caraïbes un réseau itinérant de films contemporains et de grands classiques. Avant cela, l’homme menait “une autre vie” au sein de l’Imprimerie nationale. “J’étais déjà, alors, passionné de cinéma”.
La future ex-directrice du Café des images, qui le connaît depuis quelques années, salue la nomination “d’un jeune qui saura poursuivre la dynamique du cinéma, et lancer une nouvelle ouverture. Nous partageons les mêmes convictions sur l’importance des œuvres, la place des spectateurs”. Et Geneviève Troussier de compléter : “J’apprécie son regard neuf, son énergie. Il faut une vraie personnalité pour développer le Café des images : je crois à celle de Yannick. Que nos spectateurs ne perdent pas de temps à découvrir ses films ”.
Wang Bing, plus qu’une visite
La venue, ce 11 avril dernier, du réalisateur chinois Wang Bing au Café des images pour une soirée consacrée à son dernier film, avait tout du symbole. Geneviève Troussier comme son successeur Yannick Reix le considèrent comme un cinéaste contemporain qui marquera le paysage cinématographique. “A l’ouest des rails”, qu’il a sorti en 2003, est ainsi qualifié de “révélation” par l’un, d’“expérience singulière” par l’autre. “C’est la cristallisation de la vision que l’on partage avec Yannick”, résume Geneviève Troussier.
Comme un air de déjà vu !
Geneviève Troussier et Yannick Reix se connaissent depuis quelque temps. Ils “se croisaient” au sein de l’Association des cinémas de l’ouest pour la recherche, qui œuvre à la défense du cinéma d’art et essai. Ils ont co-présidé cette structure en 2008 et 2009, avant que le second succède à la première en juillet. Cette nouvelle passation de pouvoir a donc comme un air de déjà vu !
Les goûts de Yannick Reix
Les films références de Yannick Reix ? “Tous les ans, des films formidables remettent en question ma vision des choses. Mais je citerai Numéro 0, de Jean Eustache, qui fait vraiment date dans l’histoire du cinéma. L’inconnu du lac (Alain Guiraudie), en 2012, m’a beaucoup impressionné. Je suis aussi très curieux du prochain Cronenberg...”
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