"Horizons" est en fait l'oeuvre d'un duo, celui formé par Bertrand Cantat et le bassiste Pascal Humbert, qui se connaissent depuis de nombreuses années.
Après la séparation de Noir Désir fin 2010, les deux hommes ont enregistré dans le sud de la France, entourés de proches qui ont accompagné Cantat vers son retour à la musique: le metteur en scène Wajdi Mouawad et les membres du groupe Shaka Ponk.
Dans le long entretien qu'il a accordé le mois dernier aux Inrockuptibles, le chanteur confiait que l'idée de refaire un disque avait longtemps été "paralysante".
"Il a fallu tout analyser - avec de l'aide, je ne le cache pas - pour recommencer: à quoi bon sortir un disque si c'est pour se faire défoncer? Mais un truc a fini par surgir de ces questions, de ce combat", disait-il.
Dix ans après le meurtre de Marie Trintignant qui a valu à Bertrand Cantat d'être condamné à huit ans de prison (il a été libéré en 2007), le drame de Vilnius est toujours un sujet sensible dans l'opinion, comme l'ont montré les vives réactions provoquées par l'annonce de son retour.
Dans ce contexte, difficile d'écouter le disque sans que chaque mot de Bertrand Cantat soit sujet à interprétation, d'autant que le chanteur signe toutes les chansons d'Horizons" à l'exception de la dernière. Une reprise d'"Avec le temps", de Léo Ferré.
La plupart des titres sont de poétiques réflexions souvent teintées de désespoir, qui témoignent du talent d'auteur intact de Bertrand Cantat, à l'image du premier extrait, la valse décharnée "Droit dans le soleil".
Mais deux textes écrits à la première personne, "Ange de désolation" et "Horizon", sont plus explicites.
Nichés au coeur du disque, entre deux interludes musicaux, ils reprennent les thèmes évoqués par Bretrand Cantat dans son interview aux Inrockuptibles: son amour pour Marie Trintignant, la perte qu'il ressent, ses idées suicidaires, la prison, son dégoût pour les médias.
Sur des arrangements dépouillés, Bertrand Cantat chuchote à l'oreille de l'auditeur, pris à témoin pour entendre sa version de l'histoire. Une écoute dérangeante, voire éprouvante.
"Dors mon ange de désolation!"
"Dors mon ange de désolation, rien ne pourra jamais nous enlever nos frissons", chante-t-il sur "Ange de désolation", évocation d'un amour défunt.
"En direct, notre coeur en dissection/Dans leur panier à ordures, il y aura cinq cent dix versions/Pour engraisser les porcs...", poursuit-il.
"Je sais qu'il faut se taire/Au loin le tonnerre gronde/Eradiqué du monde/Evincé de la terre", dit-il dans "Horizon", chanson sur ses années de prison à regarder le "ciel barbelé".
"Quel débris ou quel morceau de moi/d'abord te rejoindra", s'interroge-t-il.
Musicalement, Détroit reprend les choses là où les avaient laissées Noir Désir avec "Des Visages, des figures", publié en 2001.
Ce dernier disque marquait un tournant dans la carrière du groupe, qui commençait à tourner son regard vers un univers plus large que le rock.
Dépouillé mais très délicatement orchestré, "Horizons" s'aventure du côté du folk, en mettent en valeur la voix éraillée de Cantat, intègre des boucles électro, évoque la transe orientale.
Sur "Le creux de ta main" et "Sa majesté" - féroce critique sociétale - Bertrand Cantat efface les dix dernières années, en retrouvant l'urgence rock et une certaine légèreté dans l'interprétation.
Mais parce qu'elles sont en anglais, ce sont "Glimmer in your eyes" et "Null and Void" qui se détachent.
Rappelant fortement l'univers folk-rock de 16 Horsepower - l'ancien groupe de Pascal Humbert -, les deux titres sont ceux sur lesquels Cantat semble chanter le plus facilement. Comme libéré du poids des mots.
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