Le 5 septembre 2013, tout sourire, Arnaud Montebourg accompagnait Bernard Cazeneuve à Cherbourg pour entériner un contrat à 200 millions entre les chantiers navals cherbourgeois CMN et le Mozambique. Une commande record qui porte sur 30 bateaux, que le ministre du Redressement productif avait ponctué d'un "c'est le triomphe du Made in Cherbourg donc du Made In France"
montebourg
Lors de la conférence de presse, le jour même, Iskandar Safa, actionnaire des CMN, était interrogé sur le nombre de bateaux réalisés à Cherbourg. "Le plan de charge sera plein pendant deux ans" affirme-t-il. Puis, à la question "seront-ils entièrement construits à Cherbourg ?" il répond "J'ai été très clair, pourquoi essayer de chercher si c'est ça ou autre chose".
Les questions gênantes
Avant même la venue de François Hollande et du président mozambicain à Cherbourg le 30 septembre, la CGT avait émis des doutes quant à la possibilité de réaliser 30 bateaux en 2 ans, dans les colonnes de La Manche Libre (édition du 14 septembre). Le syndicat estimait que les 340 salariés des CMN pourraient réaliser 8 bateaux tout au plus, et que l'entreprise ferait appel à la sous-traitance pour le reste du contrat.
Bernard Cazeneuve, interrogé sur le sujet lors de la visite présidentielle, avait contourné la question...
cazeneuve
... tout comme Iskandar Safa :
safa
Mais comme les syndicats le craignaient, plus de la moitié des 30 navires seront construits en Roumanie. Pour les bateaux restants, CMN a fait appel à une cinquantaine d'ouvriers lituaniens, qui sont arrivés à Cherbourg pour travailler sur le chantier.
Finances et délais serrés
Pour justifier ce choix, Pierre Balmer, président des CMN, invoque "une enveloppe financière et des délais très serrés imposés par le client. (...) les CMN n'ont pas d'autres solutions que de recourir à des sociétés étrangères, dont les coûts de production sont très inférieurs aux coûts français".
Selon Pierre Balmer, ce recours à la sous-traitance étrangère est souvent utilisé par d'autres chantiers, tels que DCNS, STX ou la base navale de Brest. "D'ailleurs, le contrat forfaitaire confié par les CMN à la société lituanienne LITANA ne représente que 6% de son chiffre d'affaires réalisé en 2013 en France" poursuit-il.
"Commentaires mensongers"
Concernant les vives réactions politiques et syndicales, qui visent notamment le gouvernement, la direction regrette "une instrumentalisation de nature à nuire à l'image d'un chantier qui cherche à se donner un avenir et qui préfèrerait bénéficier d'un soutien plutôt que d'avoir à subir des commentaires mensongers sur les contrats qu'il a signés pour garantir l'emploi de ses salariés."
Elle ajoute que "le contrat conclu avec le Mozambique est le fruit du travail des CMN et des démarches commerciales engagées par leurs actionnaires. Il ne fait l'objet d'aucune aide financière publique."
Retour sur les différentes réactions
David Margueritte (UMP) : "Personne ne remet en cause le succès de la signature d'un contrat qui permet de maintenir en vie le chantier naval cherbourgeois. Pour autant nous ne pouvons cautionner l'opération d'enfumage qui a été réalisée sur le dos des salariés des CMN et de tous les Cherbourgeois-Octevillais. (...) les savoir-faire locaux, la compétence de nos ingénieurs et nos ouvriers sont mises en concurrence avec des chantiers low-cost dans une Europe qui a fait du moins-disant social son seul horizon."
La réponse du PS de la Manche : "la signature du contrat avec le Mozambique est venue conclure un appui du gouvernement pour l'industrie locale et les 350 salariés de l'entreprise alors que les CMN et Iskandar SaFa, son actionnaire, ont été abandonnés par la précédente majorité durant 5 ans, sans un quelconque soutien à l'activité pour notre territoire. Ce contrat est une bouffée d'air bienvenue et relance l'activité du site, pérennise l'emploi des centaines de salariés et permet l'intégration de 17 intérimaires locaux."
Front National de Cherbourg : "Messieurs Hollande, Montebourg, Cazeneuve ont menti ! (...) Il n'y aura pas d'embauche de salariés français aux CMN mais un recours à une sous-traitance d'ouvriers de pays de l'Est sur des contrats précaires. Les CMN réalisent donc l'exploit de mettre en concurrence à Cherbourg, et pour la seconde fois, des salariés français et étrangers. Un dumping social honteux que Monsieur Montebourg, Ministre du Redressement productif s'est bien gardé d'aborder, mentant par omission !"
CFDT Pays du Cotentin, qui siège à l'IPR régional de Pôle Emploi : "Pour les soudeurs, simplement dans le nord-Cotentin 90 personnes sont disponibles. Il faudrait peut être pour certaines un complément de formation, et toutes ne correspondent peut-être pas exactement aux besoins de l'entreprise, mais avant de recruter en dehors du territoire national, chacun conviendra qu'il paraît normal en ces temps de crise de vérifier d'abord quelles sont nos compétences locales, départementales et régionales."
Front de Gauche Cherbourg : "Le parti se prononce contre les logiques financières et la mise en concurrence des travailleurs; pour un recrutement local, la préservation des qualifications et du savoir-faire industriel; pour la création d'un pôle public de la navale"
CGT des CMN dénonce les récupérations politiciennes et syndicales non représentatives : "Nous rappelons que les CMN sortent d’une période très difficile, qui aurait pu déboucher sur une fermeture du chantier. (...) Notre syndicat constate et dénonce les dures règles liées à la concurrence qui amènent à cette stratégie de "dumping social". Tous ces polémiqueurs feraient mieux de travailler et veiller à modifier ces règles plutôt que de se focaliser sur la situation actuelle et particulière des CMN."
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