Dans quel état se trouvent aujourd'hui les urgences du CHU ?
"En matière de saturation, nous sommes malheureusement champions de France. Il existe dans cette région une concentration qu'on ne voit pas ailleurs. Même si nous sommes aidés par deux cliniques ici dans l'agglomération de Rouen, Le Cèdre et l'Europe, celles-ci sont davantage orientées vers les petites traumatologies. Les urgences générales du CHU, elles, accueillent 96 000 patients par an (75 000 à Charles-Nicolle et 21 000 à Saint-Julien). On trouve les grands accidentés, les malades les plus lourds, mais aussi tout ce qui touche à la précarité, les clochards, ainsi que les vieillards. Notre fonction gériatrie monte en puissance. Les personnes atteintes de problèmes psychiatriques sont également envoyées ici".
Comment expliquer cette particularité haut-normande ?
"La Haute-Normandie partage avec la Picardie et la région Centre le triste record du plus faible nombre de médecins par habitant, mais elle est aussi l'une des moins bien dotées en nombre de lits par habitant. Cette 'double peine' explique pourquoi nos urgences arrivent aujourd'hui à saturation".
Où se situe le noeud du problème ?
"Nous éprouvons des difficultés à disposer du nombre suffisant de lits d'aval, ces places d'hospitalisation après le passage aux urgences. En moyenne, un tiers des personnes reçues ici est ensuite hospitalisé. Il faut se rendre à l'évidence : le CHU de Rouen n'est pas calibré pour ses propres urgences. Même si mes équipes savent faire face à une situation très tendue, s'il n'y a pas assez de lits d'aval derrière, ça bouchonne. Et si les urgences monopolisent trop de lits, cela peut perturber les interventions hors-urgences. Il serait dommage de sacrifier les filières d'excellence."
La qualité des soins en pâtit-elle ?
"C'est difficile à admettre, mais je crois que oui. Interroger un malade ou effectuer les premiers soins dans un couloir, on ne peut le souhaiter à personne. Mais notre hantise reste de passer à côté d'un diagnostic grave. C'est pour cela que nous échangeons beaucoup, nous partageons. Nous avons une bonne équipe (renforcée ces dernières années), qui ne baisse pas les bras".
La population a-t-elle aussi un "rôle" à jouer pour fluidifier les services d'urgence ?
"Il faut simplement rappeler à tous de faire le 15 avant de se rendre aux urgences. Ils seront bien orientés par téléphone. Avoir ce réflexe pourrait désengorger un peu notre service. Car une fois qu'un malade arrive ici, nous avons l'obligation de l'interroger et de l'examiner. On ne renvoit d'emblée que 5 % des arrivants."
Une vie, six dates
- 1964 : naît à Paris
- 1994 : diplômé (docteur en anesthésie-réanimation)
- 1994-2004 : médecin anesthésiste-réanimateur dans plusieurs hôpitaux parisiens
- 2004 : rejoint le CHU de Rouen
- 2009 : devient Professeur et intègre les urgences
- 2013 : nommé chef de service des urgences
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