- D’où vient votre intérêt pour la famille Romanov ?
“Je voulais faire une biographie de Nicolas II comme je connais bien cette période de l’histoire russe. Et puis, en écrivant les pages sur l’exécution des Romanov, je trouvais qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas”.
- Qu’avez-vous fait ?
“J’ai lu le rapport Sokolov sur l’exécution des Romanov et j’ai trouvé des contradictions. On ne savait plus trop si les corps des Romanov avaient été brûlés ou dissous dans l’acide, s’il y en a eu 11 ou 6 à avoir été exécutés, s’il y avait 4 ou un seul tireur. Il y avait toute une série d’invraisemblances”.
- Rien n’indiquait que tous les Romanov n’avaient pas été exécutés…
“C’est vrai. Mais en 1976, sort le livre d’Anthony Summers et Tom Mangold “The file of the tsar”. Ces deux journalistes de la BBC découvrent que le dossier publié par le juge Sokolov ne contenait qu’une faible partie des pièces de l’instruction. Et des faits laissaient entendre qu’une partie de la famille impériale avait été évacuée à Perm, information confirmée par l’historien Nicolas Ross qui publie, en 1987, l’intégralité du dossier d’instruction. Enfin, l’an dernier, une Américaine, Marie Stravlo, me téléphone : elle a retrouvé au Vatican le journal d’Olga Romanov intitulé “Je suis vivante” et ajoute : “vous aviez raison de douter de la mort des Romanov”.
- Mais, les Rouges et les Blancs s’accordaient à dire que tous les Romanov avaient été tués.
“C’est exact, mais il faut se rappeler que de 1918 à 1922, les Bolcheviks disent qu’il n’y a que le tsar qui a été tué. Quant aux Blancs, ils savaient qu’une partie de la famille Romanov était vivante à cause de l’épisode Anastasia. Ils disaient “même s’ils ne sont pas morts, il faut dire qu’ils sont tous morts”. Les Blancs ne voulaient plus de la famille descendant de Nicolas II”.
- Quel était l’intérêt des Rouges à dire que tous les Romanov avaient été tués ?
“N’oublions pas que la femme de Nicolas II était allemande. Et comme le dit Alexandre Nametkine, premier magistrat instructeur du dossier Romanov : “Jamais le Kaiser ne laissera exécuter sa filleule, Olga, ses trois sœurs, ni incarcérer l’impératrice qui était sa belle-sœur”. Pour éviter qu’il ne marche sur Moscou, il ne fallait surtout pas tuer la famille du tsar. Or, à l’époque, Lénine était accusé par les Socialistes révolutionnaires de gauche d’avoir trahi la révolution mondiale en signant la paix à Brest-Litovsk le 3 mars 1918. Les communistes ne pouvaient donc pas laisser dire que Lénine avait trahi une deuxième fois la révolution en se rapprochant des Allemands. Tuer un tsar russe pour sauver des princesses allemandes, ce n’était pas concevable”.
- Si l’impératrice et ses enfants s’en sont sortis, pourquoi ne se sont-ils pas manifesté ?
“Anastasia l’a fait ; Olga et Marie aussi, auprès de Marie de Roumanie. Les autres ne tenaient pas à montrer qu’elles étaient vivantes. N’oubliez pas que les Bolcheviks ont tué des Romanov après 1918. Elles sont donc restées cachées".
- Que sont-ils devenus ?
“Anastasia a réussi à fuir la maison Ipatiev et a atterri en Allemagne. Quant à l’impératrice et sa fille Tatiana, elles se sont réfugiées dans un couvent ; Olga a erré un peu partout et Marie a épousé un prince géorgien.”
- Et Alexis, le tsarévitch ?
“On ne sait pas trop. Plusieurs témoignages disent qu’il aurait réussi à s’enfuir en sautant de la charrette qui emmenait les cadavres de la suite de Nicolas II que l’on a substitué aux princesses. Il y a donc bien eu un massacre”.
(1) “La vérité sur la tragédie des Romanov”, Marc Ferro, Ed. Taillandier, 2012.
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