Ils sont jeunes et moins jeunes, en famille ou seuls, emmitouflés dans plusieurs épaisseurs de vêtements chauds. A 7h30, le dimanche 13 janvier, réfugiés dans le hall de la gare ferroviaire de Saint-Lô en Normandie, dans quelques heures ils vont défiler à Paris contre le projet de loi de mariage pour tous.
Fraternité spontanée
Les manchois qui ce dimanche matin s’apprêtent à monter dans les bus paraissent détendu, heureux d’être là et très fiers d’aller dire à la « capitale » qu’ils sont contre le démantèlement de ce qu’ils considèrent comme l’un des fondements de notre société.
Poignées de mains, ambrassades, rires… ils règnent dans cette petite gare de province, aux pieds des remparts de la ville, un air de rébellion fraternelle. Un je ne sais quoi d’humanité simple. Comme si les uns et les autres n’étaient pas sûrs de revoir leur Normandie.
La route est longue
Curieuse sensation dans les bus. La présence de bébés, d’enfants, d’ados, de jeunes, de couples, de personnes plus âgées donne une impression de départ en vacances en famille. Les poussettes, les pancartes, les banderoles sont dans la soute à bagages. Les blousons, les bonnets, les écharpes, les gants et les pique-niques sont à portée de main.
Départ 8h30, arrivée prévue Porte Maillot à 12h30.
Le calme avant le combat
Durant le trajet, pas de répétition de chant, pas de répétition de slogan, pas de musique. Un calme étrange. La plupart des participants défilent pour la première fois de leur vie. Les plus aguerris ont manifesté à Paris pour la défense de l’école libre en 1984. Aucune excitation. Ils sont convaincus qu’il fallait sacrifier un dimanche d’hiver au coin du feu pour défendre dans le froid le statut actuel du mariage.
Des bus à perte de vue
Avant de sortir de l’A13, Les CRS stoppent et rassemblent les bus venus du nord-ouest de la France pour former un convoi et les escorter jusqu’à la Porte Maillot. En quelques minutes, la mobilisation devient palpable. Mes voisins réalisent… ils ne seront pas seuls. Un motard précise que c’est le deuxième convoyage de la matinée venant de l’A 13. Ils viennent d’escorter 50 bus. Notre convoi en comptera 75. Lorsqu’il s’ébranle, la colonne de cars se déploie comme un serpent qui s’étire.
Beaucoup plus de monde que prévu
Le rendez-vous pour les bus normands est fixé Porte Maillot, le lieu de départ de l’un des trois cortèges officiels. Ils n’y parviendront jamais !
Ils dépassent de peu le champ de course de Longchamp pour déposer ses voyageurs en plein bois de Boulogne… Il faut rejoindre la Porte Dauphine à pied.
Il est 14h00.
Les têtes de cortèges sont parties à 12h00. Les départs ont été avancés d’une heure pour permettre de désengorger les points de rassemblement. Sans succès.
A 14h20, il est annoncé que les premiers manifestants foulent le Champ-de-Mars. Les normands sont toujours bloqués Porte Dauphine.
Bleu, blanc, rose
Le dress code a été respecté. La foule compacte est vêtue de bleu, de blanc et surtout de rose. Pas vraiment alaise au milieu de ces centaines de milliers de manifestants. Du monde devant, du monde derrière, du monde à droite, du monde à gauche, le ciel bas. Pas moyen de s’échapper. A chaque pas la foule grossit. Les murs d’enceintes jouent une techno facile et les animateurs galvanisent les manifestants. Ils y sont. Ils vont entrer dans Paris.
Balade dans le 16ème
L’objectif est d’atteindre le Champ-de-Mars… à la vitesse d’un escargot (et encore !). Les cortèges de la Porte Dauphine et de la Porte Maillot, enfin réunis, s’offrent une petite balade dans le 16ème, sous les balcons des plus beaux appartements de la capitale. Les normands commentent : « Paris, j’veux bien, si c’est ici ! ». Place du Trocadero, la tour Eiffel en fond. Le jour décline. Avenue du Président Wilson. Place D’Iéna. Arrêt, long, très long, à l’approche de l’arrivée. Ils ont froid, mais « 1 père, 1mère, c’est élémentaire » crient-ils en cœur.
Pont de l’Alma, il fait nuit. Instant magique, la Seine, la tour Eiffel en lumière, la clameur. Ils oublient leurs pieds qui gonflent et les jambes qui tirent. Ils sont impressionnés par leur nombre. Les premiers manifestants quittent le Champ-de-Mars, les normands n’y sont pas encore. Ils confient « Hollande peu plus nous ignorer ».
La dame
Encore quelques mètres, la dame est là, toute en lumière. A ses pieds, beaucoup de monde. Les normands se faufilent devant la grande scène. Il est 18h00.
Le silence
Dans le bus du retour, le silence. Ils dorment. Arrêt pipi, arrêt café. A 13. Ils dorment ou chuchotent.
Minuit, devant la gare ferroviaire de Saint-Lô, comme le matin. Il fait nuit et noir. Ils me disent « si il faut y retourner, nous y retournerons ».
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