Céline Lefèvre est incollable sur le "break", le "vogue" ou le "pointing": cette danseuse et chorégraphe de 35 ans formée au classique est tombée dans la marmite du hip hop à 17 ans, en écumant les discothèques et "dance floors".
Elle présente cette année à Suresnes sa "Leçon de hip hop", un voyage à travers les époques et les techniques de cette danse de rue très codée, venue des Etats-Unis mais qui a gagné en France ses lettres de noblesse.
"Le hip-hop français s'est distingué sur scène", raconte Céline Lefèvre, qui présente deux créations à Suresnes cette année. "Aux Etats-Unis ça n'existe pas, la ++ créa++ (création), ça a été initié ici, à Suresnes".
Richard Passi, danseur et pilier de la première compagnie de hip hop en France, Black Blanc Beur, dans les années 80, était parmi les premiers à monter sur scène. "C'est une victoire, je suis fier de ça", lance-t-il lors des répétitions de "No limit, no time", créé avec ses comparses Jean-Claude Marignale et Moussa Setouane.
En vingt ans, le hip hop français a mûri, s'est nourri des techniques de la danse contemporaine et du classique, donnant naissance à des chorégraphes reconnus comme Mourad Merzouki et Kader Attou, aujourd'hui respectivement à la tête des Centres Chorégraphiques nationaux de Créteil et de La Rochelle.
"Le hip hop a pris la place qu'avait la danse contemporaine il y a vingt ans", constate Olivier Meyer, directeur du théâtre de Suresnes.
Le festival Cités Danse, qu'il a créé en 1993, a joué un rôle essentiel dans la professionnalisation du hip hop français.
"Aujourd'hui, les p'tits frenchies, on se les arrache dans le monde entier: on les trouve partout, chez Madonna, au Cirque du Soleil, dans les comédies musicales", lance Jean-Claude Marignale, un pionnier depuis le début des années 80.
Les filles aussi
Une centaine de jeunes danseurs gravitent autour de Suresnes, qui passe commande de créations, propose des stages, des studios de répétition, invite des chorégraphes classiques et contemporains.
Un métissage qui transpire par tous les pores de la peau des chorégraphes invités cette année.
Karine Saporta met en scène pour "Tam Taï" six danseurs formés au Kung Fu et au taïchi et six experts taïwanais de gongs et percussions.
Onze interprètes cariocas dansent pour "Käfig Brasil" de Mourad Merzouki.
Raphaëlle Delaunay, 36 ans, ancienne danseuse du ballet de l'Opéra de Paris et de la compagnie Pina Bausch, propose cette année son premier solo hip hop, "Debout!"
Exemples parmi tant d'autres de la fluidité exceptionnelle qui règne entre danse classique, contemporaine et hip hop, une spécificité bien française.
"Je reviens du Danemark, et ils n'ont pas du tout la même vision que nous, ils sont plus proches du hip hop à l'américaine, très centré sur la performance", remarque Yamina Benallal, 27 ans. "Ici en France, c'est beaucoup plus cérébral. Il y a toute une émulation autour du hip hop et de la danse contemporaine qu'on ne retrouve pas à l'étranger".
Yamina fait partie d'une génération de jeunes femmes qui se sent comme un poisson dans l'eau dans le hip hop, pourtant réputé machiste.
"C'est une image qui traîne, mais elle a dix ans", assure Céline Lefèvre. Mais pour se faire admettre à part entière, les "filles ont mis 20 ans", reconnaît-elle.
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