"Venez mesdames! Venez mesdames! Il est très très bon, le poisson à une livre, il n'est pas cher, le poisson à une livre !". Ce refrain anodin était entonné au printemps dernier par Mohammed Shahid Nazir pour attirer les clients à son étal du marché Queens d'Upton Park, à Londres.
Les passants déambulaient sans acheter son poisson vendu une livre britannique pièce - "One pound fish" en anglais, environ 1,25 euro - mais étaient charmés par sa ritournelle qui, comme un tube pop, s'incruste quelque part dans le cerveau sans en ressortir.
Amusés, des jeunes ont filmé la scène et posté le clip sur YouTube. Plus de cinq millions de personnes ont visionné ce tube a capella One pound fish. Le géant du disque Warner a flairé la bonne occasion et fait signer un contrat à Mohammed.
La chanson est disponible depuis une semaine dans une nouvelle version avec des arrangements à la sauce Bollywood. Et un vidéoclip léché avec de jeunes femmes entourant le chanteur en herbe, devenu une étoile filante en Grande-Bretagne et en Asie du Sud, a été lancé pour promouvoir la chanson qui faisait son entrée lundi sur les palmarès.
"Je suis en huitième position" dans le top-40 des chansons "Dance" en Grande-Bretagne, s'est aussitôt félicité sur son compte Twitter Mohammed Shahid Nazir.
Sa famille au Pakistan rêve déjà de le voir caracoler en tête des palmarès. "Je jeûne et je prie pour mon fils dans l'espoir que sa chanson atteigne la première place du palmarès", a confié à l'AFP sa mère, Kalsoom, un prénom rappelant la voix d'or de la chanson égyptienne Oum Kalthoum.
A la résidence familiale de Pattoki, une petite ville située à 240 kilomètres au sud de la capitale pakistanaise Islamabad, les visiteurs affluent pour télécharger la chanson sur une clé USB ou obtenir une copie d'un CD. Et les locaux plaisantent gentiment en parlant de la "famille au poisson à une livre".
Le père de Mohammed s'opposait au départ de son fils de 31 ans en Angleterre, mais est aujourd'hui "très heureux" de la tournure des événements, affirme la mère âgée de 67 ans.
Mohammed avait quitté il y a près d'un an ses parents, sa femme et ses quatre enfants pour étudier dans une école de commerce à Londres. Sans le sou, il avait été contraint de travailler dans un marché populaire pour subvenir à ses besoins.
Selon le journal britannique The Sunday Times, le jeune homme est toutefois sous enquête du ministère de l'Intérieur pour avoir violé les conditions de son visa d'étudiant en travaillant comme vendeur de poissons à rabais.
"Il nous manque beaucoup, à moi et aux enfants, et nous voudrions aller le rejoindre à Londres pour partager ces jours heureux", a confié sa femme, Kashifa, vêtue d'un shalwar kameez, habit traditionnel pakistanais composé d'une tunique et d'un pantalon ample. Mais pour partir, la famille a besoin d'un visa.
Les Pakistanais s'enthousiasment aussi pour le succès fulgurant de "l'homme au poisson à une livre", mais ne peuvent visionner la vidéo originale sur YouTube. Car le gouvernement a bloqué l'accès au site de partage de vidéos à la mi-septembre en réponse à la diffusion d'un film américain à petit budget dénigrant le prophète Mahomet.
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