Sur une vieille carte postale en noir et blanc, des promeneurs endimanchés sont attablés à la terrasse d’un restaurant, au centre de l’île aux Cerises, à Rouen. Aujourd’hui, elle n’est plus et il ne reste que ces photos, témoins d’une époque révolue, où la Seine était peuplée d’îles bien vivantes. Couvertes de végétation, elles faisaient la joie des promeneurs ou servaient de pâturage aux troupeaux. “On y trouvait des guinguettes, mais aussi des villas qui bénéficiaient d’une vue imprenable”, raconte Jérôme Chaïb, directeur de l’Agence régionale de l’environnement et grand amoureux du fleuve. Cette vision bucolique a de quoi étonner les hommes du XXIe siècle, habitués à une Seine aux berges rectilignes et au cours exempt de tout obstacle. Grandes ou petites, les îles ont pour la plupart disparu. Plus aucune ne vient gêner la course des navires entre Rouen et le Havre. En amont, il en reste quelques-unes, mais on les compte aujourd’hui sur les doigts des deux mains.
Quelques rescapées
La grande mutation de la Seine a débuté dans les années 1840. Considérée comme un formidable outil de développement, elle fait alors l’objet de gros aménagements. Des digues sont construites, de nombreuses îles “rejoignent” les berges. Le fleuve change de visage. Jusque-là sauvage, il prend un aspect domestiqué. “Autrefois, à certains endroits, le fleuve était trois fois plus large qu’aujourd’hui”, explique Jérôme Chaïb. “Les aménagements ont permis d’obtenir un meilleur débit. De nombreux bras secondaires ont été comblés, ramenant ainsi le débit sur le bras principal.” A cette époque, de nombreuses îles sont supprimées après avoir été draguées - c’est le cas à Diepdalle - ou rattachées aux berges comme à Val-de-la-Haye. D’autres, comme la presqu’île Rollet, sont partiellement rattachées à la terre. Longtemps utilisée pour stocker du charbon, celle-ci sera bientôt transformée en un beau parc urbain.
Ecrins de verdure posés sur les eaux, les îles rescapées sont de vrais atouts pour la biodiversité. Selon Jérôme Chaïb, celles qui font face à Saint-Adrien, au sud de Belbeuf, sont les plus intéressantes au niveau naturel.
Espaces préservés
“Elles ont encore une dynamique sur le plan de la sédimentation. Des plantes rares s’y sont implantées. L’une d’entre elles est actuellement en formation”. Ainsi, au milieu du lit du fleuve, se sont constituées de petites réserves naturelles préservées et libres de toute occupation humaine. Certaines, envahies par les arbres, se referment sur elles-mêmes. A l’écart de toute activité humaine, d’autres accueillent des espèces peu fréquentes. “J’ai pu constater la présence de papillons rares.” Quelques-unes font l’objet de projets : ainsi, à Oissel, l’île aux Bœufs pourrait être restaurée pour accueillir des animaux en pâture. Aucune des îles ne fait encore l’objet d’un classement particulier,mais chacune est considérée désormais comme un outil de préservation de l’environnement à protéger et valoriser.
Des petits paradis à entretenir
Bénéficier d’espaces naturels au fil de la Seine est un avantage. Encore faut-il qu’ils soient entretenus. Gérées par Voies Navigables de France (VNF) les berges et les îles sauvages de la Seine sont entretenues par les Brigades Vertes. Elles sont nées il y a dix-sept ans, fondées par Gérard Duval, et participent à la réinsertion de personnes par le biais de la réhabilitation de ces espaces.
A pied d’œuvre pour réhabiliter les chemins communaux, les deux équipes de ces brigade s’occupent également des bords de Seine, entre Rouen et Tourville, à l’aide de barges.
Ils n’interviennent pas à l’intérieur des îles, certaines étant louées par des fédérations de chasse. Des surprises les attendent souvent. “Il nous arrive de retrouver des réfrigérateurs ou même des morceaux de voitures”, note Gérard Duval, président des Brigades Vertes. Grâce à leur travail, les deux équipes évitent que ces rives verdoyantes ne deviennent des repères à ordures.
Anne Letouzé
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Cette île appartenait à ma famille !!! La classe !!!