A l'été 2023, Caen la Mer annonçait le gel du projet d'aménagement de la Presqu'île. La raison ? L'alerte du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sur l'élévation "d'au moins un mètre du niveau des mers d'ici 2100”, explique Stéphane Costa, membre de la branche normande de l'organisme. "On est passé il y a 15 ans de 1,7 millimètre par an d'élévation, à aujourd'hui 4 millimètres par an." Le projet "quartier Nouveau Bassin" sur la Presqu'île, c'est-à-dire la construction de 2 500 logements sur ce site, a donc été abandonné, comme un symbole de ce qui attend notre ville dans quelques décennies. "On sait que ça va être compliqué, mais c'est aujourd'hui qu'il faut imaginer le territoire de demain.”
Réagir ou subir
Alors que faire ? Le GIEC constate, alerte, mais l'action revient aux décideurs politiques. Car au-delà de la Presqu'île, c'est toute la zone basse de la ville qui va être concernée (comme le port).
Il faut déjà prévoir, et de ces prévisions va dépendre "la stratégie à adopter”, introduit Nicolas Joyau, président de Caen la Mer. Dans ce cadre, l'agglomération va lancer en fin d'année une étude hydraulique, pour mesurer "quels vont être les niveaux de l'eau sur la Presqu'île, dans le centre-ville, ou encore à Ouistreham. Cela va nous donner une cartographie d'impact”, détaille le président. Cette carte va ensuite permettre de prendre des décisions pour protéger les biens et les services, et même "opérer un repli” pour certains secteurs. Cette solution de repli est justifiée par l'expert du GIEC : "La nature ne nous laissera pas le choix.” Il va donc falloir freiner au maximum la montée des eaux pour "organiser ce repli”, puis quitter ces sites inondables, pour investir des zones plus élevées.
Agir plus vite et plus fort
"On récolte ce qu'on a semé et maintenant il faut agir”, alerte Stéphane Costa. L'expert et le président de Caen la Mer insistent : le ralentissement de la montée des eaux ne passera que par la réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Cela passe par des projets comme le tramway, l'incitation à utiliser son vélo, la rénovation énergétique des logements… "Adaptation" est l'autre mot-clé de ce dossier colossal. Pour organiser la ville de demain, tous les acteurs - urbanistes, architectes, scientifiques, élus… - doivent trouver ensemble des solutions. Très concrètement, cela peut passer par "une élévation du seuil des habitations, végétaliser la ville, débitumer les sols", précise Nicolas Joyau.
C'est une chose de prendre conscience des enjeux qui planent sur notre ville, c'en est une autre de ne pas tomber dans une angoisse paralysante. Le philosophe des sciences Jean Staune tient donc à positiver : “L'espèce humaine a inventé le feu et l'écriture, elle a été capable de mettre le pied sur la Lune et de le mettre demain sur Mars. L'humanité dispose d'une créativité et d'une capacité qui peuvent surmonter des problèmes encore plus grands.” "Il a raison”, répond Stéphane Costa. Mais le membre du GIEC enjoint les décideurs à "faire mieux, plus vite et plus fort” ! Il convient toutefois que, localement, la situation évolue. Et de prendre pour exemple le projet de "quartier Nouveau Bassin". Son abandon, "c'est une première en France ! Il y a eu un vrai courage politique et ça montre aux autres que c'est bien la voie à suivre", conclut-il.
Le cas de l'estuaire de l'Orne devant la montée des eaux
Une réunion d'experts s'est tenue à Caen début avril, pour imaginer le futur de la vallée de l'Orne face à la montée des eaux.
Du 2 au 4 avril, plus de 60 urbanistes, architectes et paysagistes se sont retrouvés à Caen. Le but ? Réfléchir à l'avenir de la basse vallée de l'Orne (cours d'eau allant de Caen à la mer) face à l'élévation du niveau de la mer. En effet, l'estuaire de l'Orne va déborder de plus en plus fréquemment à cause de la montée des eaux. La solution choisie face à cette situation "n'est pas de résister, mais de retrouver la place du fleuve", explique l'urbaniste Thomas Boureau. Conscient qu'il est impossible de lutter contre la nature, il poursuit : "Il faut laisser l'Orne revenir à la nature, ainsi l'eau pourra s'épandre et éviter des débordements sur le reste du territoire." Pas de panique cependant, les activités touristiques vont être maintenues, et "valorisées". L'agriculture peut être maintenue à court terme, "mais va progressivement s'adapter". L'activité portuaire peut aussi être gardée un certain temps, mais l'utilisation du Canal de Caen sera priorisée. Ce cas de figure montre la nécessité de s'adapter des nombreux acteurs du territoire.
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