Les consultations s'intensifient, les signaux d'alerte se multiplient : la santé mentale des jeunes semble se dégrader depuis quelques années. Détérioration réelle ou simple prise de conscience ? Les professionnels livrent leur analyse.
La jeunesse sous pression ?
"50% des étudiants qui prennent rendez-vous au Service de santé étudiante (SSE) viennent pour une question de santé mentale", affirme Catherine Lepargneur, directrice du SSE de l'Université Caen Normandie. Une proportion élevée qui traduit une vulnérabilité forte à cette période charnière de la vie. "Le stress des études, la prise d'autonomie, l'indépendance… Et c'est aussi l'âge où certaines pathologies apparaissent, comme les Troubles de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) qui peuvent avoir été mal diagnostiqués avant", ajoute-t-elle. Les professionnels s'accordent sur l'impact de la crise sanitaire qui a intensifié ce mal-être. "Depuis le Covid, la demande a triplé, avec beaucoup plus d'hospitalisations pour souffrance psychique, des tentatives de suicide en hausse", observe le Dr Pierre-Jean Egler, pédopsychiatre au CHU de Caen. "Mais ce que nous voyons, c'est le reflet d'une souffrance globale." Le contexte sociétal, anxiogène, joue aussi un rôle : éco-anxiété, conflits internationaux, précarité sociale, violences intrafamiliales… "Les adolescents sont très sensibles à leur environnement", souligne Emilie Auvray, éducatrice spécialisée à la Maison des Adolescents. "Ils réagissent, ils s'affirment, mais peuvent aussi se replier, car c'est angoissant."
Une écoute plus attentive
Si la situation semble alarmante, un changement notable est relevé : la santé mentale est moins taboue. "On ne sait pas si cette génération est plus vulnérable ou si la société est plus à l'écoute, mais les jeunes parlent plus, et les adultes – parents, enseignants, professionnels – sont mieux préparés à entendre cette parole ", constate Ingrid Demortreux, infirmière et conseillère technique pour l'Education nationale. Ce dialogue reste fragile. "Ce n'est pas simple de recevoir les idées noires d'un jeune, souligne Emilie Auvray, mais ils comptent sur les adultes pour agir en conséquence." Les structures se sont organisées pour accueillir cette parole et proposer des solutions. "Dans les lycées, les élèves viennent souvent consulter pour des problèmes somatiques (maux de ventre, de tête) avant de se confier", explique Ingrid Demortreux. "A l'université, les étudiants peuvent être reçus sans rendez-vous par un infirmier du SSE, formé à l'écoute active, qui évalue le besoin et oriente vers le professionnel nécessaire", décrit Catherine Lepargneur. Pour les jeunes à partir de 12 ans jusqu'à 25 ans, la Maison des Adolescents est aussi un point d'accueil clé. "Ils peuvent venir seuls pour une première écoute ou être orientés par l'Education nationale ou leur médecin traitant. Les parents peuvent aussi venir pour exprimer leurs difficultés. "
Dans ce contexte de prise de conscience et de mobilisation, l'enjeu reste d'assurer un accompagnement efficace. "L'adolescence, c'est une période de transition et de bouleversement", rappelle Emilie Auvray. "On a besoin de s'appuyer sur les repères de l'enfance tout en se séparant psychiquement du cadre familial." Un parcours parfois semé d'embûches, mais que les professionnels tentent d'éclairer avec une conviction partagée : les jeunes ont besoin d'être écoutés, compris et soutenus pour pouvoir avancer.
Chez les adolescents, les hospitalisations en augmentation
Chez les adolescents, la dégradation de la santé mentale s'observe dans l'augmentation des hospitalisations en psychiatrie.
Pédopsychiatre au CHU de Caen, Pierre-Jean Egler note que les troubles psychiques chez les adolescents se manifestent de plus en plus par des actes physiques, et notamment des tentatives de suicide. Une vulnérabilité accrue qui s'explique selon lui en partie par une précarité sociale grandissante, des antécédents traumatiques et un climat familial parfois instable. L'âge de 15 ans semble être une période charnière. "L'entrée dans la sexualité, le harcèlement scolaire, les difficultés relationnelles peuvent mener à une grande détresse", précise le spécialiste. Si l'accueil des patients en urgence se fait rapidement, le suivi hors de l'hôpital est plus complexe en raison du manque de soignants. "Il y a trop peu de psychiatres et de psychologues disponibles sur le territoire. Or, la solution principale reste l'accompagnement psychothérapeutique." Les médicaments, quant à eux, ne sont pas toujours adaptés. "Pour les adolescents, il existe peu de traitements médicamenteux efficaces et sans risque. Le plus important, c'est le travail sur la parole et l'écoute."
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