Sur la route pour rejoindre l'université, je me suis pris une achanée sur la goule ! Je ne reprends pas mes études, mais Patrice Lajoye, historien, et Stéphane Laîné, chargé du projet de sauvegarde et de valorisation des parlers normands, vont me livrer un cours express pour apprendre à bacouetter (bavarder) dans notre patois régional. Pour la troisième année, ils vont bientôt accueillir une promotion d'une vingtaine d'étudiants, souhaitant obtenir leur diplôme universitaire de parler normand. Pendant deux mois, ils plancheront sur l'histoire de la région, le droit normand, la dialectologie, et devront réaliser une sorte de "mini-mémoire".
Des mots qui restent dans l'usage
A moi de découvrir ce dialecte, qui varie énormément selon où l'on se trouve en Normandie… Stéphane Laîné me présente d'abord les animaux les plus connus de nos contrées : la vac, le quin et le qua, soit la vache, le chien et le chat. Le son "ch" devient "q" en normand. "Vous savez sans doute que le mot crevette est normand ?" me demande Stéphane Laîné. Non, alors je le laisse développer. La chèvre est devenue une quèvre. Par extension, une petite chèvre est une quevrette. Pas pêcheur, je ne vois pas encore le rapport. "Les crevettes font de petits sauts, comme des petites chèvres", indique l'expert. La lettre "r" s'est déplacée, pour devenir une crevette !
"Le patois est en voie de raréfaction", constate Stéphane Laîné. Un phénomène lié à l'exode rural. "Il y a un héritage à conserver, à faire découvrir, ou redécouvrir. J'adore voir l'œil de mes élèves qui s'éclaire après une explication, et qu'ils me disent 'mais oui, ma grand-mère disait ça !'." Ce fut d'ailleurs plus ou moins ma réaction quand il m'a rappelé l'existence du mot "gambe", pour jambe, qui a donné ensuite "gambette". Patrice Lajoye, lui, effectue des recherches parmi les textes écrits en patois. Issu du pays d'Auge, c'est en arrivant à l'université qu'il s'est rendu compte que certains de ses mots étaient issus d'un dialecte. Il illustre ses propos en évoquant le bourri, pour désigner un âne, là où son comparse, originaire du nord-Cotentin, préfère parler d'un quéton. La formation qu'ils dispensent attire un public varié, jeune comme âgé, originaire de toute la région, au sein duquel "des amitiés se sont créées". Pour une rentrée prévue le 24, les inscriptions sont possibles jusqu'au dimanche 9 février.
Avant de partir, je demande tout de même à Stéphane Laîné de m'apprendre un proverbe issu d'chez moi. "L'avorible n'a jamais emprunta au tardi." Je connais donc la version normande de la célèbre maxime "l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt".
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