Quand on dit à Maria Giovanni que "rien ne ressemble plus à un galet qu'un autre galet", elle réfute avec un sourire doux, mais aussi avec la fermeté de sa conviction. "J'y vois justement beaucoup de choses et d'histoires à raconter. Il y a les galets naturels en silex et les formes de briques arrondies par les vagues. Chacun est différent. Et pose des questions sur notre relation au temps, sur le passé et le futur du littoral, sur l'écologie, mais aussi sur l'histoire du travail humain, avec les ramasseurs de galets. Ils sont un fait social total !"
Inspirée depuis toujours par les littoraux
Le premier bord de mer que Maria Giovanni côtoie n'est pas celui du Havre. Née à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), elle grandit à Pleumeur-Bodou (Côtes-d'Armor). Un paysage choisi par ses parents (papa corse et maman écossaise) à qui le littoral breton rappelle celui de leurs origines. "Je pense que ça a aussi influé sur mon parcours", estime l'artiste de 29 ans qui, après des études à Caen, poursuit son cursus en 2020 en Ecosse à Dundee, où l'estuaire de la rivière Tay lui rappelle celui de la Seine. "Comme Le Havre, c'est une ancienne ville industrielle. Le fleuve et la mer y offrent chaque jour un nouveau paysage." Armée de sa caméra, elle filme notamment les vagues, leurs différentes formes et mouvements, du calme à la tempête. Quand la vague du Covid s'abat sur le monde, Maria Giovanni rentre en France. Elle s'établit à Flers (Orne) et travaille dans un centre d'art. Avant de déménager pour Le Havre en juillet 2023, où elle est chargée d'initier les jeunes bénéficiaires de la Mission locale à la vidéo. Et là, lors d'une balade sur le front de mer, elle tombe amoureuse… des galets de la plage ! Timing parfait : à la suite d'un appel à projets, elle décroche une résidence à la Pépinière du Fort de Tourneville, avec la possibilité de mettre en images sa nouvelle passion.
Elle ramasse les galets… numériquement
A la fin de l'automne 2023, Maria Giovanni se met au travail. "Je me promenais avec ma caméra et un petit fond bleu pour ramasser les galets. Numériquement, sans les emporter et respecter le littoral, car leur ramassage physique est interdit. J'ai aussi fouillé les archives sur les ramasseurs de galets, mais aussi l'architecture au Havre où les galets sont présents. J'ai également voulu comprendre l'origine de ces galets en brique, en lien avec la décharge de Dollemard. Je me sentais comme une archéologue du futur qui essaierait de comprendre l'histoire du littoral havrais." Sa résidence artistique au Fort se termine fin août dernier. Son exposition "Dérive littorale", actuellement au Théâtre de l'Hôtel de Ville, en est une restitution.
Son exposition "Dérive littorale" est disponible jusqu'au dimanche 19 janvier
Maria Giovanni présente son exposition "Dérive littorale" jusqu'au 19 janvier à la galerie du Théâtre de l'Hôtel de Ville du Havre. Le galet y est à l'honneur.
L'œuvre de Maria Giovanni, qui donne son titre à l'expo, est au centre de l'installation. Trois écrans, avec trois temporalités : passé, présent, futur. Sur trois lieux de la Côte d'Albâtre : Le Havre, Saint-Jouin-Bruneval et Fécamp. "Pour rendre l'expérience plus humaine, on a aussi trois voix qui racontent chacune une histoire et mettent en valeur les paysages qui apparaissent à l'image", explique l'artiste qui voulait également proposer une exposition collective. "Comme un mélange de perspectives et de points de vue sur un même sujet."
Le résultat d'un travail collectif
Maria Giovanni s'est donc entourée d'une demi-douzaine de confrères : "Simon Le Cieux était mon colocataire d'atelier au Fort de Tourneville. Ses dessins parlent du temps et ressemblent à des cartes de courants maritimes. Elisa Barbier, plasticienne et graphiste, travaille sur les propriétés physiques des minéraux. Emma Genty, également plasticienne et aussi diplômée du Master de création littéraire du Havre, propose des dessins de roches. Kévin Cadinot est le scénographe de cette exposition. Enfin, César Henry, graphiste, et Salomé Schlappi, historienne de l'art, ont travaillé sur des éditions satiriques, avec des visuels de galets développés grâce à l'IA, sur ce qu'est être un bon galet au quotidien", sourit la chef de bande.
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