C'est un procès médiatique et politique qui se tiendra devant le tribunal correctionnel d'Evreux, jeudi 19 et vendredi 20 décembre 2024. Celui de neuf militants écologistes qui ont participé à une action contre le site du cimentier Lafarge à Val-de-Reuil, le 10 décembre 2023.
Une centaine de personnes s'étaient alors introduites sur le site, faisant usage de peinture et de mousse expansive, ce qui a provoqué des dégâts sur l'outil industriel. Dix-sept personnes ont été interpellées le 8 avril 2024 lors d'une vaste opération de police impliquant la Sous-direction antiterroriste (SDAT) et la Brigade de recherche et d'intervention (BRI). Les neuf prévenus, dont des Normands, font partie de ce groupe qui a été interpellé. Ils sont jugés pour "séquestration pour préparer ou faciliter la commission d'un crime ou d'un délit avec libération volontaire avant le septième jour, dégradations aggravées par deux circonstances et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement", avait précisé le procureur de la République d'Evreux Rémi Coutin. C'est pour les faits de séquestration à l'encontre du gardien du site, contestés par l'ensemble des prévenus, que la peine peut être la plus lourde puisqu'elle va jusqu'à 10 ans de prison. "On voit le fossé entre la gravité des infractions pour lesquelles ils sont jugés et le fait que les prévenus comparaissent libres et sans contrôle judiciaire", estime Chloé Chalot, l'avocate de deux des militants. "Ce qui se joue, c'est presque plus le procès des Soulèvements de la Terre (collectif écologiste radical, N.D.L.R.) que le procès d'une action en particulier ou de faits qui auraient été commis", estime sa consœur Aïnoha Pascual.
Un procès politique ?
Elle estime qu'il s'agit d'un procès politique dans lequel la "procédure vise à criminaliser les militants écologistes". Un discours auquel souscrivent les nombreux soutiens des neuf prévenus - organisations écologistes, syndicats ou partis politiques - qui organisent d'ailleurs un rassemblement à Evreux pour l'ouverture du procès. Les avocats questionnent aussi la débauche de moyens déployés pour l'enquête avec la SDAT et la BRI. "Il y a eu une volonté d'intimidation, de faire passer un message qui est : 'Si vous vous impliquez dans la lutte écologiste, vous vous exposez à des interpellations et à des poursuites devant les tribunaux'", reprend Aïnoha Pascual.
Contactés, Lafarge ou leurs conseillers n'ont pas souhaité répondre à nos questions avant le procès. Lafarge a estimé le préjudice de l'action à 367 000€ et a déjà touché 89 195€ d'indemnité par leur assurance. Le groupe demande lors du procès 278 000€ d'indemnités matérielles.
Le tribunal sous haute sécurité
La préfecture de l'Eure a décidé de prendre une série de mesures pour sécuriser le procès des jeudi 20 et vendredi 21 décembre. Un périmètre de sécurité est mis en place à proximité du tribunal. La circulation et le stationnement y seront totalement interdits entre 7h et 22h. Une forte présence policière est attendue et un filtrage par les forces de l'ordre des piétons qui sont amenés à emprunter les axes jouxtant le tribunal est organisé. Des cartes professionnelles ou un justificatif de domicile pour les riverains seront demandés pour franchir ces points de filtrage.
Le cimentier Lafarge, filiale d'Holcim, a souvent fait parler de lui pour ses activités à l'international, dénoncées justement par les militants écologistes. Le groupe et huit prévenus doivent notamment être jugés à la fin de l'année 2025 pour financement d'entreprises terroristes et non-respect de sanctions financières internationales. Lafarge, dans cette affaire, est soupçonné d'avoir versé via sa filiale syrienne 5 millions d'euros à des groupes djihadistes, dont Daesh.
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