Chaque année, les mobilisations agricoles mettent en lumière les conditions de travail de nos producteurs. Immersion dans la réalité de leur quotidien.
Un métier polyvalent
Le métier d'agriculteur est un "mille-feuille de missions, auxquelles on ajoute les aléas du quotidien", comme l'explique Damien Lecuir, producteur laitier à Ryes, près de Bayeux. Installé depuis 2006, il s'occupe aujourd'hui d'une centaine de vaches. Une tâche loin d'être simple, car avec le vivant, "il y a un problème tous les jours. Une vache qui boîte, une intempérie… Et puis on ouvre le journal et on apprend que le prix du blé a baissé ou que nos dirigeants politiques prennent des engagements internationaux". De quoi mettre un coup au moral. En effet, les agriculteurs se retrouvent bien souvent seuls face à tous ces aléas. En comparaison avec les professions tertiaires, il est difficile de sous-traiter : pas de responsable des ressources humaines, ni de secrétaire. "Comme nous avons une faible rentabilité, on bricole tout le temps : on est éleveur, mécanicien, soignant." Agriculteur ou éleveur, la surcharge mentale est similaire. Olivier Vauvrecy, producteur de cidre à la Ferme de Billy, à l'ouest de Caen, précise : "Un agriculteur, c'est un gérant d'entreprise. Il faut jongler entre la production, la mise en bouteilles, l'étiquetage. Et puis, il y a la question économique, qui nous titille le soir ou la nuit." Marie-Constance Achard emploie une quarantaine de salariés agricoles dans son exploitation de La Grande Ferme-La Crête de Fontenay, et pour elle, "la charge administrative et la gestion du personnel représentent 70%" de son travail.
"Il faut être résilient"
Etre producteur, c'est aussi être dépendant de la météo. Un défi que confirme Olivier Vauvrecy : "Il y a un côté viscéral avec la nature, on n'a aucun contrôle, il faut toujours s'adapter." Benoît Lefèvre, céréalier et producteur de lin à la Ferme Saint-Vaast depuis 1994, connaît bien cette réalité. Ces dernières semaines, particulièrement pluvieuses, l'ont poussé à "reporter le battage du maïs, qui était trop humide". Depuis 30 ans, il fait évoluer ses techniques : moins de labours, et des désherbages différents. Même constat pour Marie-Constance Achard et son mari, qui pratiquent une agriculture raisonnée pour revenir "à la vraie agronomie". Le dérèglement climatique n'allège pas les préoccupations des agriculteurs. Damien Lecuir constate l'augmentation des perturbations météorologiques : "On n'a encore jamais eu d'année avec des pluviométries aussi excessives." Mais aussi des aléas sanitaires : "Il y a aussi les nouvelles maladies, qui impactent la productivité." Face à ces défis, "il faut être résilient".
Le numérique, un allié ?
Pour contrebalancer toutes ces difficultés, l'intelligence artificielle s'installe dans les exploitations. Benoît Lefèvre l'utilise pour "ajuster les doses de fertilisant ou prévenir les maladies". Pour Damien Lecuir, c'est aussi un atout pour prendre des décisions. Mais il nuance : "A quel prix ?" Malgré la dématérialisation de la plupart des tâches administratives, l'achat et la maintenance des logiciels installés sur les machines représentent un coût pour les agriculteurs. Une charge que porte notamment Marie-Constance Achard, qui travaille dans une grande exploitation : "Le matériel numérique est coûteux et il faut former les salariés aux nouveaux outils." Une tâche supplémentaire et pourtant invisible sur la fiche de poste…
Pourquoi la profession est-elle fragilisée par les accords internationaux ?
Face à la possible signature d'un traité de libre-échange avec les pays du Mercosur, les agriculteurs français craignent d'être en concurrence avec des producteurs sud-américains qui ne respectent pas les mêmes normes sanitaires qu'eux.
Depuis lundi 18 novembre, les agriculteurs protestent contre le Mercosur, un accord de libre-échange entre l'Union européenne et des pays d'Amérique du Sud.. Benoît Lefèvre met en garde contre les dangers de ce traité, qui autorise l'importation de produits sud-américains ne respectant pas les mêmes normes sanitaires qu'en France, et utilisant des produits phytosanitaires interdits sur le territoire. "Ça n'a pas de sens", déplore-t-il. Face à ces règles inéquitables, les agriculteurs peinent à vendre leurs produits à des prix qui récompensent réellement leurs efforts. Malgré leur rôle essentiel dans l'alimentation, ils se sentent souvent abandonnés. "On est les seuls à se battre. Où sont les transformateurs et les distributeurs ?" questionne Damien Lecuir. Olivier Vauvrecy partage aussi ce sentiment d'impuissance : "On produit localement, mais face au marché mondial, on reste de petits acteurs. On est des pions." Pour eux, le soutien des consommateurs et des politiques est indispensable pour assurer l'avenir de leur métier.
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