Il joue les prolongations. A 65 ans, Jean-Luc Edeline est le poumon du club d'athlétisme de la Bayard Argentan. Coureur de demi-fond, il a pris sa première licence au club il y a exactement 50 ans, couplée cinq ans plus tard à celle de dirigeant. "Ce sont 45 années bourrées d'anecdotes", lance le jeune retraité.
Jean-Luc Edeline s'occupe du club depuis l'automne 1979. Ils étaient 12 athlètes à l'époque, ils sont désormais autour de 140 licenciés chaque année. Son objectif d'alors est de structurer une vie de club, ce qui passe d'abord par la mise en place d'entraînements ouverts à tous les âges auxquels "vient qui peut quand il peut". "On est très vite arrivé à de l'entraînement quotidien", constate le bénévole, jusqu'à, pendant un certain temps, pratiquer "une forme dite de sport de haut niveau". Ce qui l'a amené à emmener des athlètes jusqu'aux championnats nationaux, internationaux et même jusqu'aux Jeux olympiques. "Pendant un temps, le numéro 1 du sprint court français était argentanais, à un centième du record de France du 50m en salle", s'exclame-t-il.
Un investissement à 110%
Pour arriver à ce niveau, Jean-Luc Edeline n'a pas ménagé ses efforts. "110% de ma vie a été consacrée au club, dit-il. Je me levais le matin pour résoudre de l'administratif, j'allais au travail et je me dépêchais de partir pour venir au stade, pour l'entraînement à 18h jusqu'à 20h30, et ensuite reprendre de l'administratif", se souvient l'ancien conseiller bancaire.
"La pointe de regret,
c'est une forme de vol de
mon temps familial"
Un rythme effréné pour faire rayonner le club, mais un investissement à quel prix ? "Je n'avais pas de place pour autre chose, ni entourage, ni la découverte d'autres sports, activités ou cultures", avoue le père de famille. "En termes d'état d'esprit, je le referais. Ce sont des moments de partage énormes qui laissent des traces, lance-t-il. Après, la pointe de regret, c'est une forme de vol de mon temps familial. Beaucoup de gens autour de moi ne m'ont pas vu. Je constate maintenant que j'ai des gens qui sont partis, de la famille, mes parents et autres, qui disaient : 'Nous, on fait ça' ; sauf que moi j'étais ailleurs en compétition."
Une sortie en douceur
Il a réduit la cadence ces huit dernières années, en se rendant par exemple moins aux compétitions. "Je suis encore à 100 voire 120% dans la semaine, mais le week-end non. J'essaie d'avoir une vie personnelle", et notamment familiale. Jean-Luc Edeline souhaiterait se retirer doucement de la vie de dirigeant tout en s'assurant de la bonne continuité du club. Ce qui n'est pas si simple. L'état d'esprit a changé selon lui, comparant l'association à une administration. "Les parents vous laissent leur enfant, demandent à quelle heure venir le chercher, et râlent parce que l'entraînement s'est terminé cinq minutes en retard", grogne le bénévole.
Il ne cherche pas son successeur puisqu'il sait qu'il n'existe pas, mais essaie de faire en sorte que la vie du club continue sans lui. "En m'éclipsant complètement, peut-être que des gens vont prendre le relais naturellement. L'insistance à vouloir transmettre n'est peut-être pas le bon chemin", conclut-il. En attendant, il profite de sa retraite pour rattraper le temps perdu avec ses enfants et ses proches.
Marathon, 10km, meeting international… Il a créé plusieurs événements
On doit à Jean-Luc Edeline plusieurs événements sportifs ornais, du meeting d'athlétisme à Argentan aux Foulées Briouzaines qui reviennent en novembre.
Jean-Luc Edeline est à l'origine de plusieurs événements sportifs. Pourquoi ? Au départ, il était question de trouver des partenaires financiers pour le club. "On était toujours à l'extérieur pour des compétitions, donc on voulait être davantage présent et reconnu à Argentan", explique-t-il.
Le 10km d'Argentan est d'abord né en 1980, avec l'idée d'en faire une épreuve populaire. Huit ans plus tard vient la création du meeting d'athlétisme, qui n'existe plus depuis le Covid-19 : 31 éditions lors desquelles des athlètes internationaux sont venus réaliser leurs minima pour participer aux Jeux olympiques. Jean-Luc Edeline a aussi créé le marathon d'Argentan devenu désormais un semi-marathon, ou encore Les Foulées Briouzaines qui fêtent leur 40e édition le 24 novembre pendant la foire Sainte-Catherine. "J'y suis tous les ans, mais le relais a été passé à une association qui vit le truc à 100%", se satisfait-il.
Son dernier projet : Micheline Bailly, championne à 82 ans
Jean-Luc Edeline entraîne Micheline Bailly, double championne de France et détentrice du record national sur 100m.
Le chemin était loin d'être tracé. Alors que Jean-Luc Edeline s'efface du club petit à petit, il se remet au sport en 2021, dans sa dernière année de travail à mi-temps, et invite des personnes à s'entraîner avec lui. "Finalement, ça s'est vite transformé en autre chose, à savoir que je coache et je ne fais rien pour moi", explique-t-il.
L'idée : installer des séances intitulées de sport régénérant, auxquelles s'est greffée Micheline Bailly, 82 ans. "On a d'abord été dans l'angle de la condition physique avec deux à trois séances par semaine. Puis, elle s'est prise à un jeu de vouloir performer", se souvient son entraîneur. Elle est aujourd'hui l'une des rares à faire du sprint sur 100m en compétition. Et performe. Il l'a vu devenir championne de France à deux reprises en 2022 et 2024, battre le record de France sur 100m chez les plus de 80 ans et l'a accompagné sur les championnats d'Europe et du monde.
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