Deux tas de sacs pleins de vêtements s'amoncellent à la déchèterie de Saint-Lô. Les bennes de récupération de vêtements de Tri-Tout Solidaire sont pleines. Pourtant, les usagers continuent de venir déposer des dons. Les causes de cette situation sont multiples et interviennent à plusieurs endroits dans la filière du recyclage textile.
Trop de dons
Au départ, il y a trop de dons. "Nous recevons aujourd'hui beaucoup plus de textiles que nous ne pouvons trier", explique Tri-Tout Solidaire sur ses bennes. L'association recommande de reporter le don, ou, si les vêtements sont de bonne qualité, de les apporter directement en boutique à Agneaux. Si les vêtements restent à l'air libre, il y aura de la perte à cause de l'humidité, des intempéries… Le report des dons doit permettre d'éviter "de les mettre en enfouissement".
Un deuxième tas de vêtement croît, à l'entrée de la déchèterie.
Après un premier tri de Tri Tout qui récupère ce qui a le plus de valeur, le contenu des bennes est collecté par la société Gebetex. Selon Paul-Antoine Bourgeois, le cogérant, toute la filière est en tension. De nombreux centres de tri ferment leurs portes. Les débouchés manquent, notamment pour les petites associations. Elles se retournent alors sur les bennes encore accessibles. Résultat : pour une collecte constante de Gebetex, la dose de vêtements déposés augmente et les tas croissent. "On a entre 30 et 40% de vêtements en plus dans les conteneurs", explique Paul-Antoine Bourgeois. Lui ne ramasse que ce que son usine peut trier à Vernon dans l'Eure, soit une vingtaine de tonnes par jour. Il ajoute : "on a entre huit et dix appels par jour pour venir récupérer, qu'on n'accepte pas".
Un manque de débouchés
Le dernier maillon de la chaîne de retraitement des textiles tousse aussi. Les possibles débouchés sont la vente en friperie, l'envoi en Afrique, le recyclage en chiffon ou l'effilochage pour réduire les textiles en fibre. Un chiffon d'essuyage en tissu recyclé se vendait 14 centimes la tonne en janvier 2024, contre 4 centimes aujourd'hui. La filière fait face à la concurrence des chiffons neufs arrivés d'Asie. Quant à l'envoi en Afrique, il y a une concurrence asiatique avec des produits neufs et fabriqués à bas coût, donc plus compétitifs que la seconde main européenne.
La qualité des tissus récupérés est aussi un problème. Pour un produit de la marque Shein (vendeur chinois en ligne de vêtements), il est plus cher de les récupérer, de les trier et de les revendre, que de les acheter neufs. Le tout avec une qualité dont ne veut pas le client en friperie. Pour en faire du chiffon ou pour l'effilocher en fibre, la qualité n'est pas au rendez-vous non plus pour avoir un produit satisfaisant et compétitif. "On arrive à des non-sens, constate Paul-Antoine Bourgeois, où on pousse au recyclage mais on laisse entrer en amont des produits non recyclables." Il appelle à une "responsabilisation collective" concernant la consommation de vêtements et de textiles.
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