Le Loto du patrimoine, créé en 2018, est une initiative visant à sauvegarder le patrimoine historique en péril à travers la France.
Lancé par l'animateur Stéphane Bern, sous l'impulsion du ministère de la Culture et en partenariat avec la Française des Jeux, ce projet finance la restauration de monuments grâce à des jeux de loterie spécifiques, que vous pouvez trouver dans les bureaux de tabac. Chaque année, une centaine de sites, dont une vingtaine sont dits "emblématiques", sont sélectionnés pour bénéficier de cette aide.
En 2024, l'abbaye de la Trappe, à Soligny-la-Trappe, a été retenue comme le projet du département. Dans l'Orne, depuis 2018, sept autres projets ont été réalisés ou sont encore en cours. Des choix qui penchent très souvent vers le Perche (cinq des huit sites retenus). Une coïncidence pour cette région très touristique prisée pour ses résidences secondaires, et où s'est justement installé Stéphane Bern.
Forges, château, chapelle...
Le patrimoine choyé
Pour autant, le premier site retenu par le Loto du patrimoine est à l'extrême opposé du Perche, à Champsecret, dans le Bocage. Sans candidater, les forges de Varenne ont été sélectionnées en 2018 pour la restauration de ses trois ateliers de production datant du XVIe siècle. Ce choix était justifié notamment par le fait que ses propriétaires avaient déjà lancé un projet de restauration. La Fondation du patrimoine a été l'élément déclencheur pour la réaliser.
Les deux seuls autres projets hors du Perche ont été retenus la même année, en 2022. Il y a le château du Bourg-Saint-Léonard, en tant que projet départemental. Ce n'est pas le château du XVIIIe siècle en lui-même qui bénéficie d'un rafraîchissement, mais ses communs et en particulier le potager, le fruitier et la maison du jardinier. La fin des travaux de ces deux derniers bâtiments, très mal en point à l'origine, est espérée pour la fin de l'année. Le chantier doit se poursuivre du côté de l'orangeraie jusqu'en 2026. Par ailleurs, le Haras du Pin a lui été sélectionné en tant que projet régional pour la restauration de son ancienne église et de son ancienne infirmerie vétérinaire. Les travaux, terminés un an plus tard, ont été très rapides pour que le site soit prêt dans l'éventualité où il aurait accueilli les Jeux olympiques de Paris.
A L'Hôme-Chamondot, la briqueterie des Chauffetières a bénéficié d'un coup de neuf dès 2020. Les halles et le four des bâtiments, où sont encore fabriquées 30 000 briques par an, ont été rénovés pour pérenniser cette activité artisanale devenue rarissim et qui perdure ici depuis près de 150 ans. Le dernier projet concerne également un lieu encore bien vivant : celui de l'hôpital de Mortagne-au-Perche, au sein duquel se trouve la chapelle Saint-François. Accolée au cloître, elle constitue un pôle d'attraction culturel incontournable de la ville. Mais l'édifice se dégrade. La couche picturale se décroche des supports et sa structure fragile met en péril le clocher. Les travaux au niveau de la charpente, de la toiture et des peintures doivent démarrer en 2025.
Mission Bern :un bâtiment du XIIIe siècle à rénover
Au sein de l'Abbaye de la Trappe à Soligny-la-Trappe se trouve un monument historique : l'hôtellerie. Grâce au Loto du patrimoine, une restauration du bâtiment va être entamée.
L'Abbaye de la Trappe à Soligny-la-Trappe a été retenue en septembre par la Mission Bern dans le cadre du Loto du patrimoine. "Cela va nous permettre d'entamer les études pour la rénovation d'un bâtiment classé monument historique", souligne le frère Thomas, père abbé du monastère. Ce bâtiment d'architecture romane date du XIIIe siècle. Il s'agit de l'hôtellerie primitive. Il est composé d'une très belle salle voûtée au-dessus de laquelle se trouve un dortoir. "C'était l'accueil des gens qui étaient de passage au XIIIe siècle. Le bâtiment a été remanié par les frères au fil des siècles selon les besoins de la communauté", explique le père abbé Thomas. L'hôtellerie est un peu à l'écart du monastère et n'est plus utilisée aujourd'hui parce qu'elle ne fait pas partie du corps des bâtiments communautaires.
De grosses rénovations sont attendues notamment sur la charpente du XVe siècle qui a besoin d'être restaurée. La couverture du bâtiment doit aussi être refaite. "On ne va pas le remettre à l'identique, mais c'est un bâtiment que l'on veut préserver parce que c'est notre devoir moral. Il faut pouvoir en assurer la survie", déclare le père abbé.
Les travaux doivent débuter en 2025. Ils incluent donc la restauration du bâtiment historique, mais aussi la création d'un parcours pour les visiteurs. L'abbaye mène un travail de réflexion depuis bientôt 2 ans sur un projet d'ouverture du monastère au public.
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Abbaye de la Trappe : "Sans elle, on serait comme tous les autres villages"
Office dominical, attrait touristique… L'abbaye est un véritable atout pour la commune de Soligny-la-Trappe.
L'abbaye de la Trappe existait bien avant le village de Soligny-la-Trappe. "Le monastère est un marqueur très fort, il a toujours été dans la vie de la commune", reconnaît le maire, Thierry Cortyl. Et pour preuve : un moine était au conseil municipal pendant presque 40 ans. Même s'il n'y en a plus depuis les dernières élections municipales, la faute à une vacance au poste de père abbé au moment du scrutin, la porte reste toujours grande ouverte. "Mon souhait, c'est d'avoir à nouveau un frère au conseil municipal. C'est une parole qui compte. Ils ont un œil neuf et unique sur la société", souligne l'édile.
Un atout pour la commune
L'abbaye a un attachement particulier pour les habitants de Soligny, mais aussi pour les collectivités sans qui le monastère ne pourrait porter le projet de s'ouvrir au public. "On a vu pour les collectivités l'importance que revêt ce lieu et le fait qu'il soit habité par une communauté monastique, quelles que soient les opinions et les croyances des uns et des autres, confie le père abbé Thomas. C'est très compliqué si on est les seuls à faire vivre le site. Donc le fait de savoir qu'on est accompagnés peut permettre d'envisager l'avenir sans avoir à se reposer la question d'un départ du lieu", ajoute-t-il. Ce qui rassure à la municipalité. "Je n'imagine même pas qu'il n'y ait plus personne dans l'abbaye", dit le maire, natif de Soligny-la-Trappe. Grâce à l'abbaye par exemple, la petite commune bénéficie toujours d'un office dominical. "Il y a plus d'avantage pour nous d'avoir l'abbaye que l'inverse. Sans elle, on serait comme tous les autres villages", conclut Thierry Cortyl.
Le monastère veut s'ouvrir au public
Pour ne pas quitter les lieux définitivement et continuer de faire vivre le site, la communauté de La Trappe a la volonté d'ouvrir les grilles du monastère au public.
La Trappe fait partie du paysage depuis neuf siècles. Fondée en 1140, l'abbaye cistercienne est le berceau de l'Ordre des trappistes. Une communauté monastique contemplative de 17 frères y vit.
A l'intérieur de ces murs, ils prient 7 fois par jour, chaque jour, du premier office à 4h45 au dernier à 20h15. Ils cultivent leurs champs, fabriquent leurs pâtes de fruits et tiennent la boutique, sans oublier les tâches quotidiennes de la communauté à l'image d'une grande colocation. Les journées se ressemblent et sont calées presque à l'heure près. "On a tous les jours le même rythme. Cela peut paraître extrêmement monotone, mais ça fait plus de 30 ans que je suis là et je ne me suis jamais ennuyé", souligne le frère Thomas, père abbé du monastère depuis 5 ans.
"On a énormément de gens qui viennent sur site et se cassent
le nez sur la grille d'entrée"
La communauté engage une nouvelle étape de son histoire avec l'ouverture du site au public, permettant ainsi la découverte de la vie monastique, de l'histoire de l'abbaye, et la mise en valeur de son environnement exceptionnel, tout en préservant des espaces dédiés à la vie communautaire. Il s'agit d'une condition de maintien dans les lieux de la communauté religieuse. "On est 17 frères dans un monastère qui a été construit pour 80, donc ces dernières années on s'est posé les questions : 'Est-ce qu'on part ? Est-ce qu'on reste ? Et si on reste, quelles orientations peut-on se donner pour à la fois nous permettre de vivre ici et faire vivre le lieu ?'", explique le père Thomas.
L'option du tourisme, qui n'en était pas une au départ, a fait son trou. Un projet s'est formé pour permettre à la communauté de se maintenir sur place tout en répondant à la demande récurrente de visite. "On a énormément de gens qui viennent sur site et se cassent le nez sur la grille d'entrée. Actuellement, la réponse standard qu'on donne c'est : ça se visite pendant les Journées du patrimoine et c'est tout", explique-t-il. Avec l'aide de la Fondation du patrimoine, un parcours visiteurs avec signalétique est espéré d'ici à l'été prochain.
Et ensuite ?
Le site comporte à la fois un patrimoine architectural et artistique, à travers un frère qui a vécu dans la première partie du XXe siècle. "Le père Marie-Bernard a été ferronnier, sculpteur, photographe… C'est quelqu'un qu'on aimerait mettre davantage en valeur. Il est à l'origine de toute la statuaire de Sainte-Thérèse de l'enfant Jésus", présente le père Thomas. Un lien fort relie donc La Trappe à Lisieux, lien qui n'a jamais été développé mais qui pourrait l'être à l'avenir. Un triangle pourrait même se créer pour les pèlerins, avec le sanctuaire Louis et Zélie Martin, parents de Sainte-Thérèse, à Alençon.
Enfin, le monastère souhaite profiter de cette ouverture pour accueillir davantage de bénévoles, "des gens qui sont prêts à venir donner un peu de leur temps pour tailler les haies, ramasser les pommes ou aider à l'accueil de la boutique", détaille-t-il.
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