Les résultats de cette étude COP HERL étaient largement attendus. Pendant quatre ans, depuis l'incendie de Lubrizol et de Normandie logistique, des chercheurs ont travaillé sur des questions scientifiques et sociétales qui n'étaient pas posées par la gestion immédiate de la crise. "C'est un projet d'ampleur sans précédent avec une vingtaine de laboratoires impliqués, plus d'une centaine de chercheurs mobilisés et presque quatre ans de recherche", indique Matthieu Fournier, enseignant chercheur à l'université de Rouen et coordinateur du projet. Le rapport de plusieurs centaines de pages donne lieu à trois grandes recommandations pour les pouvoirs publics.
Les études ont montré dans l'environnement 30 marqueurs qui sont propres à l'incendie de Lubrizol, donc bien différents des polluants qui constituent le bruit de fond urbain. "Sur ces 30 marqueurs, huit molécules posent un problème plus important. On fait la recommandation de les quantifier et de les suivre", indique Matthieu Fournier. Ces huit substances sont classées cancérogènes et mutagènes, perturbateurs endocriniens ou reprotoxiques ou toxiques. Autre recommandation : la caractérisation du risque. Les scientifiques regrettent de ne pas avoir eu accès à des échantillons prélevés, notamment par les pompiers, lors de l'incendie. Ils préconisent que des échantillons conservatoires soient systématiquement prélevés lors d'accidents industriels pour des fins scientifiques. Pour le projet COP HERL, les scientifiques ont utilisé des échantillons qu'ils avaient eux-mêmes prélevés.
Une communication de crise à revoir
Le rapport des scientifiques est sans appel. Il y a parmi la population "un traumatisme généralisé caractérisé par une hypermnésie et une sidération, mêlées d'un sentiment d'abandon et de défiance". Cette réaction est largement due à la communication défaillante, conduite notamment par la préfecture de Seine-Maritime. "L'analyse des réseaux sociaux montre que c'est moins la peur du nuage que la gestion de crise qui a fait l'objet de commentaires", abonde Matthieu Fournier. Deux problèmes majeurs sont identifiés dans cette communication. Elle est arrivée trop tard. Et elle a semblé être en décalage avec ce que ressentaient les habitants, qui ont vécu des gênes respiratoires, des maux de tête ou des nausées, et ont senti des odeurs, quand on leur indiquait qu'il n'y avait aucune pollution. Les scientifiques recommandent de rapprocher la communication de crise, basée sur du factuel, du ressenti de la population, basé sur de l'émotionnel.
Serions-nous mieux préparés
aujourd'hui ?
"Les pouvoirs publics ont déjà capitalisé sur l'événement", estime Matthieu Fournier. Mais il apporte tout de suite d'importantes nuances. "Si l'événement se reproduisait en plein jour, on serait incapables de gérer", explique-t-il, faute de place suffisante dans les établissements recevant du public pour accueillir tout le monde pour se mettre à l'abri. Les premiers réflexes cités par les populations sont aussi exactement ce qu'il ne faut pas faire. "Beaucoup quitteraient le travail, récupéreraient les enfants à l'école et rentreraient, ou partiraient au loin." Il faut en réalité se confiner au plus près de l'endroit où l'on se trouve, laisser les enfants se confiner à l'école et n'engorger ni les réseaux routiers, ni les réseaux de communication. La route est encore longue pour intégrer pleinement la culture du risque.
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