Le Havre. Il y a quinze ans ouvraient les Docks Vauban

Les Docks, c'est aussi un quartier universitaire. Autour de l'ISEL, école d'ingénieurs implantée dès 1998 sur le quai Frissard, on trouve les antennes havraises de Sciences Po et de l'Institut national de sciences appliquées (INSA) ainsi que le Pôle SPI (Sciences pour l'ingénieur), inaugurés en 2013 sur le quai de la Réunion. En 2015, c'est l'Ecole nationale supérieure maritime (ENSM) qui déménage au bord du bassin de l'Eure. En 2020, l'école de commerce EM Normandie rejoint le quai Frissard, suivie par l'Ecole 42 en 2023.

L'IUT bientôt voisin des Docks Vauban

Ce développement va se poursuivre. L'an dernier, Elisabeth Borne, alors Première ministre, annonçait un investissement de 100 millions d'euros pour la construction d'un nouveau bâtiment sur le campus universitaire du Havre, dans le cadre du contrat de plan Etat-Région. Le Havre Seine Métropole participe également à ce financement. Situé à deux pas du centre commercial, derrière l'ISEL, le futur bâtiment abritera les étudiants de l'IUT de Caucriauville, qui déménage en centre-ville, une antenne de la prestigieuse École nationale des arts et métiers, et un restaurant universitaire. "Ensuite, le foncier dans le secteur va commencer à se faire rare, note Jean-Baptiste Gastinne, premier adjoint au maire du Havre, on se laisse donc la possibilité d'accueillir de nouveaux établissements d'enseignement supérieur dans le quartier des Magasins généraux." Le Havre compte aujourd'hui près de 14 000 étudiants.

Comment abordez-vous ces 15 ans ?

"Je qualifie souvent les Docks Vauban de site phénix. L'ouverture de ce nouvel ensemble commercial n'a pas été simple, dans un quartier où il fallait créer des habitudes. Mais nous abordons cet anniversaire très sereinement, avec l'arrivée ce mois-ci d'une marque attractive, Action, ainsi que de Normal avant la fin de l'année, et sans oublier une très belle implantation à venir en 2025, dont on ne peut pas encore parler ! Côté chiffres, en 2023 nous avons enregistré 5,9 millions de visiteurs, une croissance de 8,5% sur un an, encourageante après les années Covid, et 2024 semble prometteuse."

Quel est l'impact de la passerelle ouverte entre le centre et le Carré des Docks ?

"Il est extrêmement positif ! Elle nous lie avec le quartier Saint-Nicolas et permet aux congressistes de cheminer depuis la gare. Sur la porte qui lui fait face, on est sur une évolution de fréquentation à trois chiffres, par rapport au premier semestre 2023. Je ne m'attendais pas à ce que soit aussi fort."

Vous êtes ancrés au cœur d'un quartier…

"La particularité des Docks, c'est son architecture. Le propriétaire (Lighthouse Capital) a récemment investi un million d'euros pour rénover toutes les façades extérieures. Ce site a une histoire avant d'être un centre commercial. On souhaite aussi apporter autre chose que du commerce : des animations dans notre jardin partagé, des marchés de créateurs… Il y a aussi un partenariat avec Un été au Havre. C'est la culture qui vient aux gens et non l'inverse. Dans notre logique d'apporter autre chose, ça fait sens."

Elle a chipé à Décathlon la place de numéro 1 dans le top 10 des enseignes préférées des Français, établi chaque année par le cabinet de conseil EY Parthenon. La marque hollandaise Action s'implante aux Docks Vauban le jeudi 17 octobre.

2 millions d'euros de travaux

Déjà présent à Montivilliers, Gonfreville-L'Orcher et dans le quartier du Mont-Gaillard, ce discounter propose une flopée d'articles de décoration, nettoyage, bricolage, papeterie… Le propriétaire des Docks Vauban, Lighthouse Capital Limited, a investi deux millions d'euros pour accueillir Action au premier étage du centre. "Il a fallu aménager une véritable surface commerciale, à la place des anciennes réserves de Leclerc, en aménageant deux escalators, notamment", détaille Clémence Grégoire. Avant Action, Rituals (bougies et produits de beauté) avait ouvert en septembre à l'emplacement de l'ancienne boutique Superdry. D'ici la fin de l'année, un magasin Normal (qui revend des grandes marques de produits de beauté, nettoyage ou confiseries à bas prix) verra le jour dans l'espace laissé libre par le déménagement de JD Sports, non loin du cinéma. Au total, avec le déménagement de Quicksilver et l'arrivée de Jack and Jones (prêt-à-porter) et de BioTech (compléments alimentaires), le centre aura enregistré six ouvertures en 2024. Les restaurants BChef et Memphis Coffee, en liquidation judiciaire, ont quant à eux baissé le rideau.

Les hauts murs en brique demeurent. Mais, en lieu et place des vitrines des magasins d'aujourd'hui, il faut imaginer des piles de sacs en toile de jute. Café, coton, bois, épices, etc. Avant d'être un centre commercial, les Docks Vauban étaient un temple du commerce… de marchandises.

Encore des traces aujourd'hui

C'est en 1846 que débute la construction de ces entrepôts, peu après le creusement du bassin Vauban. Inspirés des entrepôts de Londres ou Liverpool, en Angleterre, ils sont réellement exploités à compter des années 1860. "Le Havre était rempli de docks, rappelle Gérard Masselin, auteur d'un ouvrage sur l'histoire des quartiers sud, en face des Docks Vauban il y avait les Docks Cafés (à l'emplacement de l'actuel Carré des Docks), il y avait aussi des docks du côté des magasins généraux, toute la rue Marceau était remplie d'entrepôts." A l'heure de la révolution industrielle, "ils sont construits pour faire face à l'augmentation du trafic de marchandises". Dans les années trente, 80% des importations françaises de café passent par Le Havre. Des trains de marchandises desservent alors ce quartier, essentiellement à vocation industrielle et portuaire. "On en voit encore les traces aujourd'hui avec les rails au sol dans la rue des magasins généraux ou la plaque tournante, près de la salle des Docks Océane, qui permettait de manœuvrer les wagons." L'activité de stockage de marchandises se poursuit après guerre autour de l'actuel bassin Paul Vatine, puis diminue franchement dans les années quatre-vingt pour s'achever la décennie suivante. En 1993, les docks sont le théâtre du départ de la toute première Transat Jacques Vabre. Trente ans après, en 2023, le marin Vincent Riou, qui figurait au casting de cette première édition, se souvenait dans nos colonnes des "vieux hangars désaffectés autour du bassin Vauban". Jusqu'à leur réhabilitation dans les années 2000, les docks-entrepôts étaient en fait utilisés comme lieu de stockage pour la Ville du Havre. Clin d'œil de l'histoire : le musée maritime et portuaire, qui y fit escale un temps avant d'être déplacé au niveau du terminal croisière, sera bientôt de retour dans le quartier. L'association doit déménager prochainement dans un local situé entre le Carré des Docks et Decathlon. Le Havre Seine Métropole a entériné un investissement de 500 000€ pour le déménagement des collections et l'aménagement de cet espace, afin qu'il puisse être plus régulièrement ouvert au public.

Pratique. Le Havre, ses quartiers sud. De la petite à la grande Heure d'hier à aujourd'hui, de Gérard Masselin, en librairie.

Sa silhouette domine déjà les quartiers sud du Havre, au croisement des rues Dumont d'Urville et des Chargeurs réunis. La tour Elithis, en construction, sera un bâtiment à énergie positive, qui produira plus d'énergie qu'il n'en consomme. "Cette tour de quinze étages est équipée de dispositifs photovoltaïques sur le toit mais aussi sur ses façades. Elle va vraiment servir de signal, elle marque l'entrée du quartier Dumont d'Urville, en plein renouvellement", note Jean-Baptiste Gastinne, premier adjoint au maire, en charge de l'urbanisme.

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1 200 logements

Ce nouveau bâtiment est l'une des très nombreuses constructions qui transforment le secteur des Docks Vauban et les quartiers Saint-Nicolas et Dumont d'Urville qui lui sont proches. "C'est une reconversion de longue haleine, lancée par l'ancien maire Antoine Rufenacht, rembobine l'élu, la Ville du Havre reconquiert des terrains qui ont une vocation urbaine et non plus portuaire, puisque les activités de manutention et de stockage ont glissé plus au sud ou vers l'est." Des hectares "bordés par des bassins, à la vue dégagée", sont devenus une aubaine pour les promoteurs privés. Depuis le début des années 2000 et la réhabilitation de Saint-Nicolas, près de 1 200 logements ont vu le jour. Sur Dumont d'Urville, pas moins de neuf projets immobiliers transforment le quartier, soit près de 500 logements à terme (dont un Ehpad et une résidence étudiante de 150 logements). S'il reconnaît des difficultés pour occuper certains rez-de-chaussée commerciaux, "les logements déjà construits sont occupés" affirme Jean-Baptiste Gastinne. Une attractivité qui se traduit par les programmes scolaires : "Il y a dix ans nous avons construit le pôle Molière (qui regroupe écoles, espaces périscolaires et pôle famille) et d'ici trois ans, une nouvelle école verra le jour au sud des Magasins généraux."

C'est justement ce secteur des Magasins généraux, composé d'anciens entrepôts, qui verra sa physionomie évoluer dans les vingt prochaines années. Les propriétaires des entrepôts seront incités, en cas de travaux, à respecter une trame cohérente pour conserver le bâti historique. "C'est loin d'être le cas aujourd'hui avec des bâtiments dans des états très différents, parfois avec de l'enduit sur la brique, des couleurs, etc. Nous n'avons pas l'intention de chasser les acteurs économiques qui s'y trouvent", assure le premier adjoint d'Edouard Philippe, qui rappelle la diversité d'activités déjà à l'œuvre dans ce quartier (complexe d'escalade, centre chorégraphique, espace de réalité virtuelle…). "Mais il est enclavé. Il faudra percer des axes pour mieux relier le quartier des Docks à la rue Brindeau, en sécurité. Aujourd'hui, on a des poids lourds qui croisent des lycéens, des mamans avec poussettes…" "Un grand mail", voie dédiée aux piétons et vélos, verra le jour dans le prolongement du bassin Paul Vatine. Le secteur sera aussi transformé par l'arrivée du tramway, en 2027. "On injecte de l'argent public dans les espaces publics et les équipements, mais nous comptons sur les acteurs privés pour accompagner la rénovation du bâti, l'accueil de nouvelles activités. C'est comme cela que l'on transforme un quartier."