L'instrument a plus de 130 ans et n'a pas perdu de sa superbe. Trônant majestueusement au-dessus de l'entrée principale de l'abbatiale, le grand orgue de Saint-Ouen est une merveille d'architecture reconstruite par le facteur d'orgue Cavaillé-Coll en 1890. "C'est une star dans le milieu des organistes", sourit Jean-Baptiste Monnot, l'organiste titulaire. L'instrument est encore surnommé aujourd'hui "l'orgue à la Michel-Ange". Depuis les années cinquante, plus de 400 disques ont ainsi été enregistrés sur cet orgue qui attire les plus grands artistes internationaux.
Un orchestre à disposition
Avant de poser mes mains sur le clavier, je demande à mon hôte une petite démonstration. D'abord, il faut allumer le moteur qui commande le ventilateur permettant d'insuffler de l'air pour les quelque 5 500 tuyaux de ce gigantesque instrument. Et nous voici devant le "poste de pilotage" : la console où se trouvent les cinq plans sonores, c'est-à-dire les quatre claviers manuels et le pédalier, chaque plan correspondant à un ensemble de tuyaux très précis. Il y a aussi les "jeux d'orgue", ces manivelles situées de part et d'autre des claviers que l'on tire pour changer d'instrument ; flûte, trompette, clarinette, etc. "L'organiste va se retrouver devant un orchestre à disposition", explique Jean-Baptiste Monnot. De quoi vous donner quelques maux de tête. Le musicien se lance alors dans une improvisation en utilisant tous les éléments de la console en se contorsionnant pour atteindre à la fois les claviers, le pédalier et les jeux, le tout les yeux fermés. L'orgue produit un son d'une pureté déroutante, malgré son âge vénérable, jusqu'à me hérisser les poils des avant-bras. "C'est la patte de l'harmoniste, me confie le musicien, c'est lui qui a sculpté ce son, quand on classe au monument historique un instrument comme celui-là, on classe aussi l'oreille de l'harmoniste."
Impressionné par la folle prestation de mon hôte, je bredouille timidement un thème du pianiste Herbie Hancock retrouvé dans ma mémoire. J'improvise quelques notes tandis que Jean-Baptiste Monnot m'aide à tirer sur plusieurs jeux. Bien sûr, le résultat n'est pas si grandiose après le passage de l'organiste, mais les sensations sont intenses. Surtout, j'ai le sentiment que les possibilités sont infinies et j'aurais envie de rester des heures pour déceler les secrets de ce monstre de complexité. Je quitte la console avec le sentiment d'avoir goûté à un délicieux privilège, celui d'avoir pu poser les mains sur un des plus grands orgues du monde.
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