"Généralement on essaye de prendre en juin, juillet, août", explique Wilfrid Lefebvre, responsable au JM's Café à Rouen. Comme beaucoup de gros débits de boissons rouennais, l'établissement doit pouvoir compter sur la main-d'œuvre saisonnière pendant la période estivale. Une période qui implique souvent de gros rushs en salle. Si le bar a suffisamment de serveurs pour cet été, il est toujours difficile de trouver le bon profil. "On a beaucoup d'étudiants qui postulent, mais le problème c'est qu'ils ne veulent bosser qu'un mois, soit en juillet, soit en août", explique le responsable. C'est trop peu, estime Wilfrid Lefebvre, qui doit refuser des CV. "Pour bien savoir tenir le plateau, prendre les commandes, savoir où tout se trouve, il faut au moins un mois de formation."
"Le marché est bloqué
dans la restauration"
L'établissement doit donc privilégier des profils plus expérimentés, une main-d'œuvre qui se raréfie. "Trouver du monde qualifié c'est très compliqué", confirme le responsable qui peut tout de même s'appuyer sur trois à quatre personnes supplémentaires cet été soit 20 employés de juin à août. "Le marché est bloqué dans la restauration", déplore également Grégory Demarest, responsable du restaurant Pintxo sur les quais rive gauche à Rouen. "On a de la demande", reconnaît le Normand, "mais ici on a besoin de profils expérimentés et organisés, car la pression peut vite monter avec 200 à 300 couverts". Le Pintxo recherche surtout des chefs de rangs, des serveurs capables de manager une équipe et de prendre des commandes pour une trentaine ou quarantaine de personnes. "Je ne peux pas mettre de débutants sur un restaurant comme celui-là en pleine saison", confirme Grégory Demarest. "Aujourd'hui j'ai l'effectif suffisant, mais il ne faut pas que quelqu'un tombe malade", soit une trentaine d'employés pour tout l'été dont 4 à 5 contrats d'extra.
"Les choses sont vraiment compliquées depuis le Covid", remarque de son côté Thomas Laguerre, directeur de la Terrasse, restaurant situé sur la place du Vieux Marché. Selon le gérant, beaucoup de personnels rechignent désormais à travailler le soir ou le week-end, "les contraintes horaires sont moins gênantes pour les jeunes qui ont juste besoin d'un boulot, mais pour ceux qui étaient dans la restauration et ont connu le 'repos' avec le Covid, ceux-là n'ont pas voulu revenir", observe le patron. En plus des horaires décalés, il y a aussi les coupures, très classiques au sein de la restauration. Une organisation du travail qui n'est pas toujours compatible avec une vie de famille. La Terrasse, par exemple, a fait le choix depuis le début de limiter au maximum ces coupures en journée grâce à la mise en place de deux équipes, l'une gérant la journée et l'autre le soir. D'autres gérants ont su s'adapter à cette nouvelle conjoncture, tels que Sébastien Yves, patron du Bureau à Rouen. "Anticiper c'est manager, c'est un investissement", explique le gérant qui embauche dès le mois de mai pour assurer la formation de ses serveurs avant le rush de juillet/août, soit une augmentation de 10 à 15% de son personnel habituel. "Les charges patronales sont trop élevées pour embaucher, c'est l'unique problème, sinon la main-d'œuvre ne manque pas, loin de là", poursuit le gérant, "et embaucher c'est aussi régler les contraintes horaires pour les employés".
Le Pintxo recherche surtout des chefs de rangs, des serveurs capables de manager une équipe et de prendre des commandes pour une trentaine ou quarantaine de personnes.
Une saison incertaineet pas assez de candidats formés
Le marché de l'emploi dans la restauration se heurte cette saison à plusieurs incertitudes à la fois météorologique et sociétale.
"Le mauvais climat de février à mai a fait qu'il y a eu une sorte de frein à main sur les embauches", observe Philippe Coudy, président de l'UMIH 76 (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie), même si l'ouverture de certains établissements emblématiques (tels que le 105 à Rouen) a pu doper le recrutement. "A cela s'ajoute l'incertitude politique et sociale qui amène à une grande prudence." Pour les établissements côtiers, la météo a eu un effet néfaste sur les embauches.
"Les recrutements en cuisine sont toujours difficiles, les mêmes causes produisant les mêmes effets. On ne forme pas assez d'élèves dans nos CFA et nos écoles", poursuit le représentant de l'UMIH.
L'attractivité du métier reste, en effet, mise à mal depuis la fin de l'épidémie de Covid-19, marquée par les nombreux départs de professionnels. "C'est en train de se redresser grâce notamment à des reconversions professionnelles, des gens déçus de leur secteur d'activité qui viennent dans le nôtre."
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