M'enfermer dans une cabine en haut des remparts du château pour observer la ville ne m'était jamais venu à l'idée. Le projet des Veilleurs du millénaire de Caen m'y a emmenée à petit pas. Pendant un an, 730 personnes se relaient matin et soir, sous l'impulsion de Joanne Leighton, chorégraphe. Pour participer, cela nécessite une certaine rigueur. Il faut d'abord trouver une date qui convienne à son emploi du temps. Pour moi, ce sera le 27 mai, lendemain de mon anniversaire. Avant d'y arriver, vous êtes convoqué avec un groupe pour un atelier préparatoire au conservatoire de Caen. Dans une salle de danse, les participants ne savent pas trop ce qu'ils font là. Exercices de respiration et quelques pas de danse rythment l'heure.
Debout, sans montre ni téléphone
J'en ressors intriguée, tout comme les autres inscrits. Je patiente quelques semaines avant le jour J. 21h53, c'est mon heure. Je dois rejoindre David Beaudouin, l'accompagnateur, trente minutes avant l'exercice. J'ai un peu la boule au ventre. Car veiller sur la ville nécessite quelques prérequis. Dans un abri, vous êtes seule, debout, sans montre ni téléphone, pendant une heure. Stressée de nature, je demande bêtement à David s'il existe un bouton d'urgence en cas de problème. Il me rassure (moyennement) en me disant : "Ne vous inquiétez pas, je passe au bout d'une demi-heure." Les premières secondes sont particulières. Me retrouver seule, enfermée entre quatre murs, c'est rare. J'avance tout doucement dans l'abri, jusqu'à être au-dessus du vide. Je me dis immédiatement que mon père n'aurait jamais pu participer, tellement il a le vertige. Puis, je me prends au jeu d'observer le mouvement des voitures, des scooters des livreurs, des amoureux qui se bécotent en contrebas ou encore des affamés dans le fast-food du coin. D'ailleurs, saviez-vous que les feux tricolores ne duraient que 15 secondes, au vert comme au rouge ? Saviez-vous que le tramway de Caen était composé de cinq parties ? Tant de questions que l'on ne se pose pas au quotidien. Sauf que là, je prends le temps d'explorer avec mes yeux, d'écouter, de sentir. J'utilise mes cinq sens. Je vois aussi ces passants qui s'arrêtent et sont surpris de me voir là. Certains me font un signe, pour me dire "coucou". Parfois, je réponds, d'autres fois je souris. Je suis loin de la pression et du rythme du quotidien. Ça fait du bien et, en même temps, je trouve le temps long. Soixante minutes plus tard, il est temps de retrouver la vie normale. Un livre d'or est disponible pour laisser trace de ce moment suspendu… Je ne pouvais pas mieux faire, pour ma ville de cœur.
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