Elle est visiblement amaigrie, fébrile et cherche régulièrement le regard de son avocat. Mélanie Boulanger, l'ancienne maire de Canteleu a été longuement interrogée, mercredi 19 juin, dans le cadre d'un vaste procès pour trafic de drogue devant le tribunal correctionnel de Bobigny. Elle y est jugée notamment pour complicité.
"Je voulais vous dire que je suis innocente"
"Je suis détruite, j'ai donné beaucoup, j'ai fait des choses que j'adorais. J'avais de l'énergie à donner. Je l'ai donnée", lance-t-elle dans un sanglot quand son avocat, Arnaud de Saint-Remy, lui demande comment elle se sent devant le tribunal. Un état psychologique fragilisé qui l'a poussée en début d'année à quitter son fauteuil de maire. Elle confirme d'ailleurs être suivie par un psychiatre et prendre "un traitement lourd". "Il est dressé un portrait de moi complètement déformé depuis 32 mois. Je voulais vous dire que je suis innocente", indique-t-elle en introduction.
A propos de la fratrie Meziani, jugée dans le dossier comme étant à la tête du trafic de drogue, elle indique à plusieurs reprises ne pas les connaître personnellement et avoir "découvert la plupart des visages au premier jour du procès" même si elle précise avoir "toujours cité le nom de la fratrie Meziani aux autorités qui était connue à Canteleu comme s'adonnant à du trafic de stupéfiants."
"Hasbi, je sais que c'est une pipelette"
L'ancienne maire a été longtemps interrogée sur sa relation avec son adjoint au commerce, Hasbi Colak, lui aussi jugé pour complicité. Le Cantilien est considéré comme le trait d'union avec les habitants des quartiers de la ville et la municipalité. "C'est mon rôle, je suis là pour apaiser", a-t-il dit à plusieurs reprises devant le tribunal. Il fait directement remonter des informations à la maire, avec laquelle il a entretenu une relation intime. "De là à ce qu'il y ait des répercussions sur votre travail de maire ?", interroge le président. "Aucunement, répond Mélanie Boulanger. Il n'y a pas de mélange des genres." Le président l'interroge aussi, à partir de la lecture d'échanges de SMS, sur des informations de première main qu'elle livrerait à Hasbi Colak. L'élue dévoile alors sa stratégie de défense. "C'est du bluff ! Hasbi, c'est une pipelette. Je sais qu'il parle. Et comme je n'obtiens pas mes renforts de police, je lui dis des énormités : qu'il y aura la canine, des patrouilles, que des grosses enquêtes sont en cours pour qu'il le répète", indique-t-elle, espérant ainsi que les trafiquants soient dissuadés de poursuivre leurs activités…
"Je ne comprends pas cette stratégie du bluff", va lui rétorquer la procureure. "Les enquêtes poussées, le commissaire nous dit que c'est une info qu'il vous a donnée. Vous donnez cette info aux 'grands' [un terme pour désigner les meneurs du trafic, NDLR]. Cela va induire des comportements sur leur trafic qui va les protéger !"
"Tu ne peux pas m'appeler avec tes loustics autour"
Vient l'affaire de la caméra de l'îlot Dumas à Canteleu, pour laquelle un technicien qui l'installait a été agressé. "Je suis alors dans une colère noire. Je demande à ce que la caméra soit finalement posée avec beaucoup de précaution", insiste Mélanie Boulanger. Après cette agression, c'est Hasbi Colak qui se rend sur le terrain pour apaiser la situation et appelle la maire devant des "grands", visiblement en colère de ne pas avoir été informés de l'installation de la caméra. "Tu ne peux pas m'appeler avec tes loustics autour", va dire la maire à son adjoint, assurant défendre bec et ongles la pose des caméras. "Jamais, jamais, jamais, je n'ai livré d'informations aux trafiquants", va-t-elle répéter. Mais elle va tempérer : dire que la pose de caméra est du fait des bailleurs sociaux ou de la police, alors même qu'il s'agit principalement de caméras municipales. "Il faut bien maîtriser un peu l'information", dit son conseil, Arnaud de Saint-Rémy, pour éviter les représailles, assurant en fait que c'est bien la Ville qui agit, là où les forces de l'ordre feraient défaut. Hasbi Colak est l'intermédiaire de cette communication maîtrisée, selon la stratégie choisie par la défense. Un contact avec "les grands" pour préserver une certaine paix sociale.
Quant à l'attribution de logements sociaux sur le contingent à des personnes du clan Meziani, Mélanie Boulanger nie en bloc et assure n'avoir jamais "fait remonter un dossier sur le haut de la pile".
Pendant de longues heures, l'élue n'aura eu de cesse de clamer son innocence, dénonçant au passage une instruction à charge qui "se base sur des sentiments".
Le procès doit se poursuivre jusqu'au mardi 25 juin. Le jugement sera ensuite mis en délibéré à la semaine suivant.
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