Licenciement, incapacité de travail, reconversion… Nombreuses sont les causes qui entraînent de se retrouver sans emploi. Et pour en obtenir un nouveau, il faut parfois batailler. Pour une jeune personne, on dit souvent qu'elle n'a pas assez d'expérience. A l'inverse, un sénior en a trop. Mais d'ailleurs, qu'est-ce que c'est un sénior ? Aucune définition officielle du terme n'existe. Dans le Code du travail, il est simplement précisé qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison de son âge. Pour l'Insee, les séniors correspondent à la tranche d'âge 55-64 ans. Mais au niveau des dispositifs qui s'adressent aux séniors, certains débutent à des âges différents. Ainsi, le CDD sénior est ouvert aux salariés de plus de 57 ans. A l'inverse, l'aide de l'Etat pour l'embauche d'un sénior en contrat de professionnalisation est accessible dès 45 ans. Cet âge est d'ailleurs celui qui est principalement utilisé dans le monde du travail pour définir un sénior. C'est souvent le milieu de carrière, le point de bascule vers la seconde moitié de la vie professionnelle du salarié.
"Une entreprise a besoin de séniors"
Dans l'Orne, 5 171 demandeurs d'emploi en catégories A, B et C ont plus de 50 ans, soit près de 28% du nombre total de demandeurs d'emploi dans le département. Plusieurs possibilités existent pour se réinsérer : les déjà cités CDD sénior et contrats de professionnalisation adulte, mais également les chantiers et entreprises d'insertion et les formations de remise à niveau. D'autres ateliers sont réservés aux séniors pour reprendre une confiance en soi et apprendre à mettre en avant ses compétences dans un CV ou en entretien. "Une entreprise, en général, a besoin de séniors parce que si tout le monde arrive et part en même temps, c'est compliqué", souligne Patricia Pomarede, directrice territoriale déléguée France Travail (ex-Pôle emploi) de l'Orne. "Un sénior peut former un salarié plus jeune, ce qui permet qu'au moment où lui partira en retraite, il n'y aura pas de trous. Ce sont des points forts à valoriser", explique-t-elle.
Retrouver un emploi se complexifie au fil des années, notamment pour les séniors en fin de parcours. "Ces personnes ne vont pas rester longtemps dans l'entreprise, dit Patricia Pomarede, illustrant la parole d'entreprises. Mais ce qu'on voit aujourd'hui, c'est que quand il y a des jeunes qui rentrent dans l'entreprise, en général, ils ne restent pas longtemps car ils ont envie de multiplier les expériences." La professionnelle estime ce temps entre cinq et sept ans, selon les secteurs. Ainsi, le demandeur d'emploi de 55 ans, classé en "fin de parcours", peut rester presque autant de temps qu'un salarié plus jeune. L'important, c'est de se dire que sa carrière professionnelle n'est pas finie à 50 ans, mais prend un tournant et ouvre un nouveau chapitre avec encore une dizaine d'années de travail. "C'est de se dire qu'on a engrangé des compétences, des expériences professionnelles et extraprofessionnelles qui peuvent être utiles à une entreprise. La première chose, c'est déjà d'en être conscient", conclut Patricia Pomarede.
"Quand on est motivé, on arrive à retrouver un travail"
Après un long arrêt maladie et la volonté de revenir travailler proche de chez elle, Sandrine Brosse a retrouvé un poste au lycée Napoléon de L'Aigle, en novembre 2023.
Sandrine Brosse travaille au lycée Napoléon de L'Aigle depuis fin novembre 2023. A 49 ans, elle occupe le poste de secrétaire assistante dans la gestion du matériel. "Je réceptionne les bons de livraison et je les intègre aux bons de commande pour arriver à la facturation", illustre-t-elle.
Retour en formation
Sandrine était comptable dans une association pendant 14 ans. Après un arrêt maladie de trois ans, elle a repris le travail à temps partiel thérapeutique. "Je travaillais loin de chez moi, à une heure de route, donc j'ai voulu me rapprocher", explique-t-elle. Son nouveau point de départ : Pôle emploi, aujourd'hui France Travail. L'établissement l'oriente vers une remise à niveau à travers une formation au Greta Portes normandes de L'Aigle. "Ça faisait 20-30 ans que je n'avais pas été à l'école. Le Greta est un bon tremplin pour se refaire la main, revoir des choses nouvelles ou qu'on a oubliées", témoigne-t-elle.
Finalement, un jour, elle voit passer une annonce d'un recrutement à Rugles, aux confins de l'Eure et de l'Orne où elle habite. Elle postule, mais le poste était pourvu. "On m'a tout de suite dit qu'il y avait des besoins sur L'Aigle, donc j'ai appelé, ils m'ont fait venir pour l'entretien et c'est comme ça que je suis arrivée ici. Donc j'ai eu un peu de chance", souligne-t-elle. "Quand on est motivé, on arrive à retrouver un travail. Après, il ne faut pas être exigeant", conclut Sandrine Brosse.
De "en formation" à formateur : il a accompagné des séniors pendant six mois
Laurent Quiclet a aidé une quinzaine de séniors à travers la formation Génération compétences, un an après en être sorti.
"Je suis formateur depuis moins d'un an", lance Laurent Quiclet. Le quinquagénaire possède certainement l'un des parcours les plus atypiques des formateurs de l'Irfa, à Alençon. Avant d'accompagner pendant six mois un groupe de 14 séniors, il était en formation au sein du dispositif expérimental Génération compétences, initié par la Région pour remobiliser les personnes de plus de 45 ans dans le cadre de la réinsertion professionnelle et sociale.
"Faire en sorte
qu'ils ne se sentent plus isolés"
"Pour moi c'était un choix. J'avais décidé de quitter un emploi parce que je ne me retrouvais pas dans ce que je faisais", explique l'ancien responsable d'une société dans la sécurité, basée dans une grande ville de France. Il revient à Alençon et cherche à rebondir. Pôle emploi, aujourd'hui France Travail, lui propose alors de participer à Génération compétences. "Vis-à-vis de mon cursus et des compétences que j'avais, il est sorti que j'avais une appétence pour être formateur", se souvient Laurent Quiclet. Un cursus en accéléré pour devenir formateur plus tard, et le revoilà avec un emploi, passant de l'autre côté de la formation à l'Irfa d'Alençon. Finalement, la boucle est bouclée en novembre 2023, lorsqu'il prend en charge le nouveau groupe Génération compétences : 14 séniors, de 47 à 61 ans, en rupture professionnelle et sociale. "Si on peut aller vers l'emploi ou la formation, c'est parfait. Mais ce qui est intéressant, c'est de faire en sorte que ces personnes ne se sentent plus isolées", explique le formateur.
"La formation m'a redonné confiance"
La formation, qui s'est terminée fin avril, n'est pas figée. Si certaines personnes trouvent un emploi, même temporaire, elles peuvent effectuer leur contrat en parallèle de la formation. C'est ce qu'a fait Christophe Gonin. L'ancien aide-comptable de 54 ans, licencié après une centralisation des postes à Rennes, a trouvé un emploi de deux jours par semaine. "Je me rends compte que je suis encore capable de séduire des sociétés qui recrutent, donc c'est rassurant", indique-t-il. "J'avais tendance à m'isoler et la formation m'a vraiment redonné confiance en moi", juge Christophe Gonin. Son contrat court jusqu'en septembre. S'il ne trouve pas d'emploi à temps plein d'ici là, il intégrera une formation pour acquérir des compétences supérieures en comptabilité.
Quant à la formation Génération compétences, c'était la dernière en Normandie - si la Région ne décide pas de la relancer - après onze expérimentations, dont quatre à Alençon. Les séniors peuvent intégrer la formation pour adultes "#Avenir" de l'Irfa, qui mixe tous les âges.
"La plupart des personnes de plus de 50 ans subissent des stéréotypes"
Patricia Pomarede, directrice territoriale déléguée France Travail de l'Orne, répond à trois questions sur les personnes considérées comme séniors dans l'emploi.
A quel âge est-on considéré
comme sénior dans le travail ?
"Ça va dépendre selon les secteurs d'activité, parfois c'est 45, parfois c'est 50. Par exemple dans la communication, tout change tellement vite avec la technologie que la personne risque d'être rapidement dépassée. Donc, il y a une frontière mobile. Généralement on dit 45, mais nous par exemple, nos statistiques sont basées sur les 50 ans et plus."
Est-ce plus dur de retrouver
un travail en tant que sénior ?
"Oui, c'est plus dur pour une raison assez simple : c'est le regard de l'entreprise qui souvent craint que ce soit une personne qui demande un salaire plus élevé, qui ne reste pas longtemps, qui risque d'être malade… La plupart des personnes de plus de 50 ans subissent ces stéréotypes."
Comment casse-t-on
ces stéréotypes ?
"France Travail propose des ateliers aux séniors demandeurs d'emploi. C'est important d'avoir une préparation pour qu'ils se présentent le mieux possible et qu'ils montrent un vrai dynamisme, pour que les entreprises soient rassurées et les recrutent. On va aussi travailler avec des entreprises et les réseaux professionnels pour montrer que des séniors peuvent leur apporter plein de possibilités, totalement s'investir et répondre aux difficultés de recrutement actuelles, en s'appuyant sur des témoignages de séniors qui ont retrouvé un emploi et des entreprises qui ont recruté des séniors et en sont satisfaites. C'est un travail à faire des deux côtés."
Réinsérer ou accompagner jusqu'à la retraite
Proche de la retraite, Chantal Bonnant a préféré travailler plutôt que d'attendre sa fin de carrière au chômage. Elle est salariée au sein du chantier d'insertion L'Atelier Aigle Insertion, à Saint-Sulpice-sur-Risle, qui embauche des personnes de tout âge afin qu'ils retrouvent un travail ou une vie sociale.
"J'ai bientôt 61 ans et je suis arrivée ici en novembre 2023", commence Chantal Bonnant. "Ici", c'est L'Atelier Aigle Insertion, installé sur le site industriel de la Manufacture Bohin, à Saint-Sulpice-sur-Risle.
L'association, agréée chantier d'insertion, développe des activités autour de la couture et de l'upcycling, qui consiste à transformer des tissus de vêtement neuf ou abîmé soit en un autre vêtement, soit en un accessoire. Elle embauche des personnes de tout âge en insertion afin qu'elles retrouvent un travail ou une vie sociale. C'est le cas de Chantal Bonnant. Des problèmes de santé l'ont obligée à arrêter son dernier emploi, dans la restauration. "J'ai eu une longue période d'arrêt maladie de sept ans et j'ai été un peu au chômage, pendant un an et demi", explique la sexagénaire, qui est à près d'un an de la retraite. "J'ai envie de travailler parce que c'est long de rester chez soi. Même si chez moi j'arrive toujours à faire quelque chose, ça me permet de sortir, voir du monde et faire ce que j'aime", lance-t-elle. Chantal Bonnant voulait faire de sa passion pour la couture son métier. "La vie a voulu que je fasse d'autres métiers. J'ai été famille d'accueil de personnes âgées, j'ai travaillé en usine et le dernier emploi avant cela, c'était en restauration, dans un centre équestre. Divers métiers, mais quand on veut travailler, on prend ce qu'on a", dit-elle.
"D'un point de vue carrière,
on ne pense pas à la même chose à 50 ans que quand on en a 20"
Le chantier d'insertion accompagne donc Chantal Bonnant jusqu'à sa retraite. "On travaille d'abord à lever les freins à l'accès au droit administratif, on organise une rencontre avec l'assurance retraite, on aide à monter les dossiers", énumère Marilène Dheygers, la directrice de L'Atelier Aigle Insertion. L'accompagnement est adapté au parcours de chaque personne. "On ne pense pas, d'un point de vue carrière, à la même chose à 50 ans que quand on en a 20", souligne la professionnelle. "Et très souvent, pour les personnes plus âgées, il y a une recherche de lien social et de partage. Je pense que c'est très valorisant pour ces personnes de quitter le monde du travail en ayant apporté quelque chose à notre structure, à des collègues et à elles-mêmes", ajoute la directrice. Pour des séniors plus loin de la retraite et les plus jeunes, "on va accompagner sur une reconversion professionnelle", explique Marilène Dheygers. Les neuf salariés, âgés de 20 à 66 ans, en contrat à durée déterminée d'insertion (CDDI) de deux ans maximum, peuvent travailler sur des champs de compétence de logistique, d'e-commerce, de broderie, de couture et de découpe. "Toutes ces compétences sont transférables dans les métiers qui recrutent, notamment dans l'industrie", indique la directrice.
France Travail, les Missions locales, les assistantes sociales ou des associations caritatives orientent des personnes en insertion vers l'atelier. Elles peuvent reprendre une activité à leur rythme grâce à des contrats de 26 à 35 heures. Aucune compétence préalable n'est nécessaire. "Il faut avoir envie de commencer à découvrir le métier de la couture, de partager et de travailler en équipe", conclut la directrice.
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