En ce moment

Le Havre. Issus des quartiers, ils deviennent boss… et réussissent

Economie. Elles s'appellent Positiv, Les Déterminés, GoW… Depuis dix ans, au Havre, différentes associations ont permis de booster la création d'entreprise dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville.

Le Havre. Issus des quartiers, ils deviennent boss… et réussissent
Positiv, l'un des acteurs de l'entrepreneuriat dans les quartiers populaires, a célébré en mars ses dix ans.

Son gâteau d'anniversaire ne comportait que deux bougies, en mars dernier, à l'Atrium. Pourtant, ce sont plus de 600 entreprises qu'aura contribué à faire naître Positiv, depuis 2014, au Havre et ses alentours. "Leur réussite, c'est un peu la nôtre", reconnaît modestement Redha Boudjema, directeur de l'antenne normande de l'association, présidée par l'économiste Jacques Attali. Dix ans après la création de ce qui s'appelait alors Planet Adam, devenir son propre patron est devenu plus naturel, y compris pour les habitants des quartiers prioritaires, cœur de cible de Positiv.

Passer un cap

"A l'époque, France Travail (ex-Pôle emploi) n'aurait jamais demandé à un demandeur d'emploi s'il envisage d'entreprendre", poursuit Redha Boudjema. "Tout ce que les quartiers comptent comme clichés existe aussi dans l'entrepreneuriat. Mais les frontières sont en train de fondre. Grâce aux success stories de certains, à leur persévérance, le regard sur ces habitants change", estime le Havrais, volontiers militant. La réussite de certains porteurs de projet, à l'image de Mohamed Zeghoudi (lire ci-dessous) ou d'IPS 76, qui emploie désormais une vingtaine de personnes en insertion, a contribué à lever certains freins. "Même les banques ont évolué et accompagnent des gens qu'elles n'auraient pas regardés dans les yeux auparavant. C'est aussi lié au fait que le parcours des entrepreneurs soit mieux structuré. Les organismes comme le nôtre apportent une sorte de caution morale."

Positiv, Les Déterminés, France Active, l'Adie, Réseau Entreprendre… Les acteurs qui entourent les futurs patrons sont nombreux. Pour harmoniser les pratiques, identifier les complémentarités, la Banque publique d'investissement (BPI) a récemment impulsé la création de CapCrea, "le top 27 des réseaux d'accompagnement", résume Redha Boudjema. De quoi, peut-être, contribuer à résoudre les problématiques qui persistent. "Il faut travailler plus en amont, aller au plus près des habitants pour qu'ils accèdent davantage à l'information… Et, en aval, que l'on continue à suivre les créateurs, pour les aider à concrétiser des levées de fonds, par exemple", estime Samy Bouguern, des Déterminés. Cette association, présente dans vingt villes, accompagne des porteurs de projet de façon intensive, pendant six mois. Au Havre, la seconde promo volera de ses propres ailes dès la fin mai. La troisième débutera en septembre. "Nous recevons en moyenne une centaine de candidatures et sélectionnons quinze à vingt profils par promo." Un travail complémentaire à celui de Positiv, qui accompagne à l'année des entrepreneurs, dont certains profils très atypiques, "qui ne souhaitent pas rentrer dans des cases, veulent rester indépendants, ce qui coïncide bien avec la création d'entreprise", note Redha Boudjema. Pour lui, l'un des défis est aussi de permettre à ces néo patrons de passer des caps. Car beaucoup restent autoentrepreneurs. "La question, c'est comment on les fait changer de taille, pénétrer certains réseaux professionnels, répondre à des appels d'offres, toucher de grands donneurs d'ordre…" D'où un travail, là aussi, en post-création.

Paroles d'entrepreneurs : "Il faut essayer, prendre des risques"

Le Havre. Paroles d'entrepreneurs : "Il faut essayer, prendre des risques"
Nadia et Nordine Bouchikri se sont lancés en 2016, pour transporter des personnes âgées, malades ou handicapées. - Halt 76

Ils ont été accompagnés par Positiv et sont devenus patrons. Ces entrepreneurs havrais encouragent d'autres à se lancer.

Karim Boukraa, 
Neurosis et Ifescop (2018)

"Après une carrière de footballeur, j'ai créé une première société dont j'ai dû déposer le bilan. Grâce à Positiv, j'ai pu calibrer ce pour quoi j'étais fait, cela m'a permis de rebondir. Je suis devenu préparateur mental en neurosciences. Il y a beaucoup de doutes avant de se lancer, tellement de paramètres à gérer. C'est d'ailleurs l'une des erreurs que j'ai faites, au début. On ne peut pas être comptable, commercial, etc. Il faut apprendre à déléguer. C'est une erreur que je ne fais plus aujourd'hui ! Positiv permet d'échanger sur nos expériences. Aujourd'hui, avec mon épouse Laurence, qui s'est lancée en tant que formatrice et coach, on propose parfois des accompagnements à titre gratuit à d'autres Positiveurs. Pour nous, c'est juste naturel."

Maïmouna Keita, 
Au spa de bébé (2022)

"J'ai créé mon centre de bien-être pour les bébés à 24 ans, après le Covid, alors que je venais d'accoucher… Les idées fusaient, mais j'avais du mal à tout mettre en place. Avec l'accompagnement, j'ai pu faire un business plan, partir avec une base solide. En deux ans, j'ai reçu plus de mille familles, collaboré avec d'autres professionnelles et avec le Centre communal d'action sociale, pour recevoir des familles en difficulté. Je ne voulais pas avoir de regrets, c'est ce qui m'a fait aller au bout de mon idée. Dans le pire des cas, cela se serait soldé par un échec, mais au moins j'aurais essayé. Aujourd'hui, je suis complètement épanouie dans mon métier, ce que je n'aurais jamais imaginé il y a trois ou quatre ans. J'espère évoluer, peut-être avoir des collaboratrices un jour."

Nadia et Nordine Bouchikri, 
Halt 76 (2016)

"L'idée de proposer le transport de personnes à mobilité réduite est venue car Nadia s'occupait de sa grand-mère de 88 ans. Elle voulait travailler, tout en étant libre d'organiser sa vie personnelle. Positiv nous a permis d'affiner notre idée, de faire une étude de marché… Sans eux, on ne serait pas là. Nous sommes maintenant quatre à travailler pour Halt, et on ne compte pas s'arrêter là ! Avoir créé de l'emploi, c'est une très grande fierté. Un des salariés a été embauché à 18 ans. Depuis, il s'est marié, il a acheté une maison, nous avons vu sa fille naître… Cela n'a pas de prix. Il faut essayer, prendre des risques. Votre projet ne sera jamais parfaitement abouti, mais il faut se lancer. A travers cette entreprise, c'est aussi un message que nous portons : voilà ce que les gens des quartiers sont capables de faire ! C'est important de le rappeler."

Mohamed Zeghoudi, Talent des Cités :  "Dix ans plus tard, je suis toujours là"

Le Havre. Mohamed Zeghoudi, Talent des Cités :  "Dix ans plus tard, je suis toujours là"
Mohamed Zeghoudi a lancé la société Crewlines il y a dix ans. Désormais installé sur Paris, il noue des partenariats avec des microentrepreneurs du Havre.

Le fondateur de Crewlines est un exemple de réussite.

Il faisait la une des journaux il y a dix ans. Mohamed Zeghoudi venait alors de remporter le concours national Talent des Cités 2014, après avoir créé Crewlines, une société spécialisée dans l'assistance des armateurs et compagnies maritimes (visa, transfert vers les aéroports, réservation d'hôtel…).

Un million d'euros de chiffre d'affaires

"Quand je me suis lancé, je savais que ce serait difficile, parce que je m'appelais Mohamed, que je n'avais pas le bac, que je venais d'un quartier, se remémore cet autodidacte. J'ai investi toutes mes économies et le gain du concours dans l'achat d'un premier véhicule. De 20 000€ en 2014, mon chiffre d'affaires est passé aujourd'hui à un million d'euros." Désormais basée à Paris, Crewlines s'est développée en Europe et à Dubaï, mais le Havrais garde un œil sur sa ville. "Je fais travailler des chauffeurs indépendants du Havre. Mon projet est aussi social, j'ai aidé des jeunes à se réinsérer." Il finance l'association Amie, qui travaille à l'insertion à travers la culture, l'alphabétisation. "C'était un challenge. Dix ans plus tard, je suis toujours là", sourit le Havrais, selon qui la période actuelle est bien plus favorable à la création d'entreprises. "Avec les réseaux sociaux, l'aspect marketing est simplifié. Il n'est plus nécessaire d'avoir un magasin physique pour se lancer, avec l'e-commerce, la vente à emporter… Mais il faut s'y connaître un minimum en gestion commerciale et croire en son projet."

Une couveuse d'entreprises inédite

Le Havre. Une couveuse d'entreprises inédite
Claire Vépierre et Abou M'Bodji, tous les deux originaires du quartier de Caucriauville, animent GoW.

Co-working, couveuse d'entreprises, centre de formation… Game of Works, à Caucriauville, est un lieu incontournable pour les entrepreneurs.

Au centre commercial de Bruneval, au cœur du quartier de Caucriauville, au Havre, peu de commerces subsistent. Mais dans l'ancien supermarché de la place, les idées fusent. C'est ici qu'Abou M'Bodji a créé Game of Works (GoW), un espace collaboratif associatif dédié à l'accompagnement des entrepreneurs. Le lieu prend vie il y a dix ans, à la place de la supérette désaffectée. "A cette époque, le projet s'appelait LH SocialLab. Il a fallu casser les murs, créer une salle, puis une seconde…", relate le fondateur, lauréat en 2016, avec Abdoulaye Barry Diogo, du prix Talent des Cités.

Dans les quartiers sud en 2025

Aujourd'hui, GoW se veut un tiers-lieu "melting-pot", où se mêle "une communauté d'entrepreneurs, motivée, bienveillante". On y trouve des salles à louer, un espace de coworking à tarif bas, "pour attirer les étudiants, les personnes au RSA". Une couveuse d'entreprises y a aussi vu le jour, en 2022. Un concept unique en Normandie. "Elle permet d'accueillir les porteurs de projet qui ont déjà défini les contours de leur entreprise, élaboré un business plan. Ils bénéficient du SIRET de GoW et peuvent ainsi tester leur idée sans risque, avec la possibilité de réorienter leur projet", détaille Abou M'Bodji. C'est cet aspect test qui différencie la couveuse des incubateurs, plutôt dédiés à un coaching intensif. Près de 120 personnes sont passées par ce dispositif, ces deux dernières années, par le biais d'un Contrat d'appui au projet d'entreprise (Cape) d'un an, renouvelable deux fois. "Nous ne communiquons pas spécialement auprès des habitants des Quartiers prioritaires de la politique de la Ville (QPV), mais c'est une cible naturelle", remarque Abou M'Bodji. Le caractère inédit du dispositif attire cependant tout type de public, comme des cadres en reconversion. "Le bouche à oreille fonctionne. Quand les gens poussent la porte de GoW, ils sont agréablement surpris."

Dernier axe de la politique de GoW : la formation, à travers un partenariat avec l'Ecole supérieure de l'entrepreneuriat. Un bachelor "Entrepreneur de la TPE" et un bachelor "e-commerce" permettent d'obtenir une certification professionnelle bac +3. Des formations plus courtes sont aussi proposées pour "donner des clés aux porteurs de projet sur le business modèle, la création de site web, l'élaboration d'un réseau, le marketing digital…", détaille Claire Vépierre, responsable formation et pédagogie au sein de GoW. L'association prévoit d'ouvrir un second espace dans les quartiers sud du Havre, en 2025, près du Hangar Zéro. "L'idée est de se rapprocher des campus et de toucher une population plus large."

En dix ans, Abou M'Bodji a vu évoluer l'entrepreneuriat. "On voit de plus en plus émerger de microprojets, destinés à être des compléments de revenus, dans la couture, la décoration, le marketing, le bien-être, la restauration…" Pour ceux qui souhaitent se lancer pour créer leur propre emploi, "il manque souvent un premier levier" : l'apport financier. Pour lever ce frein, le fondateur de Game of Works réfléchit à la création d'un prêt participatif. Une sorte de caisse commune où les futurs entrepreneurs pourraient piocher, pour oser se lancer.

Galerie photos

Newsletter

Restez informé ! Recevez des alertes pour être au courant de toutes les dernières actualités.
Réagir à cet article

L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.

En direct
Petites Annonces
Immobilier
Maison à vendre Carantilly
Maison à vendre Carantilly Carantilly (50570) 120 600€ Découvrir
Maison à rénover
Maison à rénover Saint-Pair-sur-Mer (50380) 402 800€ Découvrir
Maison à vendre Notre-Dame-de-Cenilly
Maison à vendre Notre-Dame-de-Cenilly Notre-Dame-de-Cenilly (50210) 179 880€ Découvrir
Maison à vendre Saint-Martin-de-Cenilly
Maison à vendre Saint-Martin-de-Cenilly Saint-Martin-de-Cenilly (50210) 196 520€ Découvrir
Automobile
VAN AMENAGE toit relevable
VAN AMENAGE toit relevable La Remuée (76430) 42 000€ Découvrir
Grand C4 Spacetourer Blue HDi
Grand C4 Spacetourer Blue HDi Caumont-sur-Aure (14240) 16 500€ Découvrir
VOLKSWAGEN TRANSPORTER VAN AMENAGE VOLKSWAGEN T6 L1H1  Van
VOLKSWAGEN TRANSPORTER VAN AMENAGE VOLKSWAGEN T6 L1H1 Van Mont-de-Marsan (40000) 17 890€ Découvrir
CARAVANE CARAVELAIR BRASILIA 450
CARAVANE CARAVELAIR BRASILIA 450 Villeneuve-d'Ascq (59491) 2 800€ Découvrir
Bonnes affaires
Leica Q2 19051 à l'état neuf
Leica Q2 19051 à l'état neuf Lyon (69001) 2 900€ Découvrir
Razer Blade 17 Ordinateur Portable de jeu (PC GAMER+Casque+Souris) Neuf
Razer Blade 17 Ordinateur Portable de jeu (PC GAMER+Casque+Souris) Neuf Lyon (69001) 1 900€ Découvrir
Sonos Arc Set+3x ones+sub gen 3 (Neuf)
Sonos Arc Set+3x ones+sub gen 3 (Neuf) Lyon (69001) 1 900€ Découvrir
grand meuble etagères
grand meuble etagères Bacilly (50530) 70€ Découvrir
L'application mobile de Tendance Ouest
Inscrivez vous à la newsletter
Les pronostics avec Tendance Ouest
L'emploi avec Tendance Ouest
L'agenda des sorties de Tendance Ouest
Les concerts avec Tendance Ouest
Le Havre. Issus des quartiers, ils deviennent boss… et réussissent