Des signalements de violences dans le sport ont lieu tous les deux à trois jours dans le Calvados. En 2023, en France, 377 personnes ont été mises en cause sur 710 signalements reçus. Des chiffres effrayants. Face à ce fléau, l'Etat s'investit depuis 2019 avec la création d'une cellule de signalement des violences sexuelles dans le sport. Et le département est l'un des plus engagés dans ce combat.
Tous les sports concernés
Depuis 2021, 66 associations sportives du Calvados ont signé un manifeste de lutte contre les violences dans le sport, soit seulement 11% des structures sportives du département. "Nous sommes convaincus que le sport doit rester un espace sain de pratique", explique Adrien Vaudorne, membre du Football gaélique de Mondeville, signataire. Pourquoi sont-ils si peu ? "Ce qui freine les clubs, c'est l'image que cela renvoie de l'association. Sauf que s'engager dans la lutte contre les violences ne veut pas dire qu'il en existe dans notre structure. Et puis, beaucoup ne savent pas comment faire. Il faut accepter qu'un problème émerge", assure Nicolas Couderc, directeur de l'Entente Nautique Caennaise (ENC). Le témoignage de la patineuse Sarah Abitbol en 2020 avait aidé plus d'une victime à sortir du silence. Mais cela ne suffit pas. Marie Pelz, inspectrice jeunesse et sport, abonde : "On n'est qu'au début du travail. Il y a encore trop de structures qui ne se sentent pas concernées." Or, les violences touchent tous les sports, du twirling bâton au tennis en passant par le handball. Comportements déplacés d'éducateurs, harcèlement entre pratiquants, violences sexuelles… 95% des personnes mises en cause sont des hommes.
En 2023, l'ENC a été confrontée à trois cas de violences, dont l'une concernait une affaire de pédophilie et une autre de violences sexuelles. Avec ses 1 200 licenciés dont 800 mineurs, le club n'a pas attendu pour prendre ce sujet à bras-le-corps. "Au départ, c'est difficile de demander aux éducateurs d'en parler à des ados, admet-il. Mais en se formant, on a une boîte à outils." Le Stade Caennais (rugby) et le Caen Athletic Club (CAC) ont eux aussi été confrontés à un cas de harcèlement entre pratiquants et un cas de violence entre un bénévole et un athlète. Le CAC, très alerte sur le sujet, admet avoir renforcé son dispositif à la suite de cet épisode. "Le domaine le plus à risque est le numérique avec les réseaux sociaux. On concentre beaucoup d'attention là-dessus", explique le président Loïc Revert, qui envisage l'intervention d'une troupe de théâtre sur le sujet des violences dans le milieu sportif.
Des kits de sensibilisation ont été distribués aux clubs signataires du manifeste. Au club d'haltérophilie de Verson, les affichages avec le numéro d'urgence 119 sont placardés partout dans les locaux. Pour Louis Legrand, son président, la sensibilisation commence par là. "Cela permet d'avoir les bons réflexes", explique-t-il, tout en étant conscient que le sport est "un milieu très fermé". L'enjeu est de faire parler les victimes qui, dans 31% des cas, sont des mineurs de moins de 15 ans. "Il faut que la parole se libère !", explique Gérard Spir, du Stade Caennais. "Il ne faut pas attendre. C'est le jour même qu'il faut prévenir", poursuit Marie Pelz. D'où l'idée de nommer un référent à qui se confier dans chaque association sportive.
Ils disent "non" aux violences au sein de leur association sportive : témoignages
66 clubs sportifs du Calvados ont signé un manifeste d'engagement de lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans le sport. Quatre d'entre eux témoignent.
Adrien Vaudorne, secrétaire du Football gaélique de Mondeville :
Adrien Vaudorne est secrétaire du Football gaélique de Mondeville.
"On a modifié nos statuts et incorporé des éléments du manifeste dans notre règlement intérieur. On prévoit des initiations et de la prévention lors d'événements. On a envie de créer des journées spéciales de lutte contre les violences au sein de l'association. On envisage de se former nous-mêmes sur le sujet deux à trois fois par an afin d'identifier les signaux de violence pour mieux réagir."
Louis Legrand, président du club d'haltérophilie de Verson :
Louis Legrand est président du club d'haltérophilie de Verson.
"On affiche le numéro d'urgence partout dans le club. On fait aussi de la pub sur les réseaux sociaux. On envisage d'organiser un événement spécifique sur les violences dans le sport avec d'autres associations de Verson. Comme l'haltérophilie est un sport où l'on peut corriger la posture du sportif, l'éducateur doit demander la permission de le toucher. On est très vigilants pour éviter les dérives."
Nicolas Couderc, directeur de l'Entente Nautique Caennaise :
Nicolas Couderc est directeur de l'Entente Nautique Caennaise.
"Tous les éducateurs (18 personnes) sont formés grâce à l'association Colosse aux pieds d'argile. Nos nageurs mais aussi les parents suivent des journées de sensibilisation. On organise chaque année une semaine thématique sur nos réseaux sociaux. Nommer un référent sur les violences dans le sport, en l'occurrence moi-même, est primordial. Les adhérents ont besoin de repères."
Gérard Spir, référent de la thématique violence au Stade Caennais :
Gérard Spir est le référent de la thématique violence au Stade Caennais.
"Au-delà de l'affichage permanent, on responsabilise les éducateurs à ces violences. Les portes doivent être fermées pendant les douches, on interdit à un adulte d'entrer seul dans le vestiaire des mineurs. Ces règles ont été intégrées dans le règlement intérieur. Cela a nécessité un vote en assemblée générale. Les parents doivent aussi se sentir concernés."
La Ville d'Ifs, engagée contre les violences dans le sport
Falaise, Lisieux, Mondeville et désormais Ifs. Plusieurs Villes du département du Calvados sont engagées dans la lutte contre les violences dans le milieu sportif. Illustration à Ifs.
Depuis un an, un manifeste d'engagement pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde du sport peut désormais être signé par les collectivités territoriales. La commune d'Ifs est la dernière en date à l'avoir paraphé, vendredi 12 avril. "On veut s'assurer que nos jeunes sportifs se sentent bien dans leurs baskets", réagit Françoise Duparc, maire adjointe aux sports à Ifs. Interpellée en 2023 par une conférence organisée par Mélina Jolo, salariée de l'association Colosse aux pieds d'argile, l'élue a décidé de s'engager pleinement. "On ne peut plus passer à côté de ces violences", dit-elle.
Sur le terrain, les premiers engagements ont déjà été pris : des conférences, des soirées-débats, des formations auprès des éducateurs sportifs ainsi que des actions au sein des écoles et collèges vont voir le jour avec comme principal objectif de "libérer la parole". La ville d'Ifs compte 19 clubs et plus de 600 adhérents. Neuf associations sportives ont déjà suivi le pas de la collectivité en signant ce manifeste.
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