Imaginez un instant ce qu’un passage piéton sans abaissement de trottoir représente pour une personne en fauteuil roulant : un fossé, souvent infranchissable. En se promenant à Rouen avec des personnes à mobilité réduite, on redécouvre soudain le sol. Trottoirs trop étroits ou en dévers, trous, présence de poubelles ou de motos stationnées... Autant d’obstacles et de souffrances.
"Nous ne demandons pas plus que les autres ; juste la possibilité d’une vie autonome", prévient Bernadette Gautier, adhérente à l’Association des paralysés de France (APF), très active à Rouen sur les questions d’accessibilité. Selon elle, la capitale normande a pris du retard dans les années 1980-1990, au moment où d’autres villes, comme Nantes, Rennes ou Caen, mettaient les bouchées doubles. Rétrogradée cette année de la 27e à la 37e place du baromètre APF de l’accessibilité, Rouen ne fait pas figure de bonne élève.
Métro ou bus : le grand écart
Néanmoins, tout n’est pas noir. L’arrivée du nouveau métro, 100 % accessible, et la modernisation de la ligne 7, ont représenté autant de bonnes nouvelles sur le front, primordial, des transports en commun. "Tout cela va dans le positif", reconnaît Mme Gautier, qui rappelle toutefois que Nantes dispose d’un tramway 100 % accessible depuis... 1987, et que "le bus demeure pour les personnes à mobilité réduite le pire moyen de transport".
Teor et ligne 7 mis à part, voyager dans les bus de la TCAR, surtout sur les lignes "secondaires", est un casse-tête, voire un cauchemar pour les handicapés. "Nous ne sommes pas en capacité de rendre toutes les lignes accessibles", reconnait David Lamiray, vice-président de la Crea en charge des transports. Principale raison évoquée : la géographie de la ville. Mais la communauté d’agglomération croit savoir comment contourner le problème. Via son service TPMR à la demande, "harmonisé sur les 70 communes depuis le 1er septembre", rappelle David Lamiray. La flotte se compose de 6 minibus et d’une centaine de taxis, pour un peu plus de 800 usagers. "Insuffisant" toutefois, selon des adhérents de l’APF.
Les mentalités bougent... "mais c’est lent"
Du côté de la Ville de Rouen, un élu tente depuis des années de faire bouger les mentalités : Robert Foubert, maire-adjoint en charge des questions de handicap. "Dans les années 1990, ce n’était clairement pas un sujet prioritaire. J’ai dû attendre 2011 pour que l’hôtel de ville soit doté de l’ascenseur que je réclamais".
S’il reconnaît "qu’il y a encore beaucoup à faire", l’élu estime aussi "qu’il sera très difficile de rendre la ville, médiévale, agréable aux personnes à mobilité réduite". Cet ancien professeur auprès de jeunes handicapés préfère rappeler la progression constante du nombre de places de stationnement réservés (579) et le long travail mené pour sensibiliser les agents municipaux. Depuis 2008, certains d’entre eux ont ainsi suivi une formation en langue des signes et chaque service est désormais doté d’un interlocuteur handicap. Les mentalités bougent... "mais c’est lent".
Légende photo : Exemple criant du paradoxe de l’accessibilité : si l’intérieur de la Poste Saint-Sever a été entièrement refait selon les dernières normes en vigueur, il est impossible pour une personne en fauteuill roulant d’y accéder. “Depuis trois ans, l’ascenseur extérieur n’a jamais fonctionné”, remarque Bernadette Gautier.
Thomas Blachère
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