Rouen. Sur la trace des impressionnistes

Impossible de s'intéresser à l'histoire de l'impressionnisme sans s'intéresser à celle de Rouen. 150 après la naissance du mouvement, alors que le festival Normandie impressionniste débute, la ville attire toujours les touristes amateurs du genre. Et l'office de tourisme propose des visites thématisées. Balade avec Lisa Concato, guide-conférencière.

La série des Cathédrales

"Rouen, c'est proche de Paris, et tous les artistes de l'époque sont parisiens", commence Lisa Concato depuis la place de la cathédrale, évoquant aussi la ligne de chemin de fer Paris-Rouen, la Seine, qui va tant inspirer les impressionnistes, et cette météo changeante, d'un matin brumeux à un après-midi ensoleillé, idéale pour ce courant qui veut saisir la lumière. Mais si Monet vient à Rouen, c'est aussi pour des raisons familiales, pour voir son frère Léon, directeur d'une usine dans la vallée du Cailly. "C'est lui qui le présente à François Depeaux, l'armateur collectionneur d'art qui a acheté beaucoup de tableaux de Monet, dont une des cathédrales", précise la guide, visible actuellement au musée des Beaux-Arts. C'est en 1892 et 1893 que Claude Monet va passer deux séjours à Rouen pour réaliser sa série, d'abord depuis l'actuel immeuble Etam, puis depuis l'actuel office de tourisme, à l'époque un magasin de lingerie pour femmes. "Monet a dit qu'il voulait peindre l'air entre lui et la cathédrale, mais il était très mécontent de son travail." C'est ce qui ressort des correspondances avec son épouse. "Il en faisait des cauchemars la nuit et rêvait que la cathédrale lui tombait dessus." La série, achevée en 1894 chez lui, à Giverny, est pourtant aujourd'hui célèbre dans le monde entier.

Monet inspire Pissarro

C'est en voyant ces cathédrales que Pissarro veut revenir peindre à Rouen. Depuis son hôtel en bord de Seine, la suite de la visite, il peint sa série sur les ponts avec toute l'activité du port et les cheminées des industries de la rive gauche. Pissarro va aussi peindre la rue de l'Epicerie avec en fond la cathédrale, depuis l'actuelle place de la Haute Vieille Tour (photo). "Il était sûrement au niveau de la Fierte Saint-Romain de la Halle aux toiles", constate Lisa Concato, décrivant au passage comme cette place, détruite entre-temps, a changé.

L'école de Rouen

La balade par la rue de la République permet aussi d'évoquer l'hôtel qui hébergeait quelques impressionnistes, parfois en échange d'un portrait pour le propriétaire qui était amateur d'art. Pissarro va aussi beaucoup explorer le quartier des antiquaires, un peu plus haut, et celui de Saint-Maclou, sans pour autant jamais les peindre. D'autres s'en chargeront : les premiers peintres de l'école de Rouen, à la fin du XIX^e siècle. Parmi eux, Delattre ou Lemaître qui connaîtront un succès modéré. "Lemaître va peindre surtout des petits formats sur bois, des scènes de la vie quotidienne avec des monuments rouennais en fond destinés à la bourgeoisie locale", explique Lisa Concato. Saint-Maclou, puis la rue Saint-Romain, pour poursuivre la balade, seront aussi croqués, comme le Gros Horloge ou le palais de justice. Le mouvement est pourtant aujourd'hui assez déprécié. 150 ans après, c'est surtout Monet qui reste un phare pour l'impressionnisme à Rouen. "Les Japonais disent d'ailleurs, 'la cathédrale de Monet' pour parler du monument", conclut notre guide.