Chaque dimanche, c'est la même routine. Quand certains finissent leur nuit, d'autres se lèvent aux aurores pour installer leur stand sur le bassin Saint-Pierre. Poissonniers, maraîchers, éleveurs… Certains commerçants historiques du marché de Caen perpétuent des traditions de génération en génération pour en faire un rendez-vous incontournable dans la semaine des Caennais. Michel Desseroit est l'un des plus anciens. "Dernier survivant" comme producteur de légumes à Caen, il s'installe place Courtonne depuis 1975. "Je ne veux pas battre de records, plaisante-t-il. J'ai une bonne clientèle d'habitués. Certains m'appellent par mon prénom." Depuis près de cinquante ans, il s'installe à la même place, avec ses six mètres linéaires, tout comme Philippe Blancherie, primeur que l'on retrouve également sur le marché du vendredi place Saint-Sauveur. Son emplacement est réservé à l'année, depuis quarante ans. "J'ai travaillé avec mon père dès l'âge de 12 ans avant de reprendre l'affaire familiale."
Des affaires familiales qui traversent
des générations
C'est la course contre la montre pour déballer fruits et légumes pour les premiers lève-tôt. Et parfois, il y a de quoi sourire dès les premières heures de la matinée, comme l'explique Christelle Legonin, fleuriste depuis trois générations. "On reconnaît vite les gens qui sortent de boîte de nuit", s'amuse celle qui a également connu le passage du franc à l'euro sur les marchés, en 2002. Sébastien Brocq, poissonnier ambulant depuis trois générations, bat des records de longévité. "J'ai commencé mes premiers marchés avec mes parents à l'âge de 7 ans, quand je n'avais pas école le mercredi et les week-ends, explique-t-il. C'est de la passion. Pour faire ça, il faut aimer les marchés, être dehors et être en contact avec les gens." Aimer discuter et parfois créer des liens forts avec la clientèle sont des qualités nécessaires au métier de commerçant ambulant. "J'ai créé des amitiés avec des clients qui reviennent tous les dimanches, explique Christelle. Je sais presque ce qu'il faut leur préparer comme bouquet de fleurs." Certains commerçants deviennent même des confidents. "Les clients nous racontent leur vie ou leur malheur parfois", sourit Michel. Le marché du dimanche se distingue par son atmosphère unique. Les clients viennent aussi bien faire leurs courses que flâner en famille. "C'est un marché de grande valeur, qui fait voyager à travers le monde, souligne Sébastien Brocq. L'ambiance est exceptionnelle. Il y a un mélange culturel que l'on ne retrouve pas ailleurs."
En se baladant entre les allées, les visiteurs en prennent plein les narines, entre les poulets rôtis à la broche et les grandes poêlées de paëlla. Les historiques commerçants ont aussi vécu l'évolution du marché dominical de plein fouet. "Il y a beaucoup plus de food-trucks et de stands où tout est prêt à manger. Il y a aussi beaucoup plus de cuisine du monde depuis la crise de la Covid-19", décrit Philippe Blancherie. "C'est un théâtre à ciel ouvert. Le dimanche est une grande famille !" ajoute Christelle, qui constate par ailleurs un retour en arrière des jeunes vers le marché. Ce n'est pas sans déplaire à Michel, qui se bat pour un commerce de proximité. "Les jeunes m'achètent des légumes et ont de nouveau envie de faire de la cuisine !", plaisante-t-il. En espérant qu'eux aussi continuent de garder foi en leur passion. Comme dirait un certain proverbe, l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt.
Pour les petits nouveaux, "on se met où il y a de la place"
En période estivale, environ 150 commerçants "passagers" sont présents sur le marché du dimanche matin à Caen. Il faut parfois faire des compromis pour trouver sa place.
A côté des commerçants titulaires, il y a les "passagers", ceux n'ayant pas de place fixe. Alors, chaque dimanche à 7h45 pétantes, ils sont orientés par les placiers. "On se met où il y a de la place, rétorque Philippe Boquet, en train de préparer ses frites dans La Roulotte du traiteur. Je suis sur une petite place que personne ne voulait car il y a un lampadaire." Les commerçants de passage sont placés à l'ancienneté et l'assiduité. Avant d'espérer obtenir une place de titulaire, il faut être présent douze semaines de suite, avant de passer en commission. "On fait aussi attention à l'activité de chacun pour ne pas mettre deux marchands de tapis l'un à côté de l'autre", explique Claudine Roisnet, chef des placiers.
Cette formule n'est pas très stable, admet Manon Thomines-Mora, de la boulangerie bio Graines de copain. "C'est important d'être au même endroit pour que les clients se repèrent." Alors, pour faire sa place sur le marché sur lequel elle est installée depuis janvier, elle assure qu'il faut "attirer leur regard avec un sourire, une dégustation ou une discussion".
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