Voilà trois mois que les bâtiments de la maison d'arrêt de Caen sont déserts. Depuis le transfert de plus de 300 détenus dans la nuit de samedi 2 à dimanche 3 décembre 2023 au centre pénitentiaire situé à Ifs, au sud de Caen, plus un bruit ne résonne sur site. Ou presque. Des petites mains s'activent pour nettoyer et désinstaller le matériel de l'ancienne prison. Que va devenir ce bâtiment construit au début du XXe siècle ? Propriété de l'Etat, cet édifice de 8 000m2 n'a pas vocation à être détruit, ni à servir de site pénitentiaire. "Il reste la propriété du ministère de la Justice jusqu'à ce qu'il soit remis au service des Domaines (la direction de l'immobilier de l'Etat) à l'automne", précise l'administration pénitentiaire du Grand Ouest. Depuis 2018, les associations Les Coutures et Vent d'Ouest se réunissent chaque mois pour mener une réflexion sur le devenir du site.
Crèche, logements, espaces culturels...
Le collectif est composé d'une quinzaine de personnes dont des riverains, une architecte, une juriste et une ancienne avocate. Leur objectif ? "Faire en sorte que les bâtiments ne soient pas détruits", souligne Anne-Sarah Moalic, membre de l'association Vent d'Ouest. Entouré par la rue des Coutures, la rue Monseigneur Adam et la rue Bernard Palissy, l'établissement pénitentiaire est pleinement intégré dans le paysage urbain depuis plus d'un siècle. "Tout le quartier s'est construit autour de ce bâtiment. On ne voit pas comment on pourrait vivre sans la prison", confie Michèle Guichard, membre du collectif. "Un peu perturbés" par ce silence, les habitants espèrent retrouver de la vie sur site. "On est attachés à l'architecture du bâtiment, souligne Colette Le Balch, installée depuis 35 ans juste à côté de la prison. Le bâti est de bonne qualité. Des coursives ont des planchers en chêne." Reste à savoir quoi faire des 300 cellules des détenus, qui, elles, sont insalubres. Une crèche ? Une résidence pour personnes âgées ? Un restaurant ? Une bibliothèque ? Les idées fourmillent. Les riverains s'appuient sur d'autres exemples de restructurations en France. La prison de Guingamp (Côtes d'Armor) par exemple, a été transformée en 2019 en un site dédié à l'art et la culture. A Lyon, la prison Saint-Paul, fermée en 2009, a été réinvestie par l'Université catholique. Parmi les pistes les plus sérieuses, le collectif pense à des chambres d'étudiants, des logements intergénérationnels ou encore de grandes écoles qui pourraient investir les lieux. Seul hic : "Cette prison est très large et les fenêtres n'éclairent que les cellules de chaque côté. Cela pose problème aux architectes." En attendant un projet définitif, le collectif imagine des projets d'occupation intermédiaires. "Pendant les années nécessaires de réhabilitation du bâtiment, des activités artistiques ou associations pourraient s'y installer", réagit Anne-Sarah Moalic. Cela éviterait de le laisser vacant, surtout qu'il est fait en pierre de Caen. C'est aussi une manière de préserver le patrimoine." Les riverains veulent avant tout continuer à vivre dans le calme et la sérénité, dans un quartier très prisé.
Pour l'heure, tout cela reste au stade d'hypothèses de riverains concernés par l'avenir de leur quartier. Sans avoir une idée du coût que la rénovation du bâtiment implique, la priorité sera déjà de séduire les pouvoirs publics. Fin mars, le collectif va se réunir pour la première fois avec le service urbanisme de la Ville de Caen. Ils espèrent pouvoir y voir plus clair dès le début de l'année 2025.
Fusillés du 6 juin 1944 : se souvenir et transmettre
Le 6 juin 1944, 84 personnes ont été fusillées par les Allemands à la maison d'arrêt. Les riverains souhaitent aussi conserver cette mémoire.
Au-delà de sa fonction carcérale, la maison d'arrêt a été marquée par des événements tragiques. Le 6 juin 1944, jour du Débarquement allié, 87 personnes ont été fusillées par les Allemands. A défaut de tombes, une plaque commémorative leur rend hommage sur le mur d'entrée de la prison. "Les corps n'ont jamais été retrouvés", précise Michèle Guichard, qui habite près de la prison depuis 27 ans.
Chaque matin du 6 juin, les noms des victimes sont salués lors d'une cérémonie. En 2019, Emmanuel Macron était venu à la rencontre des familles. Les riverains souhaitent la conservation de cette mémoire, quel que soit l'avenir du site. "Il faudrait au moins que le nom des victimes soit gravé", continue Colette Le Balch, une voisine. L'idée d'un musée fait son chemin, notamment du côté d'Anne-Sophie Moalic, de l'association Vent d'Ouest : "Les courettes où ont lieu les exécutions pourraient être ouvertes au public, pour faire comprendre ce qu'il s'est passé ici. Qui le sait aujourd'hui ?", questionne-t-elle.
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C'est un lieu sinistre, emprunt de souffrance et de misère humaine. Il faudrait la raser et construire un parc à la place