Le couperet est tombé, jeudi 29 février. L'unique offre de reprise concernant la société Luval et ses boulangeries normandes a été rejetée par le tribunal de commerce de Rouen. La société est donc liquidée, les boutiques ferment et 92 personnes sont licenciées.
Le dirigeant des boulangeries Luval, Fabrice Antoncic, revient sur cette longue et douloureuse procédure.
Quel est votre sentiment aujourd'hui à la fin de l'aventure ?
"Forcément, c'est une grosse déception et une douleur immense. L'offre de Dominique Delamare a été refusée ce matin, c'est quelque chose de terrible pour moi, terrible pour les équipes qui portaient ce projet et en étaient fières. C'est aussi terrible pour toutes les personnes qui m'ont soutenu dans cette période : ma famille, mes amis, mes partenaires, mes fournisseurs, qui ont aussi été choqués par ce qu'ils ont pu entendre ces derniers temps."
Vous ne comprenez par la décision du tribunal ?
"C'est difficile pour moi. Je prends ma part de responsabilité sur les difficultés qu'on a vécues. Mais on ne peut pas effacer les manifestations, le Covid, les travaux, l'Ukraine et l'inflation galopante… Ma société a connu les différentes activités, avec le pub rue du Gros Horloge, l'école de formation avec un CFA… Mais la société qui reprenait avait un fonctionnement plus simple, plus structuré, concentré sur une seule activité, celle de la boulangerie."
Vous étiez très impliqué dans cette offre de reprise et deviez garder la direction…
"Oui, bien sûr. Et on l'a fait en toute transparence, de manière honnête. L'offre était structurée et le projet différent, avec une activité, et pas quatre. Peut-être que dans l'esprit des personnes qui ont pris la décision, il y avait l'idée que c'était la même chose qu'avant. Mais ce n'est pas le cas. La réorganisation prévue n'a pas été clairement lisible."
Concrètement, demain, les boulangeries sont fermées et 92 salariés licenciés ?
"Oui, c'est ça. Vous imaginez bien ce qu'on a vécu comme enfer ! On nous a dit : vous saurez aujourd'hui, le 29 février, si vous continuez ou si vous arrêtez. On ne savait pas à trois heures près si c'était la fin d'une entreprise ou le démarrage d'une autre. Et on devait continuer l'organisation du quotidien avec les plannings, les fournisseurs, la marchandise… On a fabriqué des produits pour les prestations de demain, mais on doit tout arrêter aujourd'hui ! C'est très difficile à vivre. Je suis aussi resté silencieux pendant la procédure. Mais je vais faire le nécessaire contre ce que j'ai entendu de diffamatoire en justice."
Vous parlez des accusations de harcèlement de certains salariés dans la presse ou sur les réseaux sociaux… Vous allez donc entamer des démarches ?
"Bien sûr que je vais aller en justice. Ça a sali mon image, ma famille, mes amis, les équipes… Ça se réglera en justice. Les propos qui ont été tenus, comme 'management toxique'… Vous vous rendez compte ? Bien sûr que dans les entreprises, il y a des gens qui sont contents de travailler pour vous et d'autres non. On a eu des difficultés avec 14 mois de procédure. 90% des gens sont contents d'être passés dans mon entreprise. 10% revendiquent l'inverse. Et on n'a entendu que les 10%. Ça m'a fait du mal, ainsi qu'à mes équipes."
Après cet échec des boulangeries Luval, que feriez-vous autrement aujourd'hui ?
"Déjà, je ne ferais pas autant d'activités différentes, je ne me consacrerais qu'à l'activité boulangerie. Je ne ferais pas la partie CFA en faisant passer des CAP boulangerie pâtissier, je ne ferais pas du tout la partie restaurant Rollon rue du Gros Horloge. Ce projet a été l'élément déclencheur des difficultés depuis longtemps. Je serais aussi moins puriste en ne prenant que des produits locaux. Vous savez, le beurre normand est 3 ou 4 euros plus cher. J'ai voulu travailler le circuit court, mais certainement dans une période où on ne pouvait pas le faire, avec l'inflation. Voilà, si je recommençais, ce ne serait que la boulangerie-pâtisserie sandwicherie, et moins dans le local puisque ça n'a pas été récompensé."
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