Anne-Cécile Suzanne, agricultrice, vient de sortir "Les Sillons que l'on trace", son premier livre : "J'avais envie de raconter comment je vois l'agriculture. J'en profite pour dénoncer un certain nombre de freins auxquels j'ai été confrontée." A seulement 20 ans, encore étudiante, elle a repris la ferme du Perche jusqu'alors exploitée par son père, victime d'un cancer. Dans le même temps, elle a poursuivi ses études jusqu'à être diplômée de Sciences Po.
Une vie entre le Perche et Paris
Dix ans plus tard, Anne-Cécile vit toujours entre Paris, où elle est consultante la semaine, et le petit village de Mauves-sur-Huisne, où elle est agricultrice le week-end : "Depuis la mort de mon père j'ai une urgence de vivre, une frénésie d'action et je me suis dit que ça valait le coup de les raconter." A la lecture de son livre, beaucoup se sont identifiés à elle. "Ce que j'ai fait n'est pas si exceptionnel, estime-t-elle. Certes, ça n'a pas été facile tous les jours, mais la ferme va beaucoup mieux aujourd'hui." Mais Anne-Cécile reste partagée : "Je ne peux pas être à 100% sur ma ferme parce que j'ai envie de m'ouvrir aux débats d'idées et d'avoir un impact sur ce qui se décide à Paris… mais je ne peux pas être à 100% à Paris parce qu'au bout de trois jours, j'en ai marre et je veux retourner sur mon exploitation !"
Le chemin vers l'Elysée
Anne-Cécile Suzanne a toujours participé aux réflexions sur l'agriculture. Cela a débuté par une première tribune publiée dans Le Monde, puis une rencontre avec le porte-parole d'Alain Juppé. Il lui donne l'envie de s'impliquer dans la campagne présidentielle 2022 de Valérie Pécresse. Elle rédige le programme agricole de la candidate. "Valérie était brillante, sympathique", se souvient Anne-Cécile. Mais le résultat de l'élection ne fut pas à la hauteur des espérances (4,78% des voix).
Les marches du festival de Cannes
Si Anne-Cécile Suzanne a mis un pied en politique, elle est également passée devant la caméra. Edouard Bergeon, réalisateur du film "Au nom de la terre", qui raconte son histoire (il a perdu son père agriculteur, endetté et qui a dû être interné), a un jour installé ses caméras dans la ferme d'Anne-Cécile. Son documentaire "Femmes de la Terre" a été diffusé le 27 février dernier sur France 2. Les histoires d'Edouard et d'Anne-Cécile ont bien des points communs et, en 2021, le cinéaste a invité l'Ornaise au festival de Cannes. Gerbe de blé à la main, Anne-Cécile a gravi les marches du Palais des Festivals.
La crise agricole
Loin du strass et des paillettes de la Côte d'Azur, Anne-Cécile observe de très près la mobilisation des agriculteurs : "Ils sont autant mobilisés car cela fait 30 ans que l'on n'a pas repensé notre agriculture, mais elle a énormément changé ! Pour avoir une agriculture productiviste et respectueuse de l'environnement, il faut un business model, dire combien ça coûte, comment on finance, il manque une vision… Aujourd'hui, il n'y a que des mesurettes qui ne répondent à rien et qui ne marchent pas", s'emporte l'éleveuse. Elle décrit un mécanisme vicieux, où, au bout de la chaîne, des agriculteurs souffrent : "La grande distribution fait pression sur les industriels qui font pression sur les agriculteurs qui n'arrivent pas à être bien payés alors qu'il y a beaucoup de charges et qu'elles augmentent considérablement." Et de conclure : "On doit absolument repenser notre modèle agricole et alimentaire".
Ecoutez ici Anne-Cécile Suzanne:
"Les sillons que l'on trace", c'est la naissance de "La ferme de Suzy".
Le livre d'Anne-Cécile Suzanne raconte ses difficultés à reprendre la ferme familiale. C'est aussi un hommage à son père.
"Respect de la nature, des animaux et du terroir percheron" : ainsi se présente La ferme de Suzy sur son site Internet. Outre l'élevage de vaches blondes d'Aquitaine, la ferme d'Anne-Cécile Suzanne propose de la vente directe, des visites de la ferme, ainsi que deux gîtes.
Pourtant, elle le détaille dans son livre, si Anne-Cécile est fille d'agriculteur, elle était en école de commerce, en stage aux USA lorsqu'elle a dû rentrer précipitamment pour assurer le fonctionnement de la ferme, en raison du cancer de son père. A 20 ans elle a géré l'exploitation agricole et ses dettes, tout en poursuivant ses études jusqu'à être diplômée de Sciences Po.
Ce livre est un témoignage vibrant des difficultés du métier d'agriculteur, et a fortiori… de jeune agricultrice débutante.
"Les sillons que l'on trace" d'Anne-Cécile Suzanne, 20€ aux éditions Fayard.
Maternité : il faut faciliter la situation des femmes dans l'agriculture.
Elle a été enceinte en continuant de s'occuper de sa ferme, Anne-Cécile Suzanne veut mener un combat pour faciliter la maternité des agricultrices.
"La femme est l'avenir de l'agriculture - tout comme l'homme - mais un de mes combats est de faciliter l'accès des femmes à la direction d'exploitations, avec un point fondamental qui est l'accès à la maternité", explique Anne-Cécile Suzanne.
"L'agricultrice devrait pouvoir envisager sa maternité de façon sereine, mais aujourd'hui cela reste très difficile parce qu'il n'y a pas assez de personnes disponibles dans les services de remplacement pour suppléer les femmes qui doivent s'arrêter en raison de leur maternité. Sur mon exploitation, j'ai travaillé jusqu'au bout sans pouvoir être remplacée. J'ai dû prendre des risques pour mon bébé et pour moi." Anne-Cécile juge cette situation "insupportable. Ce sera l'un de mes combats à venir. Il faut que le système de protection sociale des agriculteurs évolue sur ce sujet-là car actuellement les agricultrices attendent d'avoir eu leurs enfants pour s'installer".
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