Dans l'Orne, selon l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), en décembre dernier, 6,1 % de la population active travaillait dans l'agriculture. Mais sur 100 exploitants, seulement 12 ont moins de 35 ans. 10 500 agriculteurs normands sont âgés de plus de 60 ans, et alors qu'un sur trois se prépare à partir à la retraite, seulement un peu plus d'un sur deux (58 %) devrait être remplacé. Parallèlement à ce vieillissement, l'agriculture fait face à des accélérations technologiques, numériques, environnementales, managériales. La modernisation des exploitations se poursuit, avec une nécessité de savoir capter, gérer, anticiper une multitude de données. Les entrepreneurs de demain doivent donc être mieux formés.
Une nouvelle génération
Mais les tracteurs stationnés sur les autoroutes de tout notre pays ont révélé la crise que traverse ce monde agricole, face à un surplus de paperasserie, avec des revenus qui ne justifient bien souvent pas l'engagement professionnel quotidien de bien des paysans. Dans ce contexte et alors que le 60e Salon international de l'agriculture vient de refermer ses portes à Paris, des jeunes et des moins jeunes, des hommes et des femmes, continuent de vibrer pour l'agriculture. Certains poursuivent leurs études en rêvant à leur installation. D'autres viennent récemment de s'installer. C'est à la rencontre de quelques-uns d'entre eux que Tendance Ouest vous emmène.
Des têtes bien pleines
Fabrice Rieu dirige la MFR-CFTA à La Ferté-Macé qui forme actuellement 145 élèves, apprentis, adultes en reconversion, aux métiers de l'agriculture. "Pour avoir un avenir en agriculture, il faut désormais maîtriser les bases techniques de l'agriculture, mais aussi la comptabilité, la gestion, ce que l'alternance permet d'acquérir. Le niveau BTS avec des stages en local et à l'international est un niveau minimum pour prétendre réussir son installation, sa gestion de projet, sa stratégie d'entreprise." A la MFR de La Ferté-Macé, l'insertion à l'issue d'un BTS-ACSE (Analyse et conduite des systèmes d'exploitation) se situe autour de 95 %. "Nos jeunes débutent souvent comme salariés durant deux ou trois ans après leur diplôme, avant de concrétiser des projets d'installation, de reprise d'études ou de reconversion. Celle-ci est facilitée par la polyvalence des matières étudiées durant les études qui mènent à ce BTS."
Etudes supérieures
"A tous les niveaux désormais de nos formations, on frôle les 100 % d'insertion professionnelle, souligne le directeur. L'agriculture est en train de se réinventer face aux contraintes climatiques, administratives, mais on aura toujours besoin d'agriculteurs pour assurer notre souveraineté alimentaire, mais aussi la préservation de notre environnement." Fin 2023, selon l'Insee, ceux qui se lancent dans le secteur agricole sont plus qualifiés que leurs aînés. 43 % des jeunes agriculteurs normands sont désormais diplômés de l'enseignement supérieur.
Ecoutez ici fabrice Rieu
"Des agriculteurs de plus en plus jeunes et qualifiés s'installent dans l'Orne"
En charge des installations au sein des Jeunes Agriculteurs de l'Orne, Maxime Vaugeois constate leur légère augmentation dans son département. Des professionnels de plus en plus jeunes et qualifiés s'installent.
Depuis le 1er janvier 2023, les aides à l'installation des jeunes agriculteurs ne sont plus arbitrées par l'Etat mais par la Région. "C'est un peu plus ambitieux pour permettre davantage d'installations", souligne Maxime Vaugeois. Cet agriculteur préside la commission "installation" des Jeunes Agriculteurs de l'Orne.
Quel bilan après ce changement ?
"L'ambition de doubler le nombre d'installations est grande. Dans l'Orne, on constate une légère augmentation de leur nombre. Mais on a toujours des exploitations qui ne trouvent pas de repreneurs parce que les moyens de production sont parfois un peu vétustes et les prix de vente un peu trop élevés. C'est aussi certains types de productions qui ne génèrent pas un revenu suffisamment attractif."
L'effet post-Covid a-t-il perduré ?
"Non, la plupart des projets d'installations en circuit court qui ont vu le jour à cette époque n'ont pas réellement trouvé leur public, ce qui a remis en cause leur pérennité économique. En 2023 dans l'Orne, on n'a plus ces installations de gens souvent en reconversion, parfois venus de la ville. On revient au profil classique des installations, tel qu'on le connaissait avant."
Aujourd'hui, qui s'installe ?
"Des jeunes, de plus en plus jeunes, la plupart du temps associés dans des structures dans lesquelles la pénurie de main-d'œuvre est omniprésente. Ces jeunes sont de plus en plus qualifiés, bien sûr capables de faire le travail basique de la ferme, mais ils ont fait des stages, ils sont capables de faire l'autocritique de leur projet agricole, d'analyser, de faire évoluer la structure dans laquelle ils deviennent associés."
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Elles ont 20 ans et rêvent de devenir agricultrices
Les professionnels de l'agriculture de demain sont encore sur les bancs de l'école. Rencontre avec trois futures cheffes d'exploitations agricoles à la MFR de La Ferté-Macé.
Lucile Jousselin, Justine Leroy et Elaura Blin ont 19 ou 20 ans, elles sont en BTS ACSE (analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole) à la Maison familiale et rurale (MFR) de La Ferté-Macé.
Si elles sont bien conscientes de l'actuelle crise agricole, elles ne se découragent pas pour autant. "Je ne suis pas surprise, ça fait longtemps que ça couve", explique Elaura, dont les parents sont agriculteurs. Lucile se souvient que quand elle avait 5 ans, ses parents, eux aussi agriculteurs, ont vécu une passe difficile. Mais Justine reste optimiste : "On y arrivera toujours." Lorsqu'elle se projette dans l'avenir, elle a les yeux qui brillent : "J'aime ça, l'agriculture, c'est ma passion." L'année prochaine, elle fera une Licence de comptabilité-gestion "puis je m'installerai dans trois ou quatre ans sur un élevage de vaches laitières". Le projet de Lucile est quasiment identique, mais pour l'instant, elle apprend : "La théorie, c'est bien pour les chiffres. Le chef d'entreprise doit tout gérer, savoir pourquoi il investit. Pour cela, le BTS est indispensable." Pour Justine, "si on n'aime pas la paperasse et les chiffres, il faut rester salarié".
A l'avenir, Elaura aimerait "reprendre l'élevage de chèvres laitières où je suis allée en stage en Suisse et en transformer le lait". Avec des parents qui ne sont pas agriculteurs et après un bac général et une licence à la fac, rien ne semblait l'y destiner, mais son frère lui a transmis le virus. Aujourd'hui, les trois jeunes femmes sont unanimes : "On ne se voit pas faire autre chose !"
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