En France, un tiers des agriculteurs vit sous le seuil de pauvreté selon l'INSEE. En 2023, on compte deux suicides par jour, un nombre 31 fois plus élevé que pour n'importe quelle autre profession. Au sein de cette population, le suicide est d'ailleurs la première cause de mortalité d'après Santé Publique France, derrière le cancer et les maladies cardiovasculaires. Selon la MSA, la filière la plus frappée par ces drames est de loin la filaire bovine, aussi bien pour le lait que pour la viande.
"On vit dans un monde où les incertitudes ont été décuplées. A chaque fois qu'on perd un agriculteur, on perd de la souveraineté alimentaire. Un agriculteur ne peut pas savoir à quel prix il vendra sa récolte, son lait, sa viande, dans six mois. Il ne sait pas non plus dire combien cela va lui coûter", explique Sébastien Windsor, président des Chambres d'agriculture de Normandie. "Les mannequins pendus que l'on voit dans les manifestations représentent notre quotidien", déplore Bernard Vossier, un arboriculteur de 61 ans qui jongle entre sécheresse, gel et intempéries.
"J'avais des larmes du matin au soir", confie Bertrand Bontemps
Le collectif Solidarité Paysans de Saint-Lô recueille la parole de ceux qui ont souffert de cette précarité. Emmanuel Lekerambrun, un père de famille de 46 ans, a repris la ferme de son père en 1996. Avec son frère, il est à la tête d'une exploitation laitière de 90 vaches sur un peu plus de 100 hectares dans la Manche. "En novembre 2012, je me suis rendu compte qu'on avait une paye de lait de 19 000€, et des factures de 120 000€. Avec nos emprunts et nos salaires, je me suis dit que ça n'allait pas le faire, explique-t-il avant de poursuivre. J'allais au boulot et je me disais 'A quoi ça sert de traire mes vaches ?' Le lait que je produis, je le produis à perte. Ça n'a plus aucun sens. Alors, oui, j'ai pensé à mettre fin à ma vie. Et c'est la photo de ma famille qui apparaît quand mon téléphone s'allume qui m'a sauvé."
Bertrand Bontemps, lui, installé en polycultures près de Bertreville, dans le Calvados, confie : "Je me levais à 4h du matin pour aller labourer pour prendre de l'avance. Je faisais un passage express à la maison pour voir mes filles et je repartais. Ma vie n'était plus remplie que par le boulot. J'étais étranglé économiquement. J'ai commencé à vraiment m'inquiéter quand, un jour, à table, je n'ai pas réussi à lâcher mon couteau et ma fourchette à cause de mes mains crispées. J'avais des larmes du matin au soir. J'étais en train de sombrer. J'étais en pleine perdition." Il a fallu à ce grand gaillard d'1,96m une hospitalisation en urgence dans une clinique spécialisée de Berck pour comprendre enfin son mal-être. Dans son unité, il y avait trois autres agriculteurs.
Une mobilisation massive pour endiguer ce fléau
Aujourd'hui, près de 230 agriculteurs sont suivis par le collectif Réagir dans le département de la Manche. Créée en 2018, l'association a pour objectif de soutenir les agriculteurs en difficulté. Cette cellule se réunit six fois par an sous l'égide de la préfecture. Des représentants de la MSA, des services de l'Etat, de l'association Solidarité paysans, des cabinets comptables échangent sur les différentes situations pour proposer à l'agriculteur des solutions, donner des conseils ou apporter un service.
En Normandie, quatre structures départementales sont dédiées à cet accompagnement : AgriCollectif (pour la Manche), Agri'Aide (Calvados), Agri'Aide (Orne) et Atex (qui couvre l'Eure et la Seine-Maritime). "Ce sont 17 collaborateurs à plein temps et une trentaine de conseillers pour accompagner les agriculteurs en difficulté", souligne Sébastien Windsor.
Pratique. Réagir AgriCollectif Manche : 02 33 06 49 63 ou reagir-50@normandie.chambagri.fr
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Faut pas bloquer Paris, en province on laisse faire, que la province demande son autonomie et laissons les parisiens bouffer les rats élevés par Hidalgo