Des Etats-Unis à l'Asie, "je suis un ouvrier, un humble peintre en bâtiment", se définit Arnaud Fouassier, avec modestie. CAP, baccalauréat professionnel, puis le monde du travail. Dans sa famille, depuis trois générations, tous sont peintres en bâtiment. Son grand-père a notamment posé du papier peint à la Maison blanche, à Washington. Pour parfaire sa formation, Arnaud a aussi fait un tour d'Europe. Désormais âgé de 45 ans, il est maître peintre européen, maître poseur de papier peint… mais pas vraiment le papier que l'on achète dans une grande surface : "Je me suis orienté vers le haut de gamme, du papier peint d'art, avec des thèmes, des styles à respecter, des harmonies de couleurs et de textures." Son maître de formation a été Emile Intandi, patron de la manufacture Zuber en Alsace, dont Arnaud est désormais poseur officiel.
"Le papier peint existe depuis le XIIIe siècle, il est arrivé d'Asie en suivant la route de la soie. En France, on en a fabriqué d'abord sous forme de feuilles, les dominos. Puis l'industrie a réussi, en 1797, à fabriquer le premier rouleau. Les papiers étaient imprimés par la technique de la planche, puis avec des cylindres, d'abord en bois puis en métal. Désormais, la technologie numérique permet de recréer ces papiers avec une haute précision", explique l'artisan en montrant un papier de 1684, à côté d'un autre de 1804 (scènes rurales) et un de 1890 (une rosière). Quelques manufactures spécialisées continuent de produire ces papiers en France.
"C'est comme acheter
une Rolls-Royce, en termes
de raison c'est démesuré"
Le papier peint s'est développé après la Révolution. La plupart des gens ne savaient pas lire et il devait raconter une histoire, leur montrer la découverte du monde avec des "panoramiques", des scènes aujourd'hui recréées comme à cette époque. Ce travail d'art a un coût, comme le motif "Vues des Amériques", composé de 32 lés de papier, facturé 148 000 € HT sans la pose. Des papiers sont créés par des artistes, facturés 12 000 € le lé décoré à la feuille d'or. "C'est comme quelqu'un qui s'achète une Rolls-Royce, c'est démesuré en termes de raison, mais ça dépend jusqu'à quel niveau le client veut se faire plaisir." A ce prix-là, l'artisan n'a pas le droit à l'erreur lors de la pose. Ce papier peint de luxe, parfois peint à la main, nécessite un travail d'équipe : recherche historique avec le musée du papier peint ou les archives nationales, fabrication… "Moi, je ne suis que le dernier maillon, la principale difficulté, c'est de bien préparer la surface sur laquelle poser le papier, l'analyser, ainsi que la texture du papier, déterminer la meilleure colle comme celle d'esturgeon, et ne pas hésiter à fignoler les raccords entre les lés, par exemple au jaune d'œuf."
Un espace de vente
à Alençon
Si vous demandez pourquoi son espace de vente est à Alençon et pas, par exemple, sur les Champs Elysées, Arnaud répond qu'il est bien ici, à la campagne, que cela correspond à son statut d'ouvrier. Il souligne aussi que s'il a des clients aux Emirats ou ailleurs dans le monde, il travaille aussi dans les manoirs de Normandie. Mais à la fin de cette interview, il reprenait son baluchon pour aller en Suisse, tapisser le chalet d'un émir du Qatar…
Un long chemin d'apprentissage pour atteindre l'excellence
Arnaud Fouassier est artisan. Mais il met aussi un point d'honneur à encourager les apprentis à s'orienter vers l'excellence.
"Le savoir-faire m'a été transmis par les anciens et j'ai le devoir de transmettre aux nouvelles générations, explique Arnaud. Je ne suis qu'un ouvrier, mais je travaille dans le monde entier, je suis libre, c'est ce qui fait ma richesse. Quand je rencontre des jeunes au BTP-CFA, je leur parle de collègue à collègue, mais ils savent que c'est un long chemin d'apprentissage, qu'il faut maîtriser l'anglais, être curieux, être passionné." En avril, Arnaud va leur apporter un "panoramique" de tapisserie qui fait la richesse du savoir-faire français. Il a acheté un bâtiment à Mortagne-au-Perche pour y ouvrir un centre de test du papier peint en conditions réelles. Ce sera aussi un lieu d'échanges pour les artisans d'art.
Pratique. Fouassier Aménagement, 6 rue Sainte-Thérèse à Alençon. Sur rendez-vous, devis payants.
Un chantier en Floride pour un client de renom
Arnaud Fouassier l'a appris à ses dépens : il faut se concentrer sur son métier, mais aussi sur ses clients.
Le savoir-faire français est reconnu dans le monde entier et "il y a du travail pour nos jeunes qui veulent se bouger", insiste Arnaud Fouassier. Et il sait de quoi il parle. Le jour où il a reçu un coup de fil d'un fabricant de papier peint, c'était un mercredi : "Tu es attendu samedi à 8 heures à Palm Beach, en Floride, pour poser du papyrus dans la chambre d'un client, un très riche et célèbre styliste."
Arnaud a assuré le chantier et il a même un peu rembarré un homme qui parlait un peu français et qui venait voir si tout se passait bien... sans s'être rendu compte qu'il s'agissait de son client, Tom Ford en personne, l'un des designers les plus célèbres au monde qui a travaillé pour des maisons comme Gucci ou Yves Saint Laurent. C'est aussi lui qui a créé les costumes de James Bond pour les films Quantum of Solace et pour Skyfall.
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