Près de 80 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le travail n'avait pas encore été vraiment entrepris. Celui de questionner les collections de nos musées nationaux, pour savoir si elles renferment potentiellement des œuvres qui ont été spoliées par les nazis entre 1933 et 1945. Environ 100 000 œuvres ont été ainsi spoliées, notamment lors de persécutions antisémites. Certaines pourraient avoir été acquises ensuite par des musées français, sans savoir qu'elles avaient été spoliées. A Rouen, le musée des Beaux-Arts a entamé dès 2022 un travail de recherche sur la provenance de ses collections, pour lever les doutes ou au contraire, restituer des œuvres qui pourraient avoir été confisquées à l'époque. "Nous sommes parmi les premiers à nous être engagés sur cette recherche de provenance de manière globale, pas seulement sur les œuvres dites 'MNR' [pour Musées Nationaux Récupération, ndlr], revenues d'Allemagne après la guerre et sur lesquelles pèsent des soupçons de spoliation par défaut", précise Robert Blaizeau, directeur des musées de la Métropole Rouen Normandie.
Femme au miroir de Renoir pourrait avoir été spoliée par les nazis.
Un Renoir et un Guillaumin spoliés ?
Trois chercheuses indépendantes se sont penchées sur la question. Elles ont identifié, sur 3 141 peintures, 38 œuvres qui méritaient des recherches approfondies. Parmi elles, cinq montrent des risques et deux présentent toutes les caractéristiques d'œuvres spoliées. Il s'agit de Madame Guillaumin cousant, d'Armand Guillaumin, et d'une toile de Pierre-Auguste Renoir, Femme au miroir. "Un legs a été fait par Charles Vaumousse en 1954, or il est un des marchands les plus impliqués dans les transactions de biens spoliés pendant la guerre", précise Hélène Ivanoff, chercheuse indépendante et historienne de l'art. C'est ce qui a éveillé les soupçons de l'équipe sur ce dernier tableau. Des travaux complémentaires doivent être menés avant de peut-être pouvoir faire des recherches généalogiques pour trouver les propriétaires légitimes de l'œuvre, comme cela va être le cas pour le tableau de Guillaumin.
Une nouvelle loi-cadre de juillet 2023 permet désormais de restituer les œuvres à ses propriétaires en cas de spoliation par les nazis, alors même que les collections des musées sont, en principe, inaliénables.
Ce tableau d'Armand Guillaumin "présente tous les signes d'une spoliation", selon l'équipe de recherche.
Poursuivre le travail
La Métropole a annoncé différentes mesures pour amplifier le mouvement. Elle entend notamment communiquer auprès du grand public, en diffusant de nouvelles notices pour les œuvres identifiées comme possiblement spoliées. Elles sont déjà en place sur les cartels à côté de neuf œuvres des collections du musée des Beaux-Arts. Les résultats de l'audit réalisé sont aussi publics et seront diffusés sur le site internet Rose-Valland. Des visites thématiques sont aussi prévues sur le sujet.
Un deuxième audit doit permettre de poursuivre l'étude des collections qui n'ont pas encore été examinées. Un système de bourse pour des étudiants de master qui souhaitent travailler sur la provenance des œuvres du musée des Beaux-Arts doit aussi être mis en place pour favoriser la suite des recherches.
Les cartels ont été modifiés pour informer le public sur la provenance de l'œuvre.
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