"A chaque fois, elle n'a que trois jours pour défaire et refaire ses valises !" Achrafe Benchadlia, mari et agent d'Amina Zidani, le confirme : à sept mois des Jeux olympiques de Paris, le rythme s'intensifie pour la boxeuse originaire du Havre. Après l'Espagne, ce mois-ci, elle prendra la direction de la Bulgarie puis de l'Italie. "Nous avons beaucoup de stages. C'est très enrichissant, car on n'a pas l'habitude d'avoir des oppositions avec les Chinoises ou les Colombiennes, des pays très lointains", détaillait la sportive à Tendance Ouest depuis la Colombie, en décembre. "Ce qui est difficile, c'est d'être loin de la famille, le décalage horaire, etc. Mais je vis mes plus belles années, c'est du pur plaisir", estime l'athlète, qui se dit "beaucoup moins stressée" depuis sa qualification officielle pour les JO.
"Les JO, c'est notre Graal"
La qualif', Jérémie Mion et Camille Lecointre ne l'ont pas encore obtenue officiellement mais, après leur victoire au Test Event l'été dernier, ils se placent parmi les favoris en 470. Cette discipline de la voile olympique devient mixte, pour les Jeux de Paris. "Toute la hiérarchie a été un peu chamboulée en début d'olympiade, il n'y a que des nouveaux équipages. L'enjeu, c'est de s'assurer que l'on progresse au même rythme que les autres et de rester dans le train de tête", commente la navigatrice qui a tiré ses premiers bords à la Société des Régates du Havre, comme son coéquipier. Entre stages à l'étranger et semaines d'entraînement chez eux à Marseille - sur le plan d'eau où se dérouleront les épreuves des Jeux - la période hivernale est intense. Séances de cardio et de musculation le matin, préparation du bateau, navigation l'après-midi, briefing et récupération en soirée… "On n'est pas loin d'être à fond, poursuit Camille Lecointre. Au fur et à mesure de l'échéance, il faudra penser à garder un peu de fraîcheur." Jérémie Mion rappelle que "l'hiver sert aussi à mesurer le matériel, tester des choses pour ne plus se poser de questions une fois la saison des compétitions lancée. C'est le cœur de notre discipline." Pour le duo, le championnat du monde prévu fin février aux Baléares sera le dernier grand rendez-vous avant les Jeux.
Margaux Bailleul, licenciée de la Société Havraise d'Aviron, attend elle aussi de décrocher son ticket pour Paris. "On est dans la dernière ligne droite. Pour l'instant, on travaille encore le foncier (musculation, cardio…), mais ce sont les derniers ajustements", détaille l'athlète, qui court désormais en catégorie deux de couple avec Emma Lunatti. Pour parcourir les 2km de l'épreuve, il faut ramer entre 6 minutes 30 et 8 minutes. "On est entre le sprint et l'endurance, résume la rameuse. Il faut travailler l'aérobie, on fait beaucoup de courses de 20km en ce moment. Plus on approchera de la compétition, plus on travaillera la vitesse." Bateau, rameur, musculation, natation, course à pied… Margaux Bailleul travaille tout cela à la fois. "Il n'y a rien à réinventer", estime la Havraise. Année olympique ou non, le programme d'entraînement est le même, les adversaires aussi. Mais la rameuse le reconnaît : "Les jeux olympiques restent notre Graal."
Une ferveur médiatique qui s'accentue
L'organisation des Jeux en France augmente la pression sur les épaules des athlètes.
La plupart d'entre eux ont déjà vécu une ou plusieurs olympiades. Mais tous les sportifs havrais interrogés font le même constat : ces Jeux organisés en France explosent le nombre de sollicitations. "Il y a deux fois plus de demandes d'interviews que d'habitude" remarque la rameuse Margaux Bailleul, qui compte se mettre "dans une bulle" dès ce mois de janvier.
"Cet été, c'était le feu !"
"Les sollicitations médiatiques arrivent plutôt trois ou quatre mois avant les jeux, en général, relate la navigatrice Camille Lecointre, là cela s'est accentué dès l'été dernier". Avec son co-skipper, Jérémie Mion (photo), ils sont accompagnés par une psychologue, pour préparer les Jeux. "Je lui en ai un peu parlé, confie le marin, le Test Event en juin dernier a été un bel entraînement, car c'était un peu le feu". Dernièrement, Télématin ou Paris Match étaient à Marseille pour suivre le duo. "Je n'ai jamais vu cela en plein hiver !" sourit Jérémie Mion. "J'aimerais dire oui à tout, mais ce serait risquer de ne pas avoir de médaille".
Les athlètes devront aussi bien gérer la ferveur pendant les Jeux. "Au village olympique, c'est extraordinaire, extravagant, on veut avoir les yeux partout mais on risque de brûler des cartouches" explique Margaux Bailleul. Elle sera logée loin de Saint-Denis, épicentre des JO, à proximité de Vaires-sur-Marne, où se déroulent les épreuves d'aviron. Mais la rameuse compte bien en profiter une fois sa compétition terminée : "j'aimerais voir tous les sports que je peux !"
"La médaille d'or, j'y mets ma vie" : comment les athlètes financent-ils leur rêve ?
Pour poursuivre leur rêve olympique, les athlètes de haut niveau bénéficient de différentes entrées financières : sponsors, Fédération, contrats de travail aménagés… Exemple au Havre et dans le pays de Caux.
Elle rêve déjà du moment où La Marseillaise retentira sur le stade Roland-Garros, où se dérouleront les phases finales de boxe des Jeux olympiques de Paris. "L'objectif est clair : la médaille d'or, annonce Amina Zidani. J'y mets ma vie, je m'y investis corps et âme." Et la boxeuse du Havre le sait : pour réussir, il faut s'y consacrer à temps plein. Elle y parvient notamment grâce à une aide mensuelle fixe versée par la Fédération française de boxe depuis sa qualification. Assistante de formation pour une filiale de Véolia, elle bénéficie aussi d'un contrat de travail spécifique.
L'Armée des Champions
"C'est indispensable d'avoir cette sérénité financière pour pouvoir se concentrer à 100% sur notre sport", poursuit la championne. Idem pour le Cauchois Alexis Hanquinquant, qui a signé une convention d'insertion professionnelle. "Une sorte de contrat à quatre entre le sportif, l'employeur, la Fédération et l'Agence nationale du sport, résume le paratriathlète, sextuple champion du monde, qui visera à Paris un deuxième titre paralympique. Je ne travaille que quelques jours par an pour Bouygues, mais j'ai un statut de représentant de l'entreprise sur les compétitions internationales et pendant les entraînements." La rameuse Margaux Bailleul et le navigateur Jérémie Mion font quant à eux partie de l'Armée des Champions, composée de plus de 200 sportifs de haut niveau dont le biathlète Martin Fourcade, la judokate Clarisse Agbégnénou ou le nageur Florent Manaudou. Ils reçoivent un salaire du ministère des Armées équivalent au Smic avec, à terme, une possibilité de reconversion. "On essaie de le rendre en étant excellents sur les compétitions", explique Jérémie Mion. Pour ces sportifs aussi, la Fédération reste l'un des principaux financeurs. "Elle met à disposition des entraîneurs, des véhicules, du matériel…", rappelle la navigatrice Camille Lecointre, elle-même membre de l'équipe de France Douane.
A cela s'ajoutent les partenaires publics et privés. "Depuis la qualification, il y a des sponsors qui viennent vers moi, relate Amina Zidani. On se dit que le travail paye, que les résultats font du bruit." Auparavant, la boxeuse devait se battre pour décrocher des contrats. Une situation que connaît encore Margaux Bailleul, membre de l'équipe de France d'aviron. "C'est compliqué de trouver des financements car c'est un sport peu médiatique et je reste encore une inconnue. Je n'ai ni la tchatche, ni le temps pour me vendre !", commente la rameuse. Elle est toutefois soutenue par une banque et des collectivités locales, dont la Ville du Havre, qui a fait des athlètes de Paris 2024 ses ambassadeurs. Ils ont ainsi touché 4 000€ en 2023 au titre de leur préparation olympique. Alexis Hanquinquant, lui, s'est aussi laissé tenter par de la publicité, pour une marque de dentifrice, du groupe américain Procter & Gamble. "C'est un gros sponsor des Jeux paralympiques depuis des années, cela me paraît cohérent de signer avec eux car ils ont une réelle politique de sport au sein de l'entreprise. Et puis, tourner une pub, c'est assez drôle à faire, sourit le champion. Mais je ne saute pas sur tout et n'importe quoi !"
"C'est l'événement numéro un de 2024" pour Alexis Hanquinquant, paratriathlète
A neuf mois des Jeux paralympiques de Paris, le paratriathlète cauchois Alexis Hanquinquant, six fois champion du monde et médaillé d'or à Tokyo, se projette.
Comment allez-vous, à neuf mois
des Jeux paralympiques ?
"Je me sens bien, excité par ce qui va se passer l'été prochain. J'espère que ce sera avant tout une énorme fête et je rêve de ramener la plus belle des médailles en Normandie. Dès ce mois-ci, je repars en stage intensif pour préparer au mieux l'échéance des Jeux, qui seront l'événement numéro un en 2024, il ne faudra pas se louper."
Quel est votre rythme d'entraînement ?
"Je m'entraîne six jours sur sept, 25 à 30 heures par semaine, voire 35 quand je suis en stage. Le dimanche est consacré à la famille, pour parler d'autre chose que de triathlon ! Je fais 25 à 30km de natation par semaine, 400 à 450km de vélo et 50 à 60km de course à pied. Je ne cours qu'un jour sur deux car les impacts sur la prothèse sont assez violents, il faut laisser la peau se reposer. A partir de janvier, je vais partir deux semaines par mois pour vraiment travailler la performance. Le plus difficile dans la préparation, c'est l'éloignement de la famille, c'est une grosse concession."
Les Jeux en France, ça change quoi ?
"La grosse différence avec Tokyo, c'est que l'on reçoit énormément de messages pour des interventions dans des établissements scolaires, plus d'une centaine ! Je suis très content que l'Education nationale se mobilise et redécouvre enfin l'apport essentiel du sport. Trop souvent, on préfère empiéter sur une séance de sport que sur une séquence de maths. Le plus dur pour nous, c'est que l'on est parfois contraint de dire non, pour éviter les sursollicitations, c'est la seule chose à faire si je veux avoir la chance de briller l'été prochain."
Vidéo, pièce thermique… Des outils pour se préparer
Les athlètes ont différents outils pour maximiser leur préparation.
La vidéo fait partie intégrante de toute préparation sportive, et les sports olympiques n'échappent pas à la règle. "C'est un élément que je négligeais, jusqu'ici, commente la boxeuse havraise Amina Zidani. Mais désormais, je l'utilise avec mon coach Kassa Baradji et ceux de l'équipe de France avant chaque compétition. On regarde les adversaires, on échange sur la tactique à mettre en place, c'est très important."
Amina Zidani sait qu'elle est observée, elle aussi, par ses adversaires. C'est d'ailleurs pour ne pas trop se dévoiler qu'elle envisage de privilégier un stage aux USA plutôt que les championnats d'Europe, prévus en avril. "C'est assez risqué de rencontrer les adversaires de ma catégorie (- 57kg) aussi proche de l'échéance. Je connais mes défauts, je travaille dessus… Et on se reverra aux Jeux !", détaille l'athlète. Les débriefings vidéo sont aussi utilisés par les navigateurs Camille Lecointre et Jérémie Mion, en 470.
Le paratriathlète Alexis Hanquinquant, lui, prévoit de maximiser sa préparation grâce à un outil qu'il avait déjà testé avant les Jeux de Tokyo, où il a décroché la médaille d'or : une "therm room" (pièce thermique). "La seule donnée inconnue pour Paris, c'est que le 1er septembre 2024, date de l'épreuve, il peut faire 15 degrés comme 45 !" détaille le Cauchois. Chaleur, humidité… Dans une salle prêtée par la métropole de Rouen, il va donc reproduire "ce qui peut se passer de pire en termes de condition de triathlon, pour bien me faire chauffer le carafon !".
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