La tranquillité qui régnait jusqu'ici aux Ateliers Sainte Claire à Rouen a été quelque peu bousculée dernièrement. L'association de la rue des Deux-Anges à Rouen, chargée d'accompagner des personnes en situation de handicap psychique à leur sortie d'hôpital, s'est vue privée de l'usage d'un jardin situé juste à côté de sa cour et propriété de la société Azurel Immobilier depuis plusieurs années.
"Nous vous avons laissé librement et gracieusement jouir du terrain nous appartenant… Nous souhaitons récupérer l'entièreté de notre bien et vous remercions de bien vouloir libérer ledit terrain au plus vite, soit le 1er décembre 2023 au plus tard", précise le propriétaire dans un courrier adressé aux Ateliers Sainte Claire, le 7 novembre dernier. Pour bien rappeler que le terrain lui appartient, l'entreprise a ainsi mandaté des ouvriers, dès le 1er décembre, pour poser des grillages d'environ 1,80m au pied de la cour des Ateliers Sainte Claires, empêchant ainsi aux résidents d'accéder à ce jardin. Un terrain dont ils avaient pourtant pu profiter pendant des années en l'entretenant et en y organisant des ateliers d'apiculture, d'espace vert ou de maraichage. Autant d'activités en lien avec la réinsertion psychosociale des personnes en situation de handicap psychique, mission principale des Ateliers Sainte Claire pour laquelle l'association reçoit un financement de l'ARS, l'Agence régionale de santé.
"Nous ne sommes pas des sauvageons"
"On savait qu'on pouvait perdre l'usage du jardin, mais on ne pensait pas du tout qu'une grille allait être installée au bord de notre mur, tout le long de notre propriété, explique la directrice des Ateliers Sainte Claire, Bénédicte Gobin. Ça a créé beaucoup d'angoisse pour certains."
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Un choc effectivement pour les résidents eux-mêmes. "On a appris ça du jour au lendemain", déplore Gregory Mabille, l'un d'eux. "On se sent enfermés… L'été, on mangeait sur les tables dehors, c'était très agréable. Maintenant on ne peut plus", poursuit-il. "En tant que personnes ayant un handicap, on a besoin de cet espace-là. Ici, c'est assez cloisonné, donc c'est important d'avoir un espace vert pour pouvoir sortir", explique Pierre Marchand, souffrant de dépression et résident ici depuis plus d'un an. "Ça fait bizarre de se retrouver enfermé comme ça, comme dans une prison", explique de son côté Jean-Claude Théodose.
Si elle ne conteste pas le droit du propriétaire, la directrice des Ateliers Sainte Claire s'étonne surtout de la brutalité de la démarche. "On a été étonnés de la rapidité des choses sans dialogue possible." Le ton est d'ailleurs monté lors de la pose du grillage, au moment de la discussion avec le chef de chantier. "Il m'a dit qu'il ne fallait pas que je m'étonne que des grilles soient posées, en parlant de mon établissement qui accueillait des sauvageons." D'ailleurs, comme un pied de nez fait au propriétaire, les résidents eux-mêmes ont fait part de leur mécontentement en installant sur les vitres de leur bâtiment des affiches avec la mention : "On n'est pas des animaux" ou "Nous ne sommes pas des sauvageons".
Le propriétaire conteste la servitude de passage
"Je ne suis pas au courant de ces propos, en tout cas ce ne sont pas des mots qu'emploierait M. Burel (le directeur d'Azurel)", répond Yannick Enoult, l'avocat de la société Azurel. S'agissant du jardin dont les Ateliers Sainte Claire revendiquent l'usage par la servitude de passage "présente dans l'acte de vente" selon l'association, l'avocat d'Azurel conteste. "J'ai revu tous les documents, la servitude n'existe pas, il s'agissait pour l‘association d'une occupation ponctuelle, précise l'avocat. Ils sont prévenus depuis longtemps". Mais alors, pourquoi mettre fin à cette occupation maintenant ? "Nous n'avons pas à nous justifier", rétorque l'avocat.
La mairie a été prévenue de la situation. Les Ateliers Sainte Claire, qui ont reçu le soutien d'autres associations voisines, entendent organiser quelques actions pacifiques pour faire pression sur le propriétaire afin de récupérer l'usage de ce jardin.
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