Son fils n'était âgé que de 25 jours quand, en 1997, Patrick Manteigueiro est arrivé chez Normandie Roto Impression (NRI), à Lonrai. Un emploi qu'il a quitté depuis 2020 pour donner des conseils aux éditeurs et imprimeurs. Désormais âgé de 57 ans, il vient de lancer Anépigraphe, sa maison d'édition.
Alençon, terre d'éditeurs
Des années 1500 à 1900, Alençon a été une terre d'imprimeurs et d'éditeurs de livres. Le plus connu est l'Alençonnais Auguste Malassis, qui a signé le 30 décembre 1856 avec le poète Charles Baudelaire le contrat de publication des sulfureuses Fleurs du mal. Mais une condamnation pour outrage à la morale publique lui a imposé d'en retirer six poèmes. Plus sagement, Patrick Manteigueiro débute avec une nouvelle édition largement augmentée de Normandie connexion, roman mémoriel très documenté paru en 2009 qui traite de la filière clandestine de trafic de calva dans la campagne normande. Mais, comme si la fatalité se répétait à Alençon, ce roman a valu à son auteure l'ancienne Alençonnaise Marie-France Comte, d'être convoquée au tribunal (voir par ailleurs) !
"Je suis issu d'une famille d'origine portugaise, mes parents ont été ouvriers, puis artisans. J'ai eu la chance de pouvoir faire des études : maths sup, maths spé, les classes préparatoires, j'ai passé des concours, l'Ecole nationale supérieure d'ingénieurs. Mais à côté de chez mes parents, à Vienne, il y avait une papeterie. C'est pour cela que j'ai intégré l'Ecole française de papeterie et des industries graphiques et, lors de mes stages, j'ai obliqué vers l'imprimerie. Car le livre, c'est ma vie." Responsable de production en 1997 puis directeur de production en 2005, directeur général et commercial de NRI, Patrick Manteigueiro se souvient particulièrement des rapports humains, tant avec les clients qu'avec les 150 salariés du site, qui a notamment imprimé le prix Goncourt trois années de suite.
Editeur de livres
Après NRI, il change d'employeur. Au bout de deux ans, il fait l'objet d'un licenciement économique. "A 57 ans, c'est comme si vous preniez une tonne sur la tête", se rappelle Patrick Manteigueiro qui, après 33 ans de métier, crée alors une structure de conseil aux imprimeurs et éditeurs. "Conseiller c'est bien, mais faire c'est mieux. Ça faisait dix ans que ça me titillait, j'ai donc créé ma maison d'édition. Aujourd'hui, je suis toujours en apprentissage. C'est une relation de confiance, l'auteur vient avec son manuscrit qui est son bébé. Il me plaît ou pas. Puis il faut retravailler le texte mais, même si je peux relever quelques faiblesses, il faut rester très humble, d'autres éditeurs sont beaucoup plus intrusifs." Patrick Manteigueiro rêve de découvrir une pépite comme Marie Darieussecq, que tous les professionnels avaient refusée, qui a été retenue par l'éditeur POL et qui finalement a été imprimée à plus de 400 000 exemplaires. Le nouvel éditeur a déjà six éditions de livres en prévision, et ne lui dites pas que c'est une folie de lancer une maison d'édition alors que les jeunes ne lisent plus rien d'autre que les SMS reçus sur leur smartphone ! "Je ne pense pas que le livre soit fini, c'est quand même la meilleure façon de se retrouver au calme avec soi-même." L'ambition de Patrick Manteigueiro ? "Editer une douzaine de livres par an." Son souhait le plus cher ? "Que lorsque quelqu'un termine la lecture d'un livre que j'aurai édité, il se dise qu'il a passé un bon moment."
Normandie Connexion, un roman sur la filière clandestine du calva
La sortie de "Normandie Connexion" n'a pas été un long fleuve tranquille.
Ecrire un livre sur la filière clandestine du calva présente des risques. "Vendredi 27 mars 2009, invitée sur le stand de la radio Normandie FM [devenue Tendance Ouest] à la foire Ornexpo, je suis alertée. La standardiste a reçu un appel d'un individu qui veut recueillir des renseignements sur moi, se rappelle Marie-France Comte, auteure de Normandie Connexion. Le samedi, il se présente au stand et me réclame. C'est Dubourg (N.D.L.R. : un trafiquant notoire). Je ne suis pas encore présente. Il laissesa carte, me menace, dit à la cantonade qu'il a fait interdire le livre. En août, mon éditeur reçoit la visite d'un huissier pour une assignation en référé au tribunal pour le retrait du livre." L'affaire avait fait les gros titres de la presse nationale, d'autant que la justice a débouté le plaignant en première instance, puis en appel. Il voulait se pourvoir en cassation, mais un certificat de non-pourvoi fut délivré à l'auteure et à son éditeur.
Marie-France Comte, première auteure éditée par Anépigraphe
Le premier roman publié par Anépigraphe a été écrit par Marie-France Comte, qui a longtemps travaillé à Alençon.
Ecolière, elle s'étonnait de ne voir voguer aucun bateau sur la Loire, fleuve à côté duquel elle vivait. Quelques années plus tard, Marie-France Comte a entrepris une dizaine d'années de recherches sur la navigation sur ce fleuve "qui a permis d'alimenter Paris bien avant que cela ne se fasse par la Seine", explique celle qui a publié en 1984 son premier roman intitulé Tourangeau, marinier sur la Loire aux éditions L'Ornal, qui aujourd'hui ont cessé leur activité. Lorsqu'il a commencé son activité d'édition, Patrick Manteigueiro s'est aperçu que Normandie Connexion, autre roman de Marie-France Comte, était épuisé. Elle qui avait passé une partie de sa vie professionnelle à Alençon a été séduite par la passion du nouvel éditeur. L'auteure a alors complété son roman d'une préface, ainsi que d'une assez longue postface qui raconte les anecdotes lors de sa sortie, et tout ce qui s'est passé ensuite.
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