Les cabinets médicaux sont généralement assez silencieux, mais celui-ci l'est encore plus. Depuis quelques semaines, la Clinique de la Miséricorde s'est dotée d'une Unité d'accueil et de soins pour sourds, l'UASS. "Il en existe une vingtaine en France, mais la Normandie était la seule région dépourvue", rappelle Marie Aubrion, la médecin du service. Elle parle la langue des signes et peut donc converser avec ses patients de manière fluide. Une révolution. "Le secret médical est respecté : la personne sourde n'a pas à demander à un proche de venir lui faire la traduction, de payer à ses frais un interprète, ou bien essayer de lire sur les lèvres et ne pas tout comprendre."
Une compréhension très difficile
Effectivement, l'accès aux soins pour les sourds est bien plus difficile. Comment aborder avec eux la question de violences intrafamiliales si un membre de la famille vient traduire ? "Même la prise de rendez-vous est parfois difficile pour eux. Par exemple, ce n'est pas simple de demander à quelqu'un d'appeler pour soi le centre Baclesse [centre de lutte contre le cancer à Caen]…" La syntaxe différente de la langue des signes et du français est aussi sujette à de mauvaises interprétations. "Quand un médecin écrivait à un sourd 'vous êtes séropositif', ce dernier comprenait souvent 'c'est positif'. Une augmentation du SIDA dans la communauté a été observée." Autre illustration : un médecin vous a déjà écrit sur une ordonnance "un comprimé après le repas". "Un sourd va comprendre de prendre un comprimé, puis de prendre le repas. La qualité des soins est moins bonne", se lamente la praticienne.
A la Clinique de la Miséricorde, quatre personnes font partie de l'UASS, ouverte le mardi et le vendredi : Marie Aubrion, médecin généraliste qui a appris la langue des signes pendant son internat, "ayant un attrait pour les langues". À l'accueil, il y a Virginie Rombaut, qui vient tout juste de terminer quinze jours d'apprentissage intensif de la langue. "Je voulais découvrir quelque chose de nouveau, glisse-t-elle. Je suis là pour accueillir les patients. Savoir que même la secrétaire parle leur langue les rassure." "Si on a du retard, on peut les avertir, alors que dans un cabinet classique, le patient sourd ne comprend rien, se sent oublié", complète Marie Aubrion.
De l'autonomie pour tous
Vient ensuite Mathilde Hardy, interprète. Son rôle ? Etre un robot. "Elle traduit les échanges en parfaite neutralité et fidélité", assure la médecin. Elle est présente notamment si une personne sourde doit subir des examens complémentaires avec un spécialiste de la clinique. Elle intervient également lors de ce rendez-vous, quand Delphine Ehrmann, sourde, amène sa fille Nubia, entendante, à une consultation avec Marie Aubrion. Ainsi, la mère peut comprendre l'intégralité de l'échange entre la praticienne et sa fille. Enfin, il y a l'intermédiatrice sourde. Elle assure elle aussi la traduction, mais peut se permettre quelques libertés. "Elle connaît la culture sourde, elle peut donc reformuler, ajouter des éléments, pour s'assurer que la communication soit optimale, alors que l'interprète se doit de traduire fidèlement, même s'il y a un malentendu", explique la médecin. Ainsi, le sourd est indépendant, de la prise de rendez-vous jusqu'à la compréhension du diagnostic médical. "C'est à nous de nous adapter. L'autonomie de ces patients est très importante, ce sont des adultes !", conclut fièrement Marie Aubrion.
Les sapeurs-pompiers du département innovent pour traiter les urgences
Une application lancée par les pompiers du Calvados entend révolutionner la prise en charge des personnes sourdes.
En cas d'urgence, le 114 existe pour les personnes sourdes. En visioconférence, ils peuvent expliquer leur problème mais, une fois qu'une équipe est engagée sur le terrain, ça coince niveau communication. Alors, Rémy Touzé, sergent-chef à la caserne de Bayeux, a eu une idée.
"Nous avons créé l'application Assist. Sur une tablette, 180 vidéos tournées en langue des signes permettent aux secouristes de poser des questions à la victime ou de donner des indications." C'est Farid Darkaoui, pompier volontaire et lui-même sourd, qui les a tournées. "Ce sont principalement des questions fermées, auxquelles on répond par oui ou non. Pour des questions plus ouvertes, comme 'où avez-vous mal ?', nous avons sur la tablette un corps humain, et la victime peut pointer, en indiquant son échelle de douleur." L'application, ayant récemment servi pour la première fois, est testée dans quelques casernes, avant que la phase ne s'étende à tout le département. Même Emmanuel Macron, qui s'est vu présenter le projet, "avait l'air conquis !".
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